La Beauté du monde
de Michel Le Bris

critiqué par Garance62, le 8 août 2009
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Qui trop embrasse mal étreint ?
Ne vous fiez pas à ma note. Les amateurs de belles histoires seront plus généreux que moi ! Il m'avait été vivement recommandé et j'ai été peu prudente à ne pas choisir ce livre comme je le fais d'habitude : en le parcourant attentivement.
L'histoire est vraie mais romancée par Michel Le Bris. Presque sept cent pages dont je n'ai lu que trois cent -le plaisir de lire ayant disparu- pour suivre Osa et Martin Johnson, intrépides aventuriers américains des années 20. Un vrai défi d'écriture pour Michel Le Bris : "Martin et Osa, les « amants de l’aventure » : leur histoire était extraordinaire !… Lui, le compagnon de London à 20 ans, explorateur, cinéaste de génie. Elle, « la plus glamour des risque-tout » disait la presse du temps, mariée à Martin dès l’âge de 16 ans, d’une beauté rayonnante, en empathie avec la terre entière — c’est elle, dans leur grand succès Congorilla, qui a inspiré à Schoedsack l’idée de King Kong. Ensemble, les inventeurs du cinéma animalier, les pionniers de la préservation de la faune africaine, vivant en Océanie comme en Afrique des aventures insensées. Les premiers, dira Hemingway, à avoir brisé les clichés sur l’Afrique des ténèbres. Des stars dans les années 20 et les années 30, faisant la « une » des journaux à chacune de leurs expéditions, drainant des foules énormes. Comment avait-on pu les oublier ?"

J'ai aimé la description de la personnalité d'Osa, sa dualité due à la fracture entre sa vie de jeune fille et sa vie d'aventurière, la distance qu'elle doit mettre entre ces deux parties d'elle-même.
J'ai aimé tout l'aspect du questionnement sur le but du voyage, sa nécessité, sur l'essence du voyageur. Le directeur du festival littéraire de Saint-Malo « Etonnants voyageurs » nous donne à lire de bien beaux passages : « Peut-être est-ce la finalité de tout voyage, je veux dire de ces voyages où vous avez le sentiment d'engager jusqu'au tréfonds secrets de votre âme que de se rendre étranger à soi-même. De découvrir l'étranger en soi», « Elle avait presque fait le tour du monde, découvert des merveilles qu'elle n'imaginait pas, mais que lui restait-il au retour ? Un vide immense -comme si le prix à payer du monde était de s'y perdre... »...
J'ai particulièrement aimé lire les passages où l'on sent la personnalité qu'on imagine riche de Michel Le Bris, dévoreur et gouteur d'aventures différentes, curieux de tout et gourmet de vie. Allez lire si ça vous tente les pages 194-195, petit passage : « Elle reconnut « son » bosquet de sycomores, non loin, fantômes blancs décharnés, aux branches contournées qui bougeaient dans le vent comme des bras de suppliants, où elle s'amusait à dénicher les ratons laveurs endormis dans des trous discrets-combien d'histoires elle avait pu imaginer, blottie à l'ombre rare de leur feuillage, ils étaient des morts-vivants, revenus de la Prairie pour avertir les imprudents, des pionniers écorchés vifs par les Indiens, ou bien des trolls qui allaient l'emporter si elle s'endormait... ».
J'ai aimé l'écriture de M. Le Bris, sa précision, sa dentelle, sa construction travaillée.
Mais je n'ai pas du tout aimé la profusion, le trop de tout qui donne l'impression d'une indigestion. Je n'ai pas aimé les énumérations fort bien documentées mais stériles à mon goût de sens dans un roman, un encyclopédisme qui casse l'émotion, le voyage mental au côté des personnages, à l'opposé d'un « petit traité sur l'immensité du monde » de Sylvain Tesson qui m'emporte au-delà du quotidien. Ceux qui n'ont pas aimé celui-là aimerons peut-être celui-ci... Tous différents...
Une épopée africaine 7 étoiles

Certes le livre est volumineux et de longues pages de description, bien qu'admirablement écrites, peuvent dérouter.
Pour ma part j'ai dévoré ce bouquin jusqu'au bout. On suit l'aventure des Johnson avec le sentiment de les accompagner dans la brousse et les déserts d'une Afrique encore sauvage. Les descriptions, pléthoriques, permettent de situer cette épopée dans son époque (celle des derniers grands aventuriers, du jazz, du grand cinéma animalier, des safaris...).
Un très grand roman sur la nature africaine, que je recommande vivement tant le dépaysement est garanti. Vous y découvrirez une Afrique authentique les pieds dans la savane, assez éloignée des mondanités et de l'entreprise agricole décrites par la baronne Blixen dans "la ferme africaine".
Et puis ça nous change des romans nombrilistes de la littérature française contemporaine.

Fabrice - - 39 ans - 3 mai 2013


Trop de détails étouffent la beauté de la narration 6 étoiles

Bien évidemment ce roman est très bien écrit. Le style est séduisant, l’écriture fluide, ce qui permet d’approcher les personnages avec finesse et nous faire entrer dans l’atmosphère d’une époque de grandes explorations aussi diverses que variées. Pour tout cela, un bon point.

Oui mais voilà cela ne suffit pas, car toutes ces qualités sont gâchées par trop de détails et trop de répétitions qui nous perdent dans ce roman apparaissant du coup trop long, plombant de ce fait le plaisir de lire. Dans cette jungle, on peine parfois à garder le fil conducteur, lequel est captivant : comment rendre compte de la beauté du monde, quel sens ses richesses peuvent revêtir à nos yeux de simples mortels, comment celles-ci peuvent nous permettre de grandir et mieux vivre ensemble.

Bref, la beauté est ici ternie par la profusion. On s'essouffle progressivement, l'émotion décline, c’est dommage.

PPG - Strasbourg - 48 ans - 2 novembre 2009