Le premier homme de Albert Camus

Le premier homme de Albert Camus

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Jules, le 18 décembre 2000 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 14 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (124ème position).
Visites : 14 375  (depuis Novembre 2007)

Une sensation que la vie peut être belle, même pauvre

" La Peste " et " L'Etranger " étant devenus des ouvrages quasiment scolaires, j’ai choisi ce livre pour parler de Camus, un de mes auteurs préférés.
Camus est né à Mondovi, en Algérie, en 1913 et s'est tué au volant de sa Facel Vega sur une route française le 4 janvier 1960. Il a écrit plusieurs romans, des essais et des pièces de théâtres. En 1957 il a reçu le prix Nobel de littérature.
" Le Premier Homme " est un ouvrage publié bien après sa mort et qu'il n’avait pas terminé. Il a donc été complété sur base des notes qu’il avait laissées. Dans ce livre Camus évoque toute son enfance et son adolescence en Algérie. Il commence le livre par sa naissance assez mouvementée dans un bled d’Algérie, sans médecin. Au chapitre suivant, Jacques (lui), se retrouve à quarante ans à Saint-Brieuc devant la tombe de son père, mort d'une grave blessure sur la Marne en 1914 et enterré là. A partir de là, Camus va décrire la vie du petit Jacques Cormery. Orphelin de père, il vit avec son frère et sa mère dans le petit appartement de sa grand-mère, et avec son oncle Ernest. Une enfance dure, mais pleine de joies. La misère est grande, chaque franc compte et le moindre extra prend des allures de luxe sans nom. Mais l’enfant a la rue, les copains, le soleil, la mer, et il est là son luxe à lui ! Camus restera toujours un homme de la lumière et de la méditerranée. " Mais en quelques secondes, ils étaient nus, l’instant d’après dans l'eau, nageant vigoureusement et maladroitement, s’exclamant, bavant et recrachant… La mer était douce, tiède, le soleil léger maintenant sur les têtes mouillées, et la gloire de la lumière emplissait ces jeunes corps d'une joie qui les faisait crier sans arrêt. Ils régnaient sur la vie et sur la mer, et ce que le monde peut donner de plus fastueux, ils le recevaient et en usaient sans mesure, comme des seigneurs assurés de leurs richesses irremplaçables. "
A l’école, l'enfant sera très doué, mais la grand-mère s'opposera à ce qu’il aille au-delà de ses primaires. Il y a ce que la grande école coûte mais, surtout, aussi l’indispensable argent qu’il ne ramènera pas à la maison s'il ne travaille pas !
Ah ! La scène où la grand-mère plonge tout l'avant bras dans la toilette souillée pour tenter de récupérer une pièce de deux francs que l’enfant prétend avoir entendu tomber au moment où il enlevait sa culotte ! Elle n'est pas avare : elle n’a tout simplement pas le choix ! Pour l’école elle cédera aux insistances de l'instituteur de Jacques. Il connaîtra ce qu’est la place des pauvres à l'école, mais il en surpassera beaucoup en intelligence, ou entre les poteaux du but de football entre lesquels il excellera. Jacques part aussi de temps à autre à la chasse avec son oncle Ernest. Lors de ces merveilleuses journées il découvrira une autre forme de bonheur : la chaleur d'être " entre hommes ". Il dira : " Jacques apprit dans ces dimanches que la compagnie des hommes était bonne et pouvait nourrir le cœur. " Jacques a deux vies, celle de l’école et celle de la maison. Il ne pourra jamais lier les deux. Sa grand-mère ne comprendrait pas, quant à sa mère, pour laquelle il a une véritable vénération, elle ne sait pas lire et regarde ses livres de classes en passant sa main " sur ces signes qu'elle ne comprend pas ".
Ce livre à des allures des romans de Pagnol comme " La Gloire de mon Père " ou " Le Château de ma Mère ". Bien que l'on était beaucoup plus pauvre chez les Camus, l'enfant gardera aussi des images très fortes et très heureuses de cette époque de sa vie. Pagnol était un conteur hors pair et écrivait très bien. Camus nous offre, en prime, des réflexions beaucoup plus profondes encore sur la vie, la pauvreté, la dignité. Ce futur grand intellectuel n’oubliera jamais son enfance au soleil, les joies sains du corps, dans la mer ou sur un terrain de football. Ceci sera un de ses grandes différences d’avec Sartre, qui nous apparaîtra beaucoup plus comme " un pur esprit " Il n’oubliera jamais non plus ceux qui l’ont élevé, ont fait ce qu’il est devenu. Son " Discours de Suède " (NRF Gallimard), lu après les cérémonies de remise du Nobel, était dédicacé à son instituteur, toujours vivant, auquel il devait beaucoup : Louis Germain. A la fin du livre, vous trouverez une lettre de Camus à Louis Germain, après son Nobel. Vous y trouverez aussi la réponse de celui-ci qui commence par " Mon Cher Petit ".
Dans ce discours Camus, une fois de plus, se détache de Sartre en disant : " C'est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien, ils s’obligent à comprendre au lieu de juger ". Une autre pierre dans le jardin de Sartre qui avait tendance à " excommunier " tout ce qui ne pensait pas comme lui.
Si vous lisez " Le Premier Homme ", vous y trouverez un grand moment de bonheur et de chaleur humaine. Vous y trouverez aussi beaucoup d'intelligence du coeur.

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Les éditions

  • Le premier homme [Texte imprimé] Albert Camus
    de Camus, Albert
    Gallimard
    ISBN : 9782070738274 ; 23,00 € ; 01/04/1995 ; 331 p. ; Broché
  • Le premier homme [Texte imprimé] Albert Camus
    de Camus, Albert
    Gallimard / Collection Folio.
    ISBN : 9782070401017 ; 8,10 € ; 01/01/2000 ; 380 p. ; Poche
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Les livres liés

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Autobiographie touchante...

9 étoiles

Critique de Bacchus79270 (Paris, Inscrit le 20 février 2023, 52 ans) - 20 février 2023

Une autobiographie à la troisième personne du singulier et une œuvre fascinante car sortie trente-quatre ans après la mort de l’auteur. En effet, les feuillets manuscrits de ce roman ont été retrouvés dans la sacoche de l’écrivain, qui se trouvait dans sa voiture lors de l’accident... Ce premier homme se nomme Jacques, ou Jean, l’auteur ne savait pas trop encore, et il nous emmène dans son enfance, en Algérie. J’aime sa façon d’aborder des concepts philosophiques en décrivant des faits quotidiens, parfois anecdotiques. Son style fluide lié à cette narration factuelle fait de cette histoire un récit abordable par tous.

Plusieurs thèmes nourrissent ce livre : l’enfance bien-sûr, mais à travers elle l’histoire de deux personnes : sa mère, sourde et analphabète et lui-même. Les deux personnages se débattent dans un milieu pauvre : le père mort à la guerre et qu’il n’a jamais connu, la grand-mère, tyran dur et peu sentimental, qui les a recueillis et dont la première remarque fut pour sa mère : “Il va falloir travailler”, l’oncle, sourd aussi, qui adore Jacques mais rossera l’homme avec qui la mère aurait pu refaire sa vie. L’enfant évolue dans ce contexte, ce milieu à la fois difficile et rassurant. Il en sortira grâce à son instituteur qui insistera pour qu’il rejoigne le Lycée au lieu d’aller travailler comme les autres. Il en ressent de la satisfaction mais aussi de la honte et un certain regret. C’est le premier homme. Le premier homme parce que son père est mort et qu’il se retrouve de facto dans cette position. Le premier homme aussi dans cette société algérienne amenée à complètement muter (colonisation, puis construction, puis déconstruction par la guerre d’indépendance) qu’il prend comme micro-exemple des sociétés du monde entier. Il sera le premier homme dans cette mutation mais aussi le premier homme dans un monde qui n’en est qu’à ses balbutiements et évolue aussi par mutations. Le premier homme enfin de sa mère veuve, qu’il adore et dont il recherchera les marques d’amour tout au long de son existence. L’amour qu’il pressent mais que celle-ci ne peut lui montrer, de par ses handicaps, sa tristesse et sa pudeur. Il en fait une sainte cloîtrée quand lui ne se sent qu’un monstre avide de vivre et d’évoluer.

Enfin c’est aussi un récit sur l’absurdité de la guerre et sur sa “bi-nationalité”, celle de la nationalité et celle des racines physiques. Son père n’a vu qu’une seule fois la France et il y est mort. Et lui se retrouve en guerre avec ses frères algériens, ceux avec qui il a grandi. Chacun déteste ce qu’il fait en tant de guerre et le dit à son ami-ennemi. Mais chacun le fait parce qu’il le faut.

Tout cela est évoqué, comme je l’ai dit plus haut, à travers des faits simples de la vie courante (mais pas banale). On se régale donc à lire ce roman bien écrit et aux descriptions sensuelles et sensitives. On voit, on sent, on entend, on ressent... Mais si l’on se régale aussi à assister à la genèse d’un roman d’un grand auteur (nombreuses remarques en bas de page, sur ce qu’il doit ajouter, ou retirer, ses hésitations..., manuscrits originaux, autres faits à détailler en fin de livre), on est un peu frustré de ne pouvoir déguster l’oeuvre dans son intégralité et sa forme définitive.

Une double leçon de sagesse

10 étoiles

Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 22 octobre 2020

Dans cet ouvrage inoubliable et largement encensé ici, Albert Camus apparaît comme un des précurseurs du genre de l’autofiction si galvaudé de nos jours tant il est empreint de voyeurisme et de nombrilisme, souvent assez déplaisants, dans notre monde contemporain hyper connecté.

Rien de tel ici avec le personnage de Jacques, pourtant l’alter ego parfait de l’auteur, mais décrit ici avec tant de pudeur et de discrétion.
Même constat pour Louis Germain, alias Monsieur Bernard dans le livre, l’instituteur d'Albert Camus évoqué dans l’hommage à Samuel Paty, ce professeur sauvagement assassiné le 16 octobre 2020.

Or, la lettre de reconnaissance si touchante adressée à l’occasion de la remise de son prix Nobel par Albert Camus à son « Cher Monsieur Germain» à laquelle il vient donc d’être fait référence, est reproduite in extenso en annexe du livre « Le Premier Homme », ainsi que la réponse de l’intéressé ; dans cette dernière, le vénéré maître d’école se réfère à l’obligation, au nom de la laïcité, de respecter « ce qu’il y a de plus sacré dans l’enfant : le droit de chercher sa vérité » en se gardant bien de prendre parti en matière de religion.

Une leçon de sagesse, doublée d’une phrase prophétique, recommandant en ces termes la prudence à son ancien élève qu’il aimait tant :
« La nature tient un grand livre où elle inscrit minutieusement tous les excès que vous commettez (…) Alors dis, essaye de garder blanche la page qui t’est réservée sur le grand livre de la nature ». Une phrase écrite le 30 avril 1959, soit un peu plus de huit mois avant le terrible accident qui allait coûter la vie à Albert Camus…

quel auteur !

9 étoiles

Critique de Krys (France-Suisse, Inscrite le 15 mars 2010, - ans) - 7 juillet 2013

J'ai découvert Camus avec ce livre. Je voulais passer hors des sentiers battus... Et quel écrivain ! Il narre ici son enfance algérienne (je ne vais pas revenir dessus, les premières critiques l'ont très bien fait) dans un style magistral. Jamais un écrivain ne m'avait bluffée comme ça sur sa manière d'écrire. J'adore son style, sa manière de présenter et d'analyser les choses de la vie (oui, on peut penser à Pagnol). Je continue avec ses autres romans sans tarder !

une enfance algérienne

9 étoiles

Critique de Clara33 (, Inscrite le 29 septembre 2008, 77 ans) - 17 décembre 2010

C'est un véritable plaisir de partir sur les traces de l'enfance et l'adolescence algérienne d'Albert Camus. Certes le "Premier homme" est un manuscrit inachevé, mais déjà tout est dit. Ce livre est dicté par le profond désir que l'âge n'a fait qu'exacerber: la recherche de ses racines et plus particulièrement en savoir un peu plus sur ce père que l'auteur n'a pas connu. C'est ainsi que nous suivons Jacques en visite sur la tombe de son père, tué au début de la guerre de 14-18, sur cette terre française où il fut envoyé comme des milliers de tirailleurs africains. Est ce lui le premier homme, nous ne le saurons pas.
Le récit est dominé par un sentiment de fatalité: handicap de la mère et de l'oncle, perte du père à la guerre, veuvage et pauvreté de la mère. Tout respire la pauvreté, la misère, la résignation dans l'enfance d'Albert Camus. Ce récit retrace une histoire familiale poignante où transparait pourtant la joie de vivre et c'est ce qui le rend inoubliable. A des scènes pathétiques, comme l'accouchement de la mère, succèdent des tableaux colorés où l'on devine les joies simples d'un enfant qui part à la chasse avec son oncle, ou va se baigner l'été, avec ses copains.

Le " premier homme" nous enchante aussi par sa description de la vie en Algérie, dans ce milieu de pauvres colons, venus de tous les coins de la Méditerranée après avoir fui leurs maigres terres, des Baléares , comme ces Mahonnais, la famille maternelle de Camus ou d'Alsace comme sa famille paternelle. Pauvres parmi les pauvres, ils vivent de peu. Camus nous décrit dans des scènes pittoresques ce petit monde aux emplois modestes: tonnelier, boucher, journalier, femme de ménage...

Dans cette société marquée par la résignation et l'illettrisme, l'instituteur, Monsieur Germain, est un homme respecté, un sage, figure de l'homme érudit, qui persuade la terrible grand-mère de Jacques d'envoyer son petit fils au lycée et fait basculer ainsi son destin. Le futur prix Nobel lui en sera à jamais reconnaissant.

Ainsi sans pathos, ce manuscrit qui relate une enfance que l'on qualifierait aujourd'hui de défavorisée, est baignée par une lumière, le soleil de l'Algérie ou la tendresse d'un fils pour sa mère. Il reste un bouleversant témoignage sur l'origine d'un cheminement d'un grand écrivain, malgré une enfance pauvre.

Mon plus grand plaisir de lecture

10 étoiles

Critique de Yeaker (Blace (69), Inscrit le 10 mars 2010, 51 ans) - 1 novembre 2010

Une construction narrative admirable : premier chapitre, une famille en charrette parcourt les mauvais chemins d'Algérie. Ils viennent emménager dans un domaine de Solférino. A peine arrivés la femme doit accoucher, l'homme fait dételer un cheval et part à la recherche de personnes permettant l'accouchement. Voilà comment naît Jacques Comery.

Deuxième chapitre : Jacques Comery, devenu adulte, profite d'un voyage à St Brieuc pour aller sur la tombe de son père qu'il n'a pour ainsi dire pas connu. Mort lorsqu'il avait un an au début de la guerre 14/18. Il réalise alors qu'il ne sait rien de cet homme dont la date de naissance lui apprend qu'il est mort à un âge plus jeune que celui de Jacques. Il repart pour Alger bien décidé à en savoir plus sur son père. On se dit alors que nous allons avoir un livre sur l'identité, sur l'histoire familiale.

Mais dès le troisième chapitre on comprend que la mère, femme épuisée et faible n'a plus de souvenirs fiables et que les personnes ayant connu son père ne peuvent donner d'informations à Jacques. Algérie terre sans mémoire, on ne saura rien de plus sur le père de Jacques Coméry.
A partir de là Jacques Comery, alias Albert Camus, nous racontera son enfance et l'histoire de ses proches à Alger où la famille est venue s'installer après la mort de son père. Ainsi une mémoire subsistera.

Le roman reste inachevé au moment de la mort de Camus, une annexe dévoile comment il souhaitait l'étoffer. Il semblerait que Camus aurait souhaité ensuite gommer les éléments autobiographiques. Sa mort nous laisse donc un texte certes avec quelques trous mais qui ne gênent en rien la lecture mais surtout un texte où perce l'émotion des évènements qui ont marqué son enfance : Les copains et la vie dans les rues d'Alger, l'école et son maître qui l'aida tant, le lycée, le foot et sa famille en particulier, sa mère à la fois effacée et si présente, une grand-mère rigide et un oncle, l'homme de la maison.

Je n'ai jamais lu un texte rendant si vivante la vie à Alger, ville française mais pas comme les autres. Je pense, comme Camus lui même, que c'est son plus beau texte. Il faudrait créer une catégorie 10 étoiles rien que pour lui.

La "Recherche du temps perdu" d'Albert Camus

10 étoiles

Critique de JEANLEBLEU (Orange, Inscrit le 6 mars 2005, 56 ans) - 14 avril 2010

J'ai été littéralement fasciné par ce roman qui réussit, selon moi, le tour de force de marier Pagnol et Proust !

Le style et le contenu sont vraiment excellents ! Et dire qu'il s'agit d'un brouillon inachevé... On peut concevoir ce qu'aurait été le résultat "fini".

Ce roman est un roman "matrice" pour Camus comme l'a été "Pedigree" pour Simenon.

J'ai vraiment faim de poursuivre ma (re)découverte de Camus.

Une œuvre inachevée et déjà très belle

9 étoiles

Critique de Ichampas (Saint-Gille, Inscrite le 4 mars 2005, 60 ans) - 2 mars 2010

Je dois avouer que je ne connais pas encore bien les œuvres de Camus. Mais ce roman autobiographique m'a séduite et émue. Albert Camus a un regard positif sur la vie, peut-être a-t-il embelli la réalité ? Je ne crois pas, il possédait certainement un goût pour la vie. Il a l'art de goûter les beaux instants de la vie et surtout de savoir nous les décrire merveilleusement. Il ne s'arrête pas trop longtemps sur les instants douloureux et même semble en tirer profit. Il n'a jamais de parole blessante vis à vis de personnes dures comme sa grand-mère. J'aurais aimé continuer sa découverte, les années après le lycée, ses débuts d'écriture, ... Quel dommage qu'un si grand écrivain soit parti si tôt !

Inoubliable

10 étoiles

Critique de Dudule (Orléans, Inscrite le 11 mars 2005, - ans) - 19 janvier 2010

Quel magnifique livre, quel magnifique homme, je suis comme beaucoup de lectrices, lecteurs sous le charme de la plume d’Albert Camus, le récit de son enfance, sa jeunesse à Belcourt qu’il nous livre est remarquable, bouleversant, authentique, c’est tout simplement la vie de sa famille pauvre, le travail incessant , les transports, mais aussi les copains, la mer dont il en parle si bien et surtout l’instituteur à qui il doit beaucoup. C’est aussi les joies simples, l’amour, la vie.

A lire absolument afin de découvrir à travers ce récit autobiographique un GRAND HOMME.

Aimants et aimés

8 étoiles

Critique de Ngc111 (, Inscrit le 9 mai 2008, 38 ans) - 21 juin 2009

Je suis d'accord avec Jules lorsqu'il compare ce manuscrit non terminé de Camus avec les œuvres de Pagnol se remémorant son enfance. On y retrouve cette même façon de raconter les anecdotes drôles d'une période que Camus considérait surement comme bénie malgré la pauvreté de sa situation. On retrouve toute la richesse humaine dans certains passages tels que la partie de chasse. Cette dernière est d'ailleurs un élément omniprésent dans la littérature (chez Pagnol encore, ou chez Tolstoï) lorsque l'auteur veut faire constater au lecteur les émotions simples mais marquantes que les relations humaines peuvent apporter à l'occasion d'une réunion de plusieurs personnes autour d'un prétexte pourtant simple, voir primitif dans son but poursuivi.
Les scènes se succèdent dans un bon rythme et l'on s'amuse de la cocasserie des situations au cinéma, on compatit à l'effroi de Jacques lors de l'égorgement de la poule par la grand-mère...
Ah cette grand-mère que l'on pourrait détester avec notre œil de la nouvelle génération qui ne cesse de quémander liberté, compréhension et confort mais que Jacques, lui, respecte et aime malgré sa sévérité.
Et cette mère, analphabète, qui ne quitte pas sa fenêtre et observe l'animation de la rue tel un poste de télévision d'autrefois. J'ai trouvé ce personnage triste à pleurer, elle m'a ému quant on songe à la vie qu'elle a mené, cette simplicité tellement extrême qu'elle en devient une prison.
A l'opposé on a l'instituteur, cultivé et ambitieux pour son élève, un professeur que les élèves d'aujourd'hui admireraient surement. Lui aussi peut-être dur mais tellement juste à la fois...

Camus nous a livré un récit autobiographique à l'écriture délicieuse, aux personnages aimants et aimés, décrivant une situation difficile, où le peuple souffre, a souffert, de la guerre, de la pauvreté et de sa condition de vie.

Réminiscences de la vie sublimée d'un enfant pauvre

9 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 14 mai 2008

La recherche d'informations sur son père que le narrateur n'a pas connu l'invite à retracer son enfance, en la transcendant, en sublimant les menus détails qui l'ont rendu heureux, les douleurs qui l'ont aidé à mûrir, et sans jamais - merci et bravo ! - être misérabiliste.
Son habituel style sec, ses descriptions apparemment rudes sont emplies d'émotions, de légèreté. Quel curieux mélange, si saisissant ! Quelle découverte !
Voilà un beau livre sur l'enfance, la tolérance et la pauvreté.

le maître

10 étoiles

Critique de Tanna (Rennes, Inscrit le 22 septembre 2002, 47 ans) - 23 septembre 2002

La chose importante de cet écrit majeur de Camus est l'émouvant hommage à Jean Grenier (Malant). Il faut lire "Les iles" afin de comprendre le rôle de cet homme au visage d'un sage chinois et aux yeux d'un occidental doté d'une culture fabuleuse...

Un beau bol d'air !

9 étoiles

Critique de Platonov (Vernon, Inscrit le 7 septembre 2001, 41 ans) - 14 août 2002

Quel plaisir que de lire ce livre ! On suit avec émotion et ardeur l’enfance de Camus, à la fois toute simple dans ses distractions et ses désirs mais immensément riche et touchante dans la joie de vivre fulgurante, cette envie de vivre malgré son milieu pauvre et pas instruit. On pourrait dire même que c’est grâce à cette famille étrangère à la culture, mais ferme et dur à la tâche, ne faisant face qu'aux nécessités, ne s’intéressant à aucun superflu de la vie « moderne », que Camus s’est formé son caractère d’homme, son coeur, aiguisant son goût pour la vie, au travers des baignades et parties de foot avec ses amis du quartier, de ses voyages dans le monde fantastique et merveilleux des livres, surtout de capes et d’épées, des après-midi de chasse avec son oncle, des petites friandises qu’il s'offrait, avec Pierre, son ami du lycée, lorsqu’il avait, par chance, une petite pièce. Mais c'est aussi la découverte de l’âpreté de la vie, lorsqu'il fallu travailler deux étés à la suite pour ramener un peu de sous à la maison, se privant ainsi de ce soleil qu'il a toujours connu et qui a baigné toute son enfance.
Lorsqu’à 40 ans, il part à la recherche de l’identité de son père, de ses racines – que finalement il ne retrouvera jamais ; Camus s’est forgé « ex nihilo », petit à petit. son existence a précédé son essence et sa nature d'homme- il se rend compte de tous les bienfaits de sa jeunesse. Outre cette soif de vivre et de profiter de la vie, c’est son amour pour sa mère qui l'a marqué. Une mère dont pourtant un fossé semble le séparer ; elle est si discrète, si frêle, si humble, elle sait à peine lire, paraphe tant bien que mal les bulletins de notes de son fils, qui lui est frétillant de vitalité, amoureux, déjà, des lettres, fier comme Harpagon (notamment dans les combats de classe). C’est un amour muet mais néanmoins intense et indestructible qui les unit.
Et, à 40 ans, armé de ces souvenirs d'enfance et de tout ce qu’il y a appris, mais aussi de cet amour maternel et du soutien presque paternel de son ancien instituteur, il a toutes « les raisons de vivre, des raisons de vieillir et de mourir sans révolte ».

0 étoiles

Critique de Spin Gourmet (BRUXELLES, Inscrite le 12 septembre 2000, 49 ans) - 3 février 2001

Camus part à la rencontre de son père et
de son enfance. Ce texte inachevé est bouleversant et authentique. Quel homme magnifique!

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