Les heures souterraines de Delphine de Vigan
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un roman saisissant sur l’ultra-moderne solitude
Cadre dynamique dans un grand groupe, Mathilde se rend chaque matin à son travail jusqu’au jour où son destin bascule sans préavis. Victime de harcèlement moral (ce terme n’apparaît pas une seule fois mais c’est bien de cela dont il s’agit) parce qu’elle a eu le malheur un jour de contrer les propos de son patron, elle tente de faire bonne figure, s’en remettant à l’espoir qu’un beau jour les choses rentrent dans l’ordre.
Mais il n’en est rien ; de jour en jour, elle dépérit, allant de brimades en perversions, jusqu’à son isolement dans un bureau sans fenêtre, sans ordinateur et sans plus aucune mission à conduire. Elle est seule, délaissée par ses collègues qui n’affichent que lâcheté humaine, si caractéristique du monde de l’entreprise où chacun n’a de cesse que de conserver sa place. Elle se sent coupable de ne pas avoir réagi au premier signe et ne sait plus quelle attitude adopter : faut-il relever la tête ou accepter que la cause est perdue ? Elle ne sait plus.
Parallèlement à l’histoire de Mathilde, c’est celle de Thibault qui est mise en scène, médecin se déplaçant au quotidien aux domiciles des patients. Au contact de la maladie et de la détresse humaine, il regarde, absorbe la vie des autres comme une éponge, avec une distance qu’oblige sa profession.
Seulement même de l’autre côté du miroir, il n’est pas plus heureux, passant le plus clair de son temps dans sa voiture, subissant le stress d’une ville bouillonnante et les embouteillages incontournables. Il vient par ailleurs d’accomplir un acte héroïque, en quittant une femme qui ne l’aime pas, superficielle et indifférente à son amour.
Dès le début du roman, on s’imagine déjà que ces deux protagonistes vont se rencontrer, les écrivains cédant souvent à cette envie romantique de faire se retrouver deux solitudes. Ce n’est pas le parti pris de Delphine de Vigan ; elle parle de réalité humaine dans un monde violent où les belles histoires n’existent pas aussi facilement que dans la fiction. Elle prend ancrage dans la vie où chaque jour l’homme doit combattre pour conserver sa dignité et conquérir son bonheur. Sa force c’est de réussir à ne pas nous apitoyer sur le sort de ces personnages, elle leur donne une grandeur grâce à une humanité et une lucidité qui nous vont droit au cœur. Elle décrit par ailleurs avec minutie le processus d’éviction d’un employé, d’une écriture sensible et pudique.
Le titre est évocateur ; avec « ces heures souterraines », elle signe un roman sombre et réaliste, mais d’une grande intensité. Merci Delphine de Vigan de m’avoir encore étonnée, suite au très beau livre « No et moi. »
Les éditions
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Les heures souterraines [Texte imprimé], roman Delphine de Vigan
de de Vigan, Delphine
J.-C. Lattès
ISBN : 9782709630405 ; 18,50 € ; 26/08/2009 ; 299 p. ; Broché -
Les heures souterraines [Texte imprimé], roman Delphine de Vigan
de de Vigan, Delphine
le Livre de poche / Le Livre de poche
ISBN : 9782253134213 ; 7,40 € ; 02/03/2011 ; 256 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (28)
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Souffrance
Critique de Ournina (, Inscrite le 3 mai 2014, 42 ans) - 2 mars 2019
Je ne suis pas d'accord avec d'autres critiques qui disent que les personnages sont aréactifs. Mais ils sont arrivés à un point où ils sont paralysés. Mathilde subit un harcèlement moral d'une violence telle qu'elle ne pouvait l'imaginer. Et quand cela devient trop, elle n'a plus les armes pour lutter. Thibault s'est laissé prendre entre son rythme professionnel fou et un amour impossible, jusqu'à la dépression, cet état où l'on ne sait plus faire et où l'on ne maîtrise plus rien. Ce livre décrit tellement bien la progression des personnages avec des éléments qui me semblent très proches de ce qui peut se passer dans la réalité. En tout cas, suffisamment bien pour que moi, j'y croie.
A la dérive
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 13 novembre 2017
Quatrième roman que je lis de l’auteur et tout en restant admiratif par le style prenant et la présentation du récit, je reste à plusieurs égards sur ma faim.
Autant on peut percevoir le personnage tragique de Mathilde, sorte d’Amélie dans « Stupeur et tremblements » à la française, l’ironie et l’humour en moins, je n’ai pas pu cerner le profil de Thibault, médecin sans attache qui ne semble rien attendre de la vie.
La tragédie subie par le personnage féminin est assez caricaturale et il est peu probable, j’espère ne pas me tromper, qu’une telle persécution ouverte puisse encore restée impunie aujourd’hui en Occident.
L’auteur donne aussi des parts inégales aux deux personnages, et laisse planer à la fin du récit des doutes sur les intentions suicidaires de Mathilde. Sans dévoiler la fin, on a tout de même une chute qui a le bon goût de ne pas sombrer à l’eau de rose.
Je n’ai pas non plus compris d’où venait le titre choisi par l’auteur.
La chute lente et sûre du harcèlement moral
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 27 août 2013
Il est vrai que l'auteure se spécialise dans les sujets sociaux les plus austères, vraiment durs. Mais ce roman-là m'est apparu bien fait.
Un beau roman de la souffrance au quotidien
Critique de Ori (Kraainem, Inscrit le 27 décembre 2004, 89 ans) - 18 septembre 2012
Dans le présent ouvrage, cette violence subie accable également les deux héros que l’auteure met ici en scène en alternant les chapitres consacrés tour à tour à Mathilde et à Thibault. Ils ne se connaissent pas mais leur état, face à leur quotidien, est identique : ils n’en peuvent plus.
Mathilde, une jeune veuve, maman de trois enfants, brillante sous-directrice marketing, devient la victime d’un ignoble harcèlement professionnel. Thibault, médecin urgentiste faisant des missions de porte à porte à partir d’un dispatching central se découvre, à l’issue d’une rupture amoureuse, harassé par son travail dans la capitale : il avait pourtant choisi de vivre en ville, mais « cette superposition de mouvements, ce territoire infini d’intersections, où l’on ne se rencontre pas » a fini par le broyer.
Chacun de nos deux attachants personnages recherche une pause lui permettant de reprendre son souffle, et sans doute aussi un partenaire à l’écoute de l’autre auprès duquel déposer ses solitudes …
Ce serait alors à Delphine De Vigan de décider, en réponse à l’attente du lecteur, si elle organisera une rencontre fortuite entre ces deux êtres essoufflés, choisissant ainsi que la vie soit enfin bonne pour eux …
Ce beau roman de la vie moderne, nous est livré dans le style si particulier de son auteur : phrases courtes et hachées, analyses toutes en finesse, témoignage réaliste de la vie quotidienne.
La vivacité du désespoir.
Critique de Austen (, Inscrite le 25 mai 2012, 31 ans) - 25 mai 2012
Il n’y a pas de suspense, seulement des espoirs dérisoires suspendus, puis qui s’écrasent en silence, ces espoirs que l’on connaît tous. Il n’y a pas de fin, pas de fin heureuse, car la vie continue toujours, même sans spectateur pour la voir défiler, pour en constater les dégâts. On quitte nos personnages, avec la culpabilité de les laisser là, lassés et seuls face à cette foutue vie qui n’a plus de sens. Mais qui sont-ils ? Si ce n’est des ombres, des gens parmi la foule qui regorge de semblables, aussi perdus qu’eux, aussi déboussolés. Combien sont-ils à errer dans les rues bondées, avec le sentiment si intense de se sentir plus seul que jamais ?
Les heures souterraines, c’est un cri inaudible et silencieux au milieu d’une foule assourdissante.
On étouffe !
Critique de Lucile (Stockholm, Inscrite le 20 septembre 2010, 36 ans) - 3 mars 2012
Les phrases sont là pour décrire à quel point les personnages sont inactifs (ou impuissants...that's the question). Mais à force, on a surtout envie de les secouer.
Cela débouche sur un décalage assez étrange entre la mollesse des personnages et le style rapide et saccadé.
Au final les personnages sont horripilants, presque antipathiques, alors que l'écriture avait toutes les qualités pour me faire adhérer à leur histoire: très épurés, les sentiments sont décrits avec une grande finesse, les retours en arrière sont très bien amenés.
Un peu dommage.
Plaisir garanti
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 22 janvier 2012
Mathilde, harcelée moralement par son boss, craque un peu plus chaque jour. Thibault, lui, vient de quitter une fille dont il est dingue mais qui ne partage pas son amour. Ces deux-là sont en perdition. La solitude des grandes villes, la solitude de celui qui souffre moralement et qui s'en culpabilise, Le monde de l'entreprise, avec ses mesquineries, les conflits latents et la violence dans les rapports hiérarchiques : tout cela est magistralement évoqué.
Pas vraiment optimiste comme roman, mais malgré tout un bon moment de lecture, qu'on a du mal à lâcher.
Double lecture
Critique de Le_squasheur (Paris, Inscrit le 16 décembre 2011, 49 ans) - 10 janvier 2012
Au premier abord, on peut se dire que ce roman n’est qu’une analyse bien pessimiste de la difficulté de la vie quotidienne au sein de nos sociétés urbanisées du XXIe siècle, de la solitude dans les grandes villes tentaculaires, du mal-être lié au passage de la quarantaine, etc…
J’y vois tout de même une deuxième lecture possible qui rend ce roman très intéressant.
De nombreux détails nous indiquent en effet que Mathilde jouit d’une vie de famille et d’un confort matériel plutôt satisfaisants. Elle est veuve certes, mais elle élève trois garçons déjà ados qui ne posent pas de problème et l’aiment sans retenue. Elle ne semble pas avoir de difficultés matérielles, elle est encore jeune et semble jolie. Du coup, on ne voit pas ce qui l’empêcherait de chercher un nouveau job et de trouver un compagnon.
De son côté, Thibault a un métier à fort statut social, qu’il a choisi de son plein gré et où il bénéficie d’une grande autonomie en terme d’horaires et de déplacements. Il a une compagne qui assouvit tous ses désirs sexuels, l’auteure prenant bien soin de préciser qu’elle avale et pratique la sodomie pour qu’il n’y ait pas de doute à ce sujet. Donc là aussi (c’est un homme qui vous parle), on ne voit pas très bien les raisons objectives qui poussent Thibault à déprimer. Et s’il veut de la tendresse, lui aussi ne devrait pas avoir de mal à en trouver auprès d’une nouvelle petite amie.
La mise en parallèle de ces deux personnages ne me semble pas anodine. Les détails glissés par Delphine de Vigan sur leur vie privée sont autant d’indices pour nous inciter à penser que les deux héros se laissent un peu trop facilement aller à la déprime, sans profiter de la chance qu’ils ont, l’une d’avoir une famille aimante, l’autre un métier valorisant et une maîtresse pas farouche. Pour résumer, chacun des deux protagonistes possède ce qui manque à l’autre, mais ne semble retenir de la vie que les détails les plus pénibles (les embouteillages, les pannes de métro, les répondeurs vocaux, etc…). N’est-ce pas au fond le message qu’elle cherche à faire passer ? Nous avons tous des raisons de trouver le monde actuel invivable et de nous plaindre, mais il existe aussi des motifs de satisfaction que nous négligeons trop facilement. Les héros du livre vivent l’enfer parce qu’ils ont oublié cette petite philosophie. Alors bravo à Delphine de Vigan pour cet encouragement subliminal à voir le bon côté de la vie !
Et puis bravo aussi pour avoir casé dans le bouquin le mot « psittacisme » que j’ignorais jusqu’alors.
Solitudes qui se croisent
Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 31 décembre 2011
Thibault est un médecin qui intervient à domicile sur appel à un central. Il aime une femme qui est indifférente aux émotions autres que sexuelles. Il la quitte en ce matin de mai car il voit que leur relation n’aboutira à rien mais pense à elle toute la journée, entre deux patients, entre deux embouteillages.
Mathilde, cadre marketing, après 8 ans de bonne entente avec son directeur, prend la défense d’un consultant et, depuis, se voit dessaisir de tous ses dossiers et mettre à l’écart de l’équipe qui ne la défend pas et penche, par peur, du côté du plus fort. Lorsqu’elle arrive elle trouve une personne à sa place et est reléguée dans une pièce sans fenêtre près des toilettes. Elle finira par donner sa démission car son chef refuse qu’elle parte alors même qu’elle n’a plus les droits d’accès aux fichiers du service. Et la DRH, désolée et consciente du harcèlement qu’elle subit, l’accepte ! C’est la dure loi de l’entreprise.
Sous-jacent, on trouve des réflexions plus profondes. Ainsi, on voit bien que la pression morale contemporaine de celui qui a du pouvoir et en abuse dans notre monde prétendument civilisé remplace la crainte physique du gros bras musclé de l’âge de l’homme des cavernes. Tout le monde est coupable de la situation car chacun laisse faire les petites injustices qui lui passe devant les yeux, sans réagir, pour ne pas perdre ses mini avantages acquis.
Et les petites souris grises impersonnelles et fatiguées qui courent dans le métro pour vaquer à leurs tâches sans se soucier aucunement de leurs voisins font aussi penser à des marionnettes vides. Elles sont pressées d’aller à leur travail ou de retrouver leur appartement vide, elles n’osent plus risquer d’entrer en relation de peur d’être déçues à nouveau. Mais dans ce cas, on n’est pas près de sortir du cercle vicieux qui s’instaure !
IF-1211-3823
COMME UN SENTIMENT D'OPPRESSION
Critique de Esblandin (colomiers, Inscrite le 11 novembre 2011, 43 ans) - 31 décembre 2011
Ce livre comme Jour sans faim, c'est un combat, un combat de tous les jours.
C'est le constat d'une vie d'asservissement où du jour au lendemain tout bascule et Mathilde ne sait pas comment dire stop.
J'ai ressenti un fort sentiment d'oppression pendant la lecture de ce roman, même si je trouve l'histoire décevante et je dis cela plus parce que j'avais envie d'y lire autre chose que parce que je n'ai pas aimé, j'ai été prise au ventre. Mon coeur battait à l'unisson de la descente aux enfers de Mathilde et du questionnement de Thibault qui ne sait plus qui il est, ce qu'il voudrait, je crois qu'il ne sait même plus s'il aime son métier.
Bref, c'est d'une plume de maître que Delphine nous plonge dans l'angoisse de ses personnages, je rejoins certains lecteurs et me demande comment une fille aussi lumineuse que Delphine peut porter toute cette noirceur en elle. Mais quand on lit son dernier roman tout prend son sens.
Violent
Critique de Kikounette (Nîmes, Inscrite le 15 mai 2003, 52 ans) - 12 octobre 2011
Idem pour Thibault médecin chez SOS médecins qui est témoin de toutes les souffrances médicales et qui vit une déception amoureuse qui l'amène à se poser des questions sur lui-même, la vie et les autres.
Complainte en sous-sol
Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 5 juillet 2011
Donc, si dans ce monde de brutes, vous souhaitez plutôt vous changer les idées, passez votre chemin ! Sinon, le style est alerte et les portraits, d'une précision et d'une justesse impressionnantes de la part d'un auteur aussi jeune. A lire presque comme un documentaire (excellent, au demeurant !) sur les temps modernes.
C'est tellement vrai
Critique de Kyra (Lyon, Inscrite le 23 février 2011, - ans) - 16 mai 2011
Ca peut nous arriver à chacun d'entre nous, à nos amis, à nos collègues.
Cependant, l'auteur a su écrire tel, que nous ne sommes pas abattus à la fin du roman. Et puis, les 2 personnages se rencontrent mais ne se parlent pas, ne se reverront pas, et ça c'est bien plus réel que tous les romans d'amour qui font rêver tant de célibataires.
C'est un livre à lire, ne serait-ce que pour apprendre à reconnaitre les "signes".
Métro-boulot-dodo
Critique de Gabri (, Inscrite le 28 juillet 2006, 38 ans) - 2 mars 2011
tellement vrai !
Critique de Laure 11 (, Inscrite le 15 août 2008, 50 ans) - 10 février 2011
Mathilde se remémore les différentes étapes de la procédure de "destruction" de l'entreprise pour la faire partir. C'est la dure réalité de la vie de l'entreprise, un monde déhumanisé, paradoxale avec les beaux discours sur le travail d'équipe dans l'entreprise.
Thibault qui ne comprend pas pourquoi la femme qu'il aime et qu'il vient d'arriver à quitter, ne l'aime pas !!
J'ai lu ce livre en une soirée, l'écriture est fluide, le ton est juste, le rythme est là pour que l'on lise encore un autre chapitre, puis un autre, puis un autre et c'est déjà la fin. Dommage, qu'il n'y ai pas une centaine de pages de plus, je les aurai lues dans la foulée.
Victimes déprimantes
Critique de Anna (, Inscrite le 19 juin 2010, 76 ans) - 8 janvier 2011
Horrible bouquin déprimant, mais je me suis forcée à le lire jusqu'au bout, ouf, je l'ai terminé.
Le personnage de Mathilde m'agace car elle se comporte comme une victime, ce qu'il faut essayer de ne pas faire. Moi, avec 3000 euros par moi à ne rien faire, j'aurais bouquiné toute la journée dans mon placard, en essayant d'être philosophe. Après tout, de l'argent, de la santé, et jeune et jolie, faut pas jouer les martyres. Mais non, elle se détruit à petit feu, elle ne peut plus se valoriser dans ses études marketing, oh la la.
Le personnage du médecin m'a paru plus sympathique, mais j'ai trouvé que c'était une femme mise dans un personnage d'homme. Ce sont les femmes en général, qui préfèrent rompre parce que leur partenaire n'a envie que de bons moments de loin en loin sans s'engager pour autant. Les femmes qui, en plus, veulent être aimées. Mais cette réflexion n'engage que moi.
De toute manière le livre est bien écrit, l'auteur a du style et c'est tant mieux. J'ai noté quelques phrases d'une vérité psychologique saisissante.
Très réaliste
Critique de Mallaig (Montigny les Cormeilles, Inscrite le 17 janvier 2006, 48 ans) - 22 décembre 2010
Ce livre est certes peu réjouissant mais malheureusement, il s'agit d'une réalité qui devient de plus en plus fréquente.
L'écriture est sèche et clinique mais elle permet au lecteur de mieux s'identifier aux problèmes de Mathilde qui s'enferme dans sa souffrance.
un quatrième personnage?
Critique de Deashelle (Tervuren, Inscrite le 22 décembre 2009, 15 ans) - 18 mai 2010
La même histoire d’amputation se répète, avec un jeune médecin idéaliste, trois doigts cette fois, alors qu’il avait le rêve de devenir chirurgien. Le destin des deux personnages se développe sans jamais qu’ils ne se rencontrent vraiment. Mais peu à peu les deux personnages disparaissent, le manque d’amour les fait tous deux fondre à petit feu. Le vrai personnage, c’est la ville tentaculaire, sa galaxie de mouvements désordonnés et pourtant tellement opiniâtres, son rite des attentes mortellement irritantes ou désepérantes dans le chaos du trafic incessant, l’anonymat, l’absence de ressenti, partant l’absence d’amour. Le jeune médecin aura fait le tour de son rêve, il n’a plus rien. Dans l’océan urbain -- eux qui éprouvent les mêmes sentiments de manque, d’abandon, les mêmes descentes vertigineuses aux enfers, eux que tout conduit à se retrouver -- se sont subodorés, à peine, et la galaxie d’étouffer la vie et le désir.
Le style de l’auteur est là, ample, fluide, magnifique, serait-ce un quatrième personnage, celui qui survivra ? Il nous reste une musique de mots, comme dans un poème symphonique, les deux personnages ont emprunté les mêmes chemins, comme des millions d’autres, on répété exactement les mêmes phrases, dans les mêmes couloirs étouffants des galeries souterraines de la solitude. Palpable et souveraine.
Emouvant et triste
Critique de Elfe191 (, Inscrite le 9 novembre 2006, 68 ans) - 3 mai 2010
Une grosse déception
Critique de Laurent63 (AMBERT, Inscrit le 15 avril 2005, 50 ans) - 15 avril 2010
Autant j'avais adoré No et moi, autant ce livre m'a déprimé par son réalisme, certe l'écriture est très bonne, le style est là, mais la noirceur du contenu ne donne pas envie d'en lire plus. Espérons que le prochain sera meilleur...
Mathilde et Thibault, le 20 mai
Critique de Lu7 (Amiens, Inscrite le 29 janvier 2010, 38 ans) - 15 mars 2010
Léger déséquilibre cependant dans le récit : les deux histoires, narrées en parallèle, ne prennent pas la même place dans le roman, ne rongent pas le lecteur de la même façon. Peut-être est-ce une malice de l'auteur, que de nous faire croire jusqu'au bout que les deux histoires ne feront bientôt plus qu'une, et que c'est là que le personnage masculin prendra toute la dimension attendue.
Ou peut-être est-ce seulement parce que ces deux récits raisonnent différemment, selon l'histoire personnelle de chaque lecteur.
Ce livre tient en haleine, la boule au ventre, et pourtant... tout cela est malheureusement bien ordinaire.
Un cauchemar bien réel
Critique de Ludmilla (Chaville, Inscrite le 21 octobre 2007, 69 ans) - 4 janvier 2010
L’histoire parallèle de Mathilde, cadre marketing, et de Thibault, médecin, dans la journée du 20 mai, chacun revivant les derniers mois écoulés. Et aussi, côté Mathilde, une partie plus légère : la description des souterrains de la RATP, de la SNCF et leur langage codé que reconnaitront tous les usagers (usagés ? clients ?) de la RATP et de la SNCF en banlieue parisienne.
Le personnage de Thibault m’a semblé moins réel que celui de Mathilde, en tout cas plus lointain. La plus grande partie du livre porte d’ailleurs sur Mathilde. Mathilde dont on suit avec horreur la mise à l’écart progressive par son responsable hiérarchique. La mise en œuvre d’une « entreprise de destruction » pendant plusieurs mois, « une mécanique silencieuse et inflexible ».
Un livre très dur qui révèle la violence feutrée telle qu’elle est possible dans une entreprise.
Vue du côté de la victime qui se demande ce qu’elle a bien pu faire pour mériter ce traitement.
Quelques extraits:
« Parce qu’elle y a passé des nuits entières, parce qu’elle y est revenue des centaines de fois, elle est capable aujourd’hui de nommer ce qui lui arrive. […] Mais c’est trop tard »
« Une somme de petites choses insignifiantes, sans importance, qu’elle pouvait à peine décrire […] La manière dont il la regardait quand ils se croisaient, la manière dont il ne la regardait pas en présence des autres, […] »
« Elle est parvenue à ce point de fragilité, de déséquilibre, où les choses ont perdu leur sens, leurs proportions. A ce point de perméabilité où le plus infime détail peut la submerger de joie ou bien l’anéantir »
« Elle a essayé de raconter les non-dits, les soupçons, les insinuations. […] Elle a essayé de raconter l’engrenage »
« Elle a cru qu’elle pouvait résister »
« Elle se tait parce qu’elle a honte »
Quel talent !
Critique de Panda (VLG, Inscrit le 24 décembre 2009, 44 ans) - 24 décembre 2009
Ce livre se lit sans effort, mais avec beaucoup de tension car l'auteur y décrit l'enfer d'une mise au placard professionnelle ! et avec quel brio ! la description des toilettes à côté du placard qui tient lieu de bureau est on ne peut plus juste, le timing de la vie en entreprise est magnifiquement rendu, la folie du manager égocentrique et susceptible également, le vide de la fonction des RH... et la solitude de cette femme qui chute dans son estime de soi !
Et de l'autre côté un homme au service de l'humain, qui se demande si son travail à un sens, mais qui le fait avec l'amour de ses patients... Les scènes avec les personnes âgées sont criantes de vérité !!!
Contrairement à la Cigale qui critique la répétition d'expression pour les deux personnages, je trouve que ce procédé littéraire unifie le roman, en liant les deux personnages dans leur parcours de vie. Je trouve même l'idée assez géniale, c'est quasi cinématographique.
Bref, un roman à lire, mais seulement si votre vie professionnelle n'est pas en parallèle avec celle de l'héroïne...
Triste
Critique de HildegardeVonBeaumont (Beaumont, Inscrite le 21 novembre 2008, 56 ans) - 9 décembre 2009
Harcèlement moral, solitude et oppression de la ville
Critique de NQuint (Charbonnieres les Bains, Inscrit le 8 septembre 2009, 52 ans) - 9 novembre 2009
Puis, un jour, tout bascule et son patron commence à enclencher un processus de harcèlement moral d'une violence inouïe. Delphine de Vigan raconte avec une précision d'entomologiste cette prise qui se resserre, qui étouffe comme un boa constrictor sa proie. La paralysie qui gagne la victime, ses forces qui la quittent, le rejet par les collègues. J'étais tellement pris dans la force de l'histoire que j'avais envie de la secouer, de lui dire qu'il y a des recours (inspection du travail ...). Mais le vice même du processus fait que quand on est dedans, on ne voit rien, on est anesthésié.
En contrepoint, il y a l'histoire de Thibault, travaillant comme médecin-volant pour un SOS Urgences-like. Lui aussi partage cette solitude, il quitte une femme qu'il aime mais qui ne partage pas son amour. Il vole de patients en patients, fait de son mieux avec humanité (rappelant un peu le Sachs de Martin Winckler), passe de la laryngo-pharyngo-bronchio-otito-bobologie aux plaies de la solitude urbaine.
La grande force de l'auteur est de décrire avec un réalisme pénétrant l'oppression et la solitude de la ville avec force de petits détails signifiants (les inscriptions cryptiques du RER tel 'RIVA', les files de droite et de gauche dans les couloirs du métro, ...).
Un livre d'une grande force avec une fin dont je pressentais qu'elle allait me décevoir mais même pas !
Le témoignage de deux êtres englués dans la vie !
Critique de Mariechatelain (, Inscrite le 3 novembre 2009, 53 ans) - 3 novembre 2009
C’est l’histoire d’un effondrement, celui de Mathilde suite au harcèlement moral qu’elle endure ; c’est l’histoire d’un anéantissement, celui de Thibault confronté à sa pitoyable et solitaire existence que l’amour a délaissé. Deux vies, deux combats, deux êtres qui se croisent sans se voir au cœur de la ville tentaculaire.
Delphine de Vigan se faufile et observe les couloirs, les bureaux, les toilettes de l’entreprise où travaille Mathilde. Cette multinationale y est décrite comme une machine à broyer les êtres. Ce n’est plus le lieu où peut s’épanouir la créativité de l’être humain, ce n’est plus un lieu où l’on débat, échange, partage, construit. C’est un lieu où on laisse la méchanceté et l’injustice déployer leurs ailes en applaudissant les résultats qu’induit la pression destructrice de la compétitivité.
Mathilde travaille dans cette entreprise depuis 7 ans, quand elle se voit confrontée au harcèlement moral. Elle décrit avec minutie la gangrène invisible qui sournoisement s’infiltre dans les chairs et l’âme, laissant sur son passage l’odeur putride du pire fléau du XXIème. Le harcèlement moral n’est pas que mise à l’écart, c’est un engrenage qui fait qu’un être décide d’en torturer un autre. Le prédateur se délecte, se pourlèche du désarroi qu’il insinue dans l’esprit de sa proie. Sans raison apparente, il décide l’anéantissement, l’annulation, la destruction, la disparition, l’effacement, l’extinction d’un malheureux souffre-douleur. La mise à mort devient l’ultime objectif.
Thibault est un médecin généraliste amoureux d’une femme qui ne l’aime pas. Il a beau déployer ses plus grandioses stratégies pour amener la belle à lui donner son cœur, rien n’y fait. Il est désespérément seul dans son couple. Il subit un harcèlement consenti. Il observe son ennemie lui ronger les tripes, incapable d’objecter, paralysé par la lâcheté qui souvent entache le sentiment amoureux. S’il ne fuit pas, il assistera à sa propre mise à mort.
Delphine de Vigan réalise ici une peinture au vitriol de notre société qui délaisse, qui ignore. La mortelle solitude revêt les somptueux habits d’une vie apparemment sans histoire. Tout va à peu près bien, rien ne va vraiment mal mais la perfide et mortelle solitude s’insinue dans la vie de Mathilde et de Thibault, deux protagonistes des temps modernes, de ceux que l’on croise chaque jour, sans voir, sans savoir.
Les deux personnages se trouvent face à leur solitude et nous dévoilent la nôtre, nous étalent sans concession nos lâchetés, nos faiblesses, et la plus crasse de nos bassesses : la trahison de nos valeurs, le renoncement à la bravoure et à l’assistance aux plus fragiles pour préserver notre confort. Mais il affleure de ce roman, une terrible vérité : Nous pourrions devenir ces êtres seuls, ces laissés pour compte. « Tremblez braves gens et ne vous reposez sur aucun laurier», la vie peut basculer, comme ça, dans un souffle ténu qui se transforme en ouragan et qui nous emporte dans sa spirale infernale. Si l’on n’y prend pas garde, alors viendra « notre jour d’effondrement ».
La vie souterraine ou la vie en bocal
Critique de La cigale (, Inscrite le 3 novembre 2009, 31 ans) - 3 novembre 2009
C’est l’histoire d’une femme et de sa lente noyade dans l’indifférence et la solitude. Le harcèlement moral dont elle est victime au bureau l’amène à avoir de sombres pensées. Mathilde, doit mener une lutte acharnée contre elle-même et ce qui la ronge pour, tout simplement, réaliser les tâches du quotidien et aller au travail. La dégradation de son moral et de son esprit entame son corps et sa vitalité. Elle n’a plus la force.
Un sujet au fait du jour, puisque la dépression au travail est au centre de l’actualité (drame à Renault, vague de suicides à France Télécom).
En parallèle de la vie de Mathilde, on suit celle de Thibaut, médecin des urgences médicales qui se laisse engloutir par la ville. Le 20 mai, il se laisse submergé par la souffrance qu’il côtoie, qu’il ausculte tous les jours. Comme nous le montre ce très beau passage : « Il a vu des centaines de patients atteint de maladies graves. Il sait comment la vie bascule […] mais ce soir, face à cette femme, cela lui paraît intolérable.
Ce soir il lui semble qu’il a perdu cette pellicule de protection, cette distance invisible sans laquelle il lui est impossible d’exercer son métier. (…)
Ce soir il est nu.»
Une certaine violence résignée transparaît dans ce livre. On s’attend à ce qu’à tout moment quelque chose explose mais finalement la pression monte sans lâcher. Ce roman a des qualités notoires notamment car cette histoire est très réaliste. Elle décrit le monde de l’entreprise « de l’intérieur ». La suprématie et le pouvoir absolu du supérieur, la lâcheté des collègues, dont le seul but est de garder leur place et enfin le lent mais efficace processus d’éviction d’un employé. Une métaphore reprise régulièrement tout au long du roman compare le monde du travail à celui des poissons. C’est un rapprochement entre la condition humain et animal. Une autre façon originale d’insister sur sa condition inhumaine dans l’entreprise. Cela me fait faire le rapprochement avec le roman Stupeur et tremblements d’Amélie Nothomb qui traite aussi de sa condition dans le monde de l’entreprise (au Japon) avec beaucoup de psychologie.
La fin est une fin ouverte qui permet d’imaginer le pire ou le meilleur. Mais mieux vaut encore ne rien imaginer car cette fin est encore la plus réaliste. Cette fin s’inscrit aussi dans cet optique réaliste. Les deux personnages principaux se frôlent, se voient, se regardent mais finalement ne se rapprochent pas. Ce sont deux histoires qui se ressemblent dans la solitude mais ces deux âmes en peine ne se trouvent pas car il n’a presque que les fictions qui finissent bien. Même si ces fictions aux « happy end » nous font rêver ce n’est pas le parti pris de l’auteur qui choisit de garder jusqu’au bout cette violente réalité caractéristique de son roman.
Le seul bémol de ce livre est infime mais pourtant contrarie la lecture. Ce sont les répétitions exactes de certaines phrases dans la vie des deux personnages.
« Il a envie de fumer une cigarette, pour la première fois depuis longtemps. Il a envie de sentier la fumée arracher sa gorge, ses poumons, envahir son corps, l’anesthésier » p 279.
« Elle a envie de sentir la fumée arrachée sa gorge, ses poumons, envahir son corps, l’anesthésier » p 218. Et quelques autres citations. C’est dommage car si elle avait tournée autrement ces mêmes pensées. Cela aurait été plus fluide, ce détail nous arrête dans notre lecture et donne envie de feuilleter le roman pour vérifier que se sont bien les mêmes phrases « copier-coller » des pages précédentes.
Une des qualités évidentes de ce roman est la qualité d’écriture. Une écriture fluide, assez simple et dans laquelle tout le monde peut se reconnaître. On a l’impression que la vie de Mathilde et de Thibaut s’est directement imprimée sur un livre sans passer par la main d’un écrivain. Delphine de Vigan aborde des sujets encore tabous et très sombre tel que la mort d’un être cher et l’entaille qu’il laisse à ceux qui l’aimaient, ainsi que la dépression, chose encore peu reconnue dans le monde de l’entreprise, avec beaucoup de sensibilité, de réalisme et de force. Elle sait donner relief à la solitude et à l’attente.
Malgré ces sujets graves, Delphine de Vigan ne verse pas dans le pathétique. Elle a une plume bien à elle qu’elle sait défendre avec poésie, réflexion et dureté parfois.
En conclusion, ce roman est réussi et Delphine de Vigan nous expose avec sensibilité et réalisme un point de vue sur la vie de citadins d’aujourd’hui. Les aléas de la vie peuvent nous faire perdre son goût sans préavis, se dégrader et nous enlever un à un tous nos rêves, nos convictions et tout ce qui fait de nous ce que nous sommes. Toutes les choses dont nous étions sûres peuvent devenir instables.
Un roman qu'on pourrait croire pessimiste mais qui n'est que réaliste.
Désespoir, noir désespoir
Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 20 septembre 2009
Cruelle, Delphine de Vigan, ne laisse aucun espoir au lecteur.
Toutefois, il faut reconnaître qu'elle décrit ces détresses de main de maître. On se retrouve dans la vulnérabilité de Mathilde, qui n’a plus du tout confiance en elle et qui finit par se sentir coupable d'un mal qu'elle n'a pas commis : « Est-ce qu’on est responsable de ce qui nous arrive ? (...) Croyez-vous qu’on est victime de quelque chose comme ça parce qu’on est faible, parce qu’on le veut bien, parce que, même si cela paraît incompréhensible, on l’a choisi ? Croyez-vous que certaines personnes, sans le savoir, se désignent elles-mêmes comme des cibles ?
(...) - Je ne crois pas, non. Je crois que c’est votre capacité à résister qui vous désigne comme cible.(...) Vous n’êtes pas responsable de ce qui vous arrive. » A méditer...
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