Le tombeau de Tommy
de Alain Blottière

critiqué par Papyrus, le 27 septembre 2009
(Montperreux - 64 ans)


La note:  étoiles
entre roman historique et scénario cinématographique
« J'avais depuis longtemps le désir de réaliser un film sur un héros, un vrai, si possible mort jeune et beau, quand j'appris l'histoire de Thomas Elek, dit « Tommy », un lycéen parisien, Juif Hongrois, qui combattit le nazisme aux côtés du groupe Manouchian, et figura sur la fameuse Affiche rouge. En découvrant Gabriel, un adolescent d'aujourd'hui lui ressemblant comme un frère, je crus tenir le comédien idéal pour incarner Tommy, soixante ans plus tard. (...) »
Dans ce sixième roman, Alain Blottière a choisi un parti pris original qui consiste à intercaler tout au long de son roman, l'histoire tirée des archives historiques disponibles de son jeune héros: Thomas Elek et le déroulement scène par scène du tournage de son film. Il nous livre ainsi le déroulé des évènements vécus par ce jeune juif, membre des FTP MOI, au sein du fameux groupe Manouchian. En parallèle, le récit des circonstances du tournage met en scène le comédien choisi pour interpréter Tommy qui, peu à peu, va incarner ce personnage tragique et mystérieux, s'approprier son histoire jusqu'à complète identification.
Cette posture donne au récit l'opportunité à son auteur d'entrer dans la psychologie de ce jeune garçon et de tenter de percer ses sentiments et ses motivations, plutôt que de nous livrer une biographie historique distancée et peut-être froidement factuelle. Le comédien devient « Tommy » au fil des chapitres et donne corps au personnage en sombrant avec lui jusqu'à son exécution.
Ce livre est à rapprocher du film « l'armée du crime » sorti en août 2009 dernier, puisque Thomas Elek figure sur la fameuse affiche rouge placardée par les Nazis pour alimenter leur propagande anti-terroriste.

L'écriture d'Alain Blottière est intense et souvent poignante et permet d'entrer dans les interrogations d'un réalisateur qui se trouve dans l'obligation de faire des choix, des interprétations de scènes qui n'ont pas laissé des traces historiques, qui s'interroge aussi sur sa responsabilité envers le public qui reçoit les images d'un film censé relater fidèlement une (courte) destinée tragique, mais aussi envers son acteur, fragilisé par un rôle qui le consume, jusqu'à le mettre en danger.
Cependant, il m'a souvent semblé que l'auteur nous livrait avec difficulté une histoire finalement peu étoffée, comme une ligne dont n'apparaissent au grand jour que quelques pointillés. Certains chapitres sont un peu délayés et répétitifs. Le lecteur n'entre pas vraiment dans la fusion avec le héros de laquelle pourrait surgir une émotion réelle. Ce héros reste mystérieux et impalpable et ne nous touche finalement pas tant que ça...
du grand art 9 étoiles

Un livre étonnant à la fois par son intérêt littéraire, historique et cinématographique. L'écriture est fluide, homogène dans un texte qui reste court tout en étant historiquement très fidèle jusqu’à la météo. Le télescopage des époques rendues par les acteurs du film face à leurs personnages, la description du choix et du montage des scènes par le réalisateur parfaitement intégrés au texte apportent une envergure supplémentaire au livre. Chapeau.
L'ouvrage avait été retenu dans la plupart des listes de prix littéraires d'automne 2009 et aurait mérité plus.

Yeaker - Blace (69) - 51 ans - 6 juillet 2010