L'homme qui ne savait pas dire non
de Serge Joncour

critiqué par Garance62, le 10 septembre 2009
( - 62 ans)


La note:  étoiles
A l'origine était le non
Pourquoi dire non quand c'est si facile de dire oui ? Employé d'une société de sondage Grégoire Beaujour vit un empêchement quotidien. Le refus lui est impossible. Le non ne lui est plus dicible. Tous nous connaissons ce jeu du ni oui ni non, auquel il est bien difficile de résister longtemps sans en prononcer l'un des deux. Beaujour ne peut y jouer : il est handicapé du non.

Dire oui est si simple ! Oui à la religion, à la société de consommation, aux mouvements de tous ordres, à tous ceux qui nous entourent. Dire oui pour ne pas prendre le risque de froisser, de blesser, de gêner, de déranger, de faire des histoires.

Beaujour dit donc oui au quotidien à tout et à tous. Cela n'est pas sans passer inaperçu aux yeux du patron de la société, car non seulement Beaujour dit oui mais il s'arrange dans les sondages qu'il met en forme pour qu'il n'ait pas à prononcer cet impossible non. Les résultats sont donc très surprenants.
Et que dire de la belle Marie-Line qui le pousse dans ses retranchements sans s'en douter le moins du monde..

C'est donc dans une véritable recherche du mot perdu qu'il va devoir se lancer . Il ne sera pas seul, un atelier d'écriture providentiellement placé sur son chemin va lui permettre de commencer le chemin jusqu'aux origines pour trouver l'impossible non .

Joncour fait preuve d'un beau parcours, d'une belle imagination d'écrivain, d'une originalité de récit (narration entrecoupée de récits bellement intitulés « L'ouvroir des mots perdus" et numérotés par « broderies ») pour affiner sur trois cent pages tout le processus d'un impossible non.

Bien au-delà de ce qui aurait pu passer pour un récit bien pensé, Joncour décortique le processus qui nous permet de remonter à des origines lointaines, vecteurs de nos impossibles ou douloureux refus. Dans l'histoire en question, il se retourne jusqu'à une histoire vécue par ses grands-parents qui.. non, je n'en dis pas plus !

J'avais eu un peu honte en rencontrant Serge Joncour de n'avoir jamais lu aucun de ses livres. Voilà l'oubli réparé. J'ai eu beaucoup de plaisir à suivre cette histoire. J'y ai découvert de très belles pages d'écriture, un Joncour poète qui m'a émue, mais aussi un bon dialoguiste, un écrivain qui a plusieurs registres d'écriture dans une même narration.

Un extrait pour me faire plaisir et vous donner peut-être un peu plus envie d'aller y voir de plus près :

« C'est là que d'un coup il a ressenti un genre de trop-plein, ou de vertige, au point même qu'il a dû ressortir instantanément de son bain, il mettait de l'eau partout mais c'était plus fort que lui, il fallait qu'il trouve une feuille et un stylo, les mots lui venaient de toute part, ça lui dégoulinait comme une pluie, ça lui prenait le corps comme une envie de danser, ou de se battre probablement ».