René Lévesque, portrait d'un homme seul
de Claude Fournier

critiqué par Dirlandaise, le 11 septembre 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
L'establishment anglais, je les emmerde !
René Lévesque est un des plus grands hommes politiques que le Québec ait connu sinon le plus grand. Je connais très bien la vie de ce personnage important de l’histoire du Québec que je juge irremplaçable. J’avais beaucoup d’attentes envers cette biographie mais j’ai dû un peu réajuster mon tir. Après avoir lu quelques pages, j’ai failli abandonner. J’en voulais à l’auteur d’avoir récupéré la vie d’un homme aussi respectable que René Lévesque et d’en avoir fait un mauvais roman de gare ou plutôt, un ramassis de ragots et de magouilles du milieu politique québécois. Mais j’ai poursuivi ma lecture et je me suis peu à peu réconciliée avec le style du récit et surtout, avec le but poursuivi par M. Fournier. Je crois qu’il a voulu dépeindre d’une façon honnête et réaliste ce qu’était le vie de René Lévesque en mettant en lumière ses qualités mais aussi ses défauts et nombreuses faiblesses dont l’alcool, le jeu et les femmes.

La biographie débute en 1960 alors que René Lévesque, journaliste, décide de faire le saut en politique et se joint au Parti libéral du Québec dirigé par Jean Lesage. Élu dans son comté, Lévesque est immédiatement nommé ministre des Ressources hydrauliques et des Travaux publics. Il s’attelle dès lors à son grand projet soit la nationalisation de l’électricité qu’il mène de main de maître. Après plusieurs années au Parti libéral, Lévesque quitte pour fonder son propre parti soit le Parti québécois en 1968. Il devra attendre dix ans avant d’accéder au pouvoir. Enfin, c’est toute l’histoire politique du Québec qui est passée en revue soit la victoire du Parti québécois, son voyage triomphale à Paris pour rencontrer le Premier ministre Raymond Barre et tisser des liens culturels et économiques avec la France, la campagne référendaire afin d’accéder à l’indépendance du pays, l’élection de 1981 qui le reporte au pouvoir avec une forte majorité, le rapatriement de la Constitution et le piège du Premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau, la trahison de Claude Morin, l’affaire Claude Charron et j’en passe.

L’auteur fait aussi un large place à la vie privée de M. Lévesque soit son mariage boiteux, sa rencontre avec Corinne Côté, son divorce et son mariage avec sa nouvelle flamme, ses nombreuses conquêtes féminines, ses habitudes de vie discutables, ses faiblesses et ses sautes d’humeur légendaires. J’ai beaucoup moins aimé ces passages qui relèvent, à mon avis, du potinage et ne sont là que pour satisfaire le côté voyeur du lecteur. M. Lévesque méritait mieux que cela mais bon, c’est un côté de sa vie qui a existé et que M. Fournier a choisi de traiter au même titre que le reste.

Le livre se lit comme un roman et je dois dire que je me suis laissée prendre à son côté racoleur. Je l’ai lu avec avidité bien que je connaissais déjà la plupart des faits qui y sont relatés mais j’ai tout de même encore appris certains détails que je ne connaissais pas. Ce n’est pas une analyse approfondie du personnage que fût M. Lévesque mais plutôt une description de ce qu’il a affronté comme événements parfois heureux, souvent contrariants et aussi carrément tristes. Les magouilles de ses adversaires, les trahisons de ses supposés fidèles collaborateurs, les attachements et les nombreuses déceptions que la vie lui a infligés tissent la trame de ce roman que je pourrais comparer au scénario d’un film dont le héros paumé ne se soucie pas des convenances, arrive en retard à tous ses rendez-vous, est mal fringué, boit, fume comme une cheminée et se présente à Paris avec des souliers sports confortables pour des dîners officiels ultra guindés. Mais au-delà de ces aspects qu’on pourraient qualifier de douces extravagances, il y un homme fier, animé par la passion du Québec, un homme dont l’honnêteté et la vision resteront à jamais gravées dans la mémoire de tous les Québécois francophones qu’il a tant aimés et dont il a rêvé de leur donner un pays où ils pourraient enfin s’épanouir, libérés de la domination de l’establishment anglophone qu’il exécrait tant. Bref, un homme qui a donné sa vie pour que la nôtre soit la meilleure possible dans ce Québec qui nous appartient et qu’on se doit de libérer, de protéger et de chérir ne serait-ce que pour honorer sa mémoire.

« C’est viscéral, chaque fois qu’il rencontre de puissants hommes d’affaires, Lévesque voit des exploiteurs. Et si par surcroît ils sont anglophones, sa réaction est encore plus vive. Pour lui, ce sont tous des « John-Hall-Kelly », le riche avocat qui avait convaincu son père Dominique de partir de Québec pour s’établir à New Carlisle et s’associer avec lui. Une association qui tourna vite à l’aigre. Son père abattait tout le travail de l’étude légale tandis que Kelly brassait des affaires… Des affaires d’or dont son associé ne profitait jamais. »

« Il est sérieusement temps de commencer à utiliser l’État pour nous sortir de notre situation d’asservissement, Il faut convoquer une conférence de presse et annoncer un programme qui va rendre les Québécois propriétaires de leur province… » (René Lévesque)

« C’est l’état qui garantit les millions pour les installations d’Hydro-Québec et les compagnies privées lui achètent l’électricité au prix de revient pour la revendre ensuite au gros prix. Les contribuables paient pour produire et les compagnies empochent les profits. C’est le socialisme à l’envers. » (René Lévesque)

« Rendons-nous à l’évidence, poursuit Lévesque, que sommes-nous, les Québécois ? Une société coloniale, sous-développée, sous instruite, sans richesse et sans fierté. Voilà ce que nous sommes ! Nos élites et nos rois nègres nous ont plongés dans la médiocrité totale et on patauge là-dedans, bêtement heureux. » (René Lévesque)

« Un jour ou l’autre le Québec deviendra un État souverain ou il disparaîtra. » (René Lévesque)

« L’establishment anglais, je les emmerde. » (René Lévesque)

« Ce qui est grave, dit Lévesque, c’est qu’un partie de leur réquisitoire est justifié. (En parlant du FLQ) Ils ont cent fois raison. Toute notre économie est axée sur les intérêts de deux cents enfants de chienne qui contrôlent tout. »

« Je demeure convaincu que nous avons un rendez-vous avec l’histoire, un rendez-vous que le Québec tiendra, et qu’on y sera ensemble vous et moi pour y assister. Je ne peux pas vous dire quand ni comment, mais j’y crois ! » (René Lévesque)

Moi aussi M. Lévesque j’y crois, moi aussi… Dieu vous bénisse !