Eyes wide shut / Rien qu'un rêve
de Arthur Schnitzler

critiqué par Nance, le 18 août 2009
( - - ans)


La note:  étoiles
Nouvelle d'un film qui la surpasse
Traumnovelle ou Rien qu’un rêve (ou dernièrement La nouvelle rêvée) est une nouvelle parue en 1926 par l’écrivain (et médecin) juif autrichien Arthur Schnitzler. Il faut lui donner cela, la nouvelle n’a pas vieilli d’une ride et je n’aurais jamais su à quelle époque elle a été écrite si je n’avais pas fait une recherche.

Florestan et Albertine semble tout du couple marié stable. Il est médecin, elle est mère au foyer d’une charmante petite fille. Lors d’une confession mutuelle, la femme lui fera la révélation déstabilisante d’un fantasme qu’elle a eu pour un autre homme et son mari en sera troublé. Après une consultation tardive, encore sous le choc, le médecin va errer dans les rues sans but précis et vivra diverses aventures.

Le récit est tout en fantasmes et frustrations, très freudien. Le problème principal vient que j’ai vraiment aimé le film Les yeux grands fermés de Stanley Kubrick (la scène de l’orgie est mémorable, celle où le médecin se fait poursuivre dans la rue avec la musique de Ligeti en arrière-plan aussi) et ça éclipse la nouvelle si je fais la comparaison. Le réalisateur a magnifiquement quitté la scène avec son dernier film, une adaptation riche et atmosphérique. Dans mon édition, le scénario de Stanley Kubrick et Frederic Raphael est inclus, mais j’ai préféré revoir le film à la place. Enfin, j’ai passé un bon moment de lecture et de visionnement.

« "Il y aura une épée entre nous", songeait-il en se remémorant une remarque qu'il avait faite un jour, mi-plaisant, mi-sérieux, en pareille occurrence. Ils restèrent ainsi allongés en silence, les yeux grands ouverts, sentant tout à la fois combien ils étaient proches, et pourtant comme ils étaient loin l'un de l'autre... Au bout d'un moment il se souleva, posa sa tête sur son bras et la contempla longuement comme s'il cherchait à voir plus loin que les traits de son visage. »
Double rêve 9 étoiles

DOUBLE REVE de Arthur Schnitzler "Le livre de poche 2002 - traduit de l'allemand 1925" 170,- pages

Fridolin et Albertine ont entre trente et quarante ans. Ils font partie de la bonne bourgeoisie viennoise du début du vingtième siècle. Ils ont un enfant (une petite fille) et une gouvernante. Toute l'attention repose sur eux. Au retour d'un bal masqué ils partagent leurs rêves et leurs phantasmes et passent ensemble une nuit qui leur apporte une jouissance inespérée. Tous deux se prennent au jeu sans savoir vraiment où l'aventure va les mener.

Si vous avez l'occasion de lire ce court roman avant d'avoir vu l’extraordinaire film "EYES WIDE SHUT" de Stanley Kubrick courez ventre à terre chez votre bouquiniste afin de réaliser cette double expérience dans le bon ordre.
J'ai malheureusement effectué la démarche dans l'autre sens et je le regrette ! Il est dans la vie des erreurs irréparables.

Comment imaginer la libéralité qui régnait à Vienne en 1925 pour permettre de telles publications sensuelles ? Quelques petites années plus tard, la croix gammée flottait sur les façades et les livres décadents finirent en autodafé (du portugais "acte de foi").

La première traduction francophone daterait de 2002 (les sources ne sont pas vérifiées). Le film de Kubrick date de 1999 et serait probablement le déclencheur de l'exhumation du texte originel !

Monocle - tournai - 64 ans - 17 avril 2019


Fidélité, pulsions et sincérité envers l'être aimé 10 étoiles

Cette nouvelle d'Arthur Schnitzler exerce une certaine fascination sur le lecteur. Ce texte gagne vraiment à être connu.car le film l'a trop éclipsé au point même que l'édition Pocket a rebaptisé la nouvelle "Eyes wide shut" en y associant une photo sensuelle des comédiens. Le titre fait débat, du moins sa traduction et "La Nouvelle rêvée" serait celui le plus conforme aux intentions de Schnitzler. La Couverture de l'édition Livre de proche avec un tableau de Klimt a plus de résonance à mes yeux. C'est sans doute moins vendeur ...

Fridolin et Albertina forment un couple classique avec une fille. Ils vivent à Vienne au début du XXème siècle. Ils ont tout de même choisi une ligne de conduite dans leur couple quelque peu délicate, celle d'être tout le temps sincère et de se raconter les moindres tentations, les moindres rêves ambigus qu'ils font. Albertina évoque ainsi auprès de son mari la tentation qu'elle a eue de céder à un jeune marin qu'elle avait rencontré. De la même manière Fridolin évoque la tentation ressentie aussi un certain jour vis-à-vis d'une jeune fille. Albertina lui raconte aussi ses rêves dans lesquels elle cède à l'adultère et aime voir son époux souffrir ... Cette totale vérité bouscule les repères des personnages. La crainte de la tromperie est omniprésente, les rêves semblent témoigner des véritables pulsions des personnages. Et ce couple à l'épreuve d'une franchise totale se met en danger. S'enchaîneront aussi les rencontres et les situations qui soumettent Fridolin à la tentation. Le personnage masculin est médecin et lors d'une visite médicale, la fille d'un défunt lui déclare sa flamme. Une jeune prostituée cherche aussi à le faire céder. Puis il y a la rencontre avec ce pianiste qui le conduira finalement dans un lieu où les interdits sont transgressés, où les hommes et les femmes sont masqués et s'adonnent à toutes sortes de plaisirs.

La nouvelle est très réussie, possède une certaine charge sensuelle sans être pornographique. Il est vraiment dommage que le film de Kubrick fasse autant d'ombre à ce texte qui touche à l'intime. Il ébranle aussi nos convictions. On s'interroge sur notre couple et sur le rôle de la vérité dans la construction d'une histoire amoureuse. Les pulsions, les fantasmes et les rêves sont-ils à révéler ? Faut-il les censurer ? Les conserver pour soi ? Les scènes masquées rappellent aussi les carnavals qui avaient ce côté libérateur. Cette Marianne dont le père meurt ressent aussi cette liberté d'affirmer ses désirs. Les rêves échappent au refoulement et font émerger certaines vérités. Réduire cet ouvrage à une simple scène de dépravation est franchement réducteur.

Et puis Arthur Schnitzler a très bien construit cette nouvelle de cent pages. En effet, certaines scènes se font écho, se répondent. Il y a constamment des allusions aux oiseaux, ce qui invite à l'interprétation. Dans le rêve de Marianne, Fridolin finit crucifié. D'autres renvois dans le texte évoqueraient Jésus. Dans la première tradition chrétienne, le chemin de croix du Christ se faisait en sept stations, non quatorze comme cela est considéré aujourd'hui. La nouvelle se découpe en 7 chapitres. Cette nouvelle n'est pas si simple que cela et regorge d'éléments significatifs. L'écriture de Schnitzler est très agréable et vive. Le lecteur ne s'ennuie absolument pas. Certaines scènes sont très fortes et marquantes. Elles possèdent une sacrée charge symbolique tout en restant parfois sibyllines. La fidélité, le désir, les pulsions, les rêves et l'inconscient traversent cette nouvelle, ce qui ne la rend que plus captivante.

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 7 avril 2019


La Nouvelle Rêvée 10 étoiles

Une centaine de pages qui, chez nous, furent d'abord appelées "Rien Qu'Un Rêve" avant d'être renommées "La Nouvelle Rêvée" (et, éphémèrement, "Eyes Wide Shut", compte tenu que le dernier film de Kubrick l'adapte).
Le film est grandiose (il faut s'accrocher, ce n'est pas forcément au premier visionnage qu'on se rend compte de son niveau), la nouvelle aussi, mais les deux oeuvres ne boxent pas trop dans la même catégorie. Le film se passe à New York, XXème siècle. La nouvelle, à Vienne, XIXème siècle.
Entre autres différences.
Sinon, on se rend compte que le film adapte bien la nouvelle, on retrouve la jeune prostituée avec qui Fridolin (nom du personnage dans la nouvelle !) ne couche pas, mais à qui il donne quand même de l'argent ; l'ami pianiste qui lui parle de la soirée étrange au cours de laquelle il joue masqué ; le vendeur de costumes et sa fille frivole ; la fameuse soirée orgiaque et gothique ; et bien entendu, les rêves du couple, racontés l'un à l'autre, rêves dans lesquels ils se trompent, sans s'être jamais trompés en réalité.

Le style de Schnitzler est remarquable, proche de celui de Thomas Mann ("La Mort A Venise"). Cette novella est un classique du genre, un petit texte parfait, à lire et relire, même si vous n'avez pas aimé le film qui n'a pas fait l'unanimité). Mais si vous avez aimé le film (ce qui est mon cas), je vous conseille aussi fortement la lecture de ce qui l'a inspiré. En plus, c'est très court, 110 pages environ, donc ça ne vous prendra pas trop de temps. Sublime.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 16 mars 2014


une très belle nouvelle sur le couple 10 étoiles

C'est une très belle nouvelle sur les fantasmes et la jalousie dans le couple où on peut sentir en filigrane une possible influence de la psychanalyse freudienne. une nouvelle tout en nuances.

Nevermoref - Issy les Moulineaux - 49 ans - 20 août 2013