- Papa, dis-moi, papa, comment que t’as connu maman qu’est la plus belle que j’ai jamais vue ?
- Tout fut grâce à Kamo.
- Mais c’est qui ce Kamo ?
- Un élève que j’eus, très fort avec les mots. Il m’avait demandé de bien les préparer à l’entrée en sixième, à la diversité de tous les professeurs qu’ils auront devant eux. J’ai fini par céder, pas pour les rendre heureux. J’ai donc été un temps plus de dix professeurs, parfois froid et glacial, parfois de trop grand cœur ; mais c’est ce petit cirque, ces multiples « je suis », qui fait que tu es là, mon petit, aujourd’hui.
- Je comprends pas vraiment le lien avec maman.
- Je le dirai demain. Il est tard maintenant. A ton âge, à cette heure, un garçon doit dormir.
- Mais je veux tout savoir ! Pourrais-tu me le dire !
- Faisons ainsi, veux-tu : je te dis qu’il y a entre ce cher Kamo, ta maman et papa un lien très étroit qui donna notre amour. Réfléchis à ce lien pendant au moins un jour, imagine l’histoire, imagine le lien. Tu connais le début et tu connais la fin, compose le milieu, le pont qui les relie, et puis reviens me voir et dis-moi ton récit. Mais afin de t’aider, je rajoute ceci : si j’ai connu ta mère, c’est par Kamo aussi qui en fit le portrait sur un petit papier ; mais je n’ai pu l’avoir que grâce à son idée.


C’est un livre plaisant, c’est un livre pépite. J’aime ces tons d’enfant qu’un esprit mûr habite ; l’ambiance alors oscille entre naïveté et le message beau de la maturité. C’est ici qu’est tout l’art d’un livre de jeunesse, et Pennac, c’est certain, le tient avec justesse.

C’est l’école en plus beau, tant par ses enseignants que par les plus petits qui y semblent plus grands.

Mais c’est aussi un beau bijou de narration, qui m’a plu tout autant par sa composition ; car le livre paraît raconter deux histoires, oubliant la première comme dérisoire pour ne se concentrer que sur celle qui suit. Je pensais reprocher à l’auteur un oubli, mais il parvient alors au tout dernier chapitre à unir la première à celle des pupitres. Je pensais le fusil de Tchekhov insulté, alors qu’il nous était brillamment illustré. En condensé, Pennac, à travers ce roman, explique par l’exemple et nous montre comment on construit et raconte une touchante histoire, sans que rien n’y paraisse superfétatoire.

Roman contemporain super drôle. Kamo est le meilleur ami qu'on pourrait avoir.