René Lévesque et la communauté juive
de Victor Teboul

critiqué par Dirlandaise, le 20 août 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Une communauté soucieuse de ses privilèges...
Ce livre reproduit le texte d’un entretien que Victor Teboul a eu, le 31 mai 1982, avec le premier ministre du Québec de l’époque soit René Lévesque. Cet entretien s’inscrit dans une série de quatorze émissions radiophoniques d’une heure intitulée « La communauté juive du Québec ». Donc, le texte qu’on retrouve dans ce petit livre est la transcription intégrale de la Société Radio-Canada.

L’arrivée au pouvoir du Parti Québécois de René Lévesque provoque une onde de choc au sein de la communauté juive québécoise à majorité anglophone. Les relations entre la communauté juive et le gouvernement Lévesque sont souvent tendues tout en restant correctes. Pour situer le contexte de cet entretien, il a eu lieu lorsque René Lévesque a été élu pour un deuxième mandat malgré la défaite de l’option référendaire de 1980 et la déprime qui a affecté les souverainistes suite à cette défaite.

Parmi les thèmes abordés, on retrouve la découverte par le monde des horreurs des camps nazis avec René Lévesque en première ligne agissant à titre de correspondant pour Radio-Canada, la Crise de Suez de 1948, la perception de l’État d’Israël par la population québécoise, les discours teintés de racisme et antisémitisme de l’historien québécois Lionel Groulx, la restructuration du système scolaire québécois et la part qu’y jouera la communauté juive, l’inexistence de la représentation juive au niveau ministériel du gouvernement Lévesque, la position de René Lévesque à l’égard d’Israël et quelle serait la politique d’un Québec indépendant à l’égard de cet État entre autres.

Victor Teboul résume bien l’esprit régnant chez les Juifs anglophones québécois face au gouvernement séparatiste de René Lévesque. Ils se sentent menacés dans leurs droits et privilèges et avec raison mais comment en serait-il autrement quand on a vécu pendant plusieurs générations en se tenant du côté des oppresseurs et en refusant d’apprendre la langue de la majorité et qu’on voit cette majorité opprimée prendre soudainement le pouvoir. De plus, la communauté juive anglophone a vu d’un très mauvais œil le rapprochement des juifs québécois francophones, les Sépharades, avec le gouvernement Lévesque et les privilèges que cette bonne entente leur a valu au niveau des subventions gouvernementales. Les juifs anglophones, les Ashkénazes, y voyaient une menace et une éventuelle division au sein de leur communauté.

Une excellente analyse de la situation et des préoccupations de la communauté juive anglophone québécoise de l’époque par Victor Teboul.

« Quand on devient un état et qu’on se comporte comme un état, forcément on devient critiquable. » (René Lévesque)

« Mais quand on est conditionné par ce que je vois de déformation et de propagande, en fait, constamment à sens unique, toujours méfiante, du côté de tout ce qu’on peut lire en anglais ici au Québec, toujours méfiante vis-à-vis de quelque affirmation que ce soit du Québec français, qui est quand même le fondement national du peuple québécois, on n’y peut rien, c’est la réalité, c’est l’histoire qui nous l’a transmise, puis il n’y a pas de raison qu’on s’excuse d’exister. » (René Lévesque)

« L’image respectueuse de la démarche démocratique de René Lévesque s’obscurcissait ainsi dès qu’il était question de la place prépondérante que son gouvernement désirait accorder à la langue française. Cette place que l’on allait donner au français devait se faire, toujours aux yeux de la communauté juive anglophone, au détriment d’une association, parfois chèrement acquise, avec les milieux de langue anglaise du Québec. Elle risquait aussi, selon cette perspective, de couper culturellement les juifs du Québec de leurs coreligionnaires du reste du continent. » (Victor Teboul)