Dix indiens
de Madison Smartt Bell

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 2 septembre 2009
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
L’idéaliste confronté à la réalité
Devlin, psychologue pour enfants, a la quarantaine qui le gratouille… Marié à une charmante femme, père d’une jolie adolescente de seize ans, doué pour le taekwondo, tout semble lui sourire. Et pourtant, lorsqu’il est renversé par une voiture et qu’il s’en sort avec pour seul dommage un bel œdème à la cuisse, il préfère ne pas mettre sa famille au courant. Un peu plus tard, il assiste bien malgré lui à une fusillade (mauvais endroit, mauvais moment). La jeune femme noire qui est atteinte par erreur et qui s’écroule, morte, à quelques mètres de lui, se baladait innocemment dans la rue, accompagnée de son petit bébé dans une poussette. Devlin observe que les passants, tout occupés à scruter le corps étendu sans vie sur le trottoir, ignorent totalement le bébé. Devlin se dit qu’il faut faire quelque chose et, pris de court, empoigne la poussette et s’éloigne, pratiquant ainsi un kidnapping… avec les meilleures intentions du monde bien sûr, mais un kidnapping tout de même… Comment sa femme et sa fille vont-elles réagir ?

Or, si Devlin se trouvait dans ce quartier peu sûr, touché par la drogue c’est parce qu’il est sur le point d’y ouvrir une salle de taekwondo dont il sera le maître, secondé par sa fille. Sa nouvelle clientèle se compose des membres de deux bandes opposées, des dealers tatoués au nom de leur quartier, qui attirés par la curiosité vont finir par se prendre au jeu de ce sport. Parmi eux, le père du bébé kidnappé et tous les jeunes de son « clan ».

Devlin est un idéaliste qui refuse de se rendre à la brutalité et à l’agressivité. S’il ouvre cette salle de taekwondo, c’est d’ailleurs parce qu’il voudrait aider ces jeunes délinquants noirs à se dominer, à user d’autres stratégies en cas de conflits. Mais le meurtre de Jaynette, auquel Devlin a assisté par hasard, a mis le feu aux poudres et l’explosion ne tarde pas. Les deux bandes s’affrontent, et le langage des armes se fait entendre. Devlin réussira-t-il dans son entreprise ?

Devlin, le blanc quadragénaire, Devlin en pleine recherche, mais de quoi ? Il ne se reconnaît plus lorsqu’il cache à sa femme son accident ni lorsqu’il se laisse emporter par l’impulsion et kidnappe Froggy. Devlin qui veut sauver le monde, sauver les enfants en consultation, sauver ce bébé, sauver les noirs, sauver les dealers en leur enseignant le taekwondo. Belle figure que ce Devlin, dont Madison Smartt Bell a l’intelligence de ne pas faire un ange : son attitude vis-à-vis de sa femme et de sa fille connaît quelques flous, voire même des ratés, et ce n’est pas le seul exemple.

Du même auteur, j’ai lu les deux premiers tomes de sa trilogie sur Toussaint Louverture, qui abordait déjà les rapports entre les noirs et les blancs. Ce sujet semble préoccuper Smartt Bell et ici aussi je salue son art de la nuance. Il n’y a pas les bons et les méchants, il y a des situations complexes, des circonstances atténuantes, des cultures à prendre en compte. Si bien qu’un jugement à l’emporte-pièce serait déplacé…

N.B. Je n’ai toujours pas compris le rapport entre le livre et son titre !!! Si quelqu’un a une explication, je serais ravie d’en prendre connaissance ! Peut-être en référence aux cow-boys et aux Indiens ? Peut-être parce que les membres des deux bandes sont dix (pure supposition : je n’ai pas compté) ? Help !!!
La limite des bonnes intentions 4 étoiles

Dommage que l’auteur ait choisi de nous servir la bouillie habituelle associée aux thèmes des relations interraciales. La trame fait penser au film « Esprits rebelles » et aux nombreuses copies du même acabit. Ça suinte la mentalité typiquement américaine. L’homme blanc est le héros qui va sauver les pauvres noirs grâce aux vertus du Taekwondo. Désolant.

Le livre s’enlise dans la violence entre gangs opposés et prend la tournure du roman d’action, un genre que Smartt Bell ne maîtrise aucunement. Le rythme est erratique, les rebondissements sont prévisibles et les personnages m’ont laissé de marbre. Beaucoup de talent gaspillé.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 15 mars 2010