Zoé
de Christophe Chabouté

critiqué par Dirlandaise, le 23 août 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
La tendresse de Chabouté
Un vol de corbeaux, un cimetière, un enterrement… Une vieille dame prénommée Mathilde est morte et quelques personnes sont réunies autour de sa tombe pour lui rendre un dernier hommage.

Changement de décor, une ville, un centre d’incarcération. Une jeune fille aux allures d’androgyne et portant veste de cuir, franchit la porte de la prison, son sac sur l’épaule : Zoé. Quel rapport entre cette jeune fille et l’enterrement de la vieille dame ? Un rapport très étroit et qui sera déterminant sur la vie libre de Zoé.

Charmante histoire que nous présente ici Chabouté. Cette fois, il a choisi une fois de plus le milieu rural et la campagne comme cadre à ce récit triste mais teinté d’une infinie tendresse, la tendresse de Chabouté. La jeune Zoé, sous des allures de garçon manqué, recèle une grande sensibilité et un caractère désabusé tout à fait charmant. Elle a fait dix ans de taule et sa seule ambition désormais dans la vie est de s’installer confortablement et de se laisser vivre doucement, au gré du temps. Elle se liera d’amitié avec un simple d’esprit du même âge qu’elle, Hugo, le fils du maire du village, qui lui enseignera comment refaire le plein d’énergie en serrant étroitement le tronc d’un arbre magique. Mais le surnaturel n’intervient pas ici, c’est une histoire ancrée dans la réalité, une histoire de vie, de corruption et de mort où les êtres humains sont dirigés par leurs viles passions dont la cupidité. Chabouté démontre une fois de plus que sous des dehors de respectabilité, souvent l’âme humaine recèle des abîmes de noirceur et de lâcheté. Mais le gentil Hugo plane au dessus des méchancetés de ce monde et Zoé accède doucement à son univers né de son imaginaire de simplet et de grand naïf.

Et encore une fois, Chabouté a choisi le noir et blanc pour illustrer cette magnifique histoire d’amour et de mort. Ses dessins caractéristiques sont toujours aussi attachants et ses personnages prennent vie sous nos yeux. Ce que j’aime aussi de Chabouté, c’est qu’il n’abuse pas des dialogues. Plusieurs pages sont parfois entièrement muettes mais nul besoin de grandes phrases et de verbiage car Chabouté, en quelques traits de plume, sait exprimer ce qu’une foule de mots ne sauraient mieux faire. Je crois que c’est là que se cache tout l’art de la bande dessinée et Chabouté le maîtrise parfaitement son art et plus je le lis, plus je me dis qu’il est génial cet homme.

"On ne veut pas d'histoires à La Goule !... Pauvre gamine... Ici même les corbeaux survolent le village sur le dos pour ne pas voir ce qui s'y passe ! Voilà, petite... Tu sais tout ce que je sais... Maintenant tu dois fuir ! Ils ne sont plus à un meurtre près... et je n'aimerais pas que tu finisses toi aussi au cimetière de La Goule."