Jours de cendres à Istanbul
de Berdjouhi

critiqué par Sahkti, le 25 septembre 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
L'histoire arménienne
Initialement publié sous forme de feuilletons à Boston en 1938-1939, "Jours de cendres à Istanbul" narre les arrestations arbitraires et politiques qui ont eu lieu à Istanbul en une seule nuit, le 24 avril 1915. Six cent personnes, des intellectuels arméniens, raflés sans que l'on sache toujours pourquoi.
C'est la poursuite d'un drame, le début d'un exil, d'un génocide.

Le mari de Berdjouhi était dans le lot des hommes enlevés à leur vie, elle a vécu ces événements de près et son témoignage est capital dans cette sombre page de l'histoire turco-arménienne. Elle s'est exilée en Bulgarie, est revenue en Arménie avant de prendre définitivement le chemin de Paris. C'est son fils, Armen Barseghian, qui a assuré la traduction française de l'ouvrage.
Berdjouhi a dû faire face à la bureaucratie, aux mensonges, aux questionnements; elle a cherché à savoir où était enfermé son mari et comment il vivait tout cela, mais à chaque fois qu'elle pense franchir une étape, un mur se dresse devant elle. La capitale ottomane est devenue hostile, mais cela n'empêchera pas Berdjouhi de tenter, avec d'autres femmes, de militer pour la libération de ces Arméniens emprisonnés. Entre solitude et désespoir, elle se construit une vie de survie et entretient un amour dont le destin a été brisé par le pouvoir en place.

Berdjouhi raconte, au quotidien, ces années d'enfermement et de douleur. Le récit a une valeur hautement documentaire, biographique également, d'autant plus que l'auteur ne se contente pas de nous livrer ses informations sous forme de récit journalistique; elle privilégie la narration au quotidien, les souvenirs qui agrémentent ces pages de souffrance. Berdjouhi nous dit le bonheur, le contexte, les brimades et les joies. A travers les modes narratifs qu'elle emploie, l'histoire est restituée dans un contexte plus global, vécu de l'intérieur, avec tout ce que ceci peut comprendre de passion et de tourment.
Un livre qui me semble incontournable pour appréhender cette période de l'histoire, pour dépasser le domaine de l'émotionnel tout en appréciant le prix du témoignage.


"La langue des hommes est impuissante à exprimer l’horreur que l’homme a infligée à l’homme" (Berdjouhi)