Viol de Danièle Sallenave

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Printemps, le 11 octobre 2009 (Inscrite le 30 avril 2005, 66 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 844ème position).
Visites : 6 607 

reportage fiction

Sophie écrit pour un projet de livre à Madeleine dans le Nord. Elle voudrait recueillir son expérience. de vie. A travers leur échange, nous découvrons, dans ce roman épistolaire, ces copies de bandes enregistrées - la forme du questionnement est privilégiée, "six entretiens, quelques lettres et une conversation finale" , une réalité fiction de la vie de femmes et d'adolescentes, dans le Nord, en perdition. Une région perdue qui se reflète dans la vie d'une famille, de femmes, mais aussi d'hommes perdus dans leurs désirs et leurs besoins. Une portion de vie grise et noire qui fait référence aussi bien à la crise économique du Nord, qu'au passé colonial français. Qui est victime, qui provoque quoi, si faute il y a, qui est fautif. Toute une interrogation sur le pourquoi et le comment du dérapage dans la vie humaine. Un réveil dur dans une vie pas rose, bien que rêvée rose.

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Les éditions

  • Viol [Texte imprimé], six entretiens, quelques lettres et une conversation finale Danièle Sallenave
    de Sallenave, Danièle
    Gallimard / Collection Folio.
    ISBN : 9782070408740 ; 6,30 € ; 21/07/1999 ; 185 p. ; Poche
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Magistral !

10 étoiles

Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 79 ans) - 28 mars 2012

Ante Ciliga avait trouvé autrefois dans sa description de la Russie stalinienne, l'expression de « pays du mensonge déconcertant ». D'une certaine façon, la manière dont le viol est souvent nié, est tout aussi déconcertante.

D'ailleurs, y a-t-il rien de plus odieux que le viol, et que la dissimulation qui en est faite sous divers prétextes ? Danièle Sallenave, en bonne observatrice des mœurs contemporaines, essaie de démêler ce qui se cache là-dessous. La narratrice, qui a suivi le procès et la condamnation d'un violeur, écrit à sa femme pour lui proposer un projet de livre : elle lui propose de l'interviewer, et ce sont ces entretiens oraux, ainsi que quelques lettres, qui constituent le bref roman Viol. C'est donc une sorte de roman-vérité, comme on disait autrefois cinéma-vérité. Dans cette région du Nord, où la crise économique est omniprésente en arrière-plan, Madeleine a épousé tardivement (quarante-deux ans) un ancien légionnaire (le passé colonial de la France est ainsi également en filigrane), avec qui elle a vécu quelques années heureuses. Elle avait déjà deux garçons d'un premier lit, et a eu une fille avec lui, qui de son côté était père d'une fille. Leur vie est simple et tranquille, jusqu'au jour où ça dérape : l'ancien légionnaire, las d'une femme vieillissante, a des relations sexuelles avec sa très jeune belle-fille et avec sa propre fille. Inceste donc, et viol, car une très jeune fille accepte-t-elle de tels rapports de gaieté de cœur ? Et Madeleine, qui s'en est rendue compte, se tait, longtemps... Elle aussi, est à sa façon, victime. Car elle trouve des excuses à son mari. Elle continue à l'aimer, malgré tout, et a du mal à mettre les mots pour dire ce qui s'est passé. Il faut toute la sagacité respectueuse de la narratrice, pour lui faire accoucher de la vérité, trop longtemps masquée, et à vrai dire, indicible. Madeleine est un personnage douloureux, qui est dans le refus de ce qui se passe sous ses yeux (aussi parce qu'elle n'a pas de vocabulaire pour exprimer ses impressions), bien qu'elle ne soit pas dupe, on le sent. Mais le monde dans lequel elle vit manque de repères : "Ah, madame, on est des petits ! On est sans défense, nous autres !" C'est tout juste si elle ne pense pas que pour un homme, c'est normal de se satisfaire ainsi (rappelons-nous le "troussage de domestique", à propos de DSK, de l'inénarrable Jean-François Kahn – il vient de publier un Menteurs ! à propos des hommes politiques, s'est-il un jour contemplé dans un miroir ?). Mais les arguments de Madeleine ne tiennent pas, elle se voile la face. C'est tragique, car elle pressent aussi que le monde n'est pas tendre avec ceux de sa classe : "Et il y a trop d'injustices. – Quelles injustices ? – Que certains en aient tellement, et que nous, on ait rien, juste de quoi rester dans notre petit coin et ne pas crever. Et encore."

Superbe approche !

10 étoiles

Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 68 ans) - 15 décembre 2011

Pas de manichéisme dans ce livre : une approche respectueuse d'une journaliste envers la femme d'un homme condamné pour inceste.
D'accord avec Printemps : tout est grisaille ! Des personnages " pas finis", des enfances douloureuses, une terrible absence de repères et une culpabilité larvée ...... Une vérité tellement indicible que le personnage de Madeleine s'emploie avec une terrible constance, à refuser de regarder, tout en étant, aux tréfonds d'elle même, pas dupe !
Que de dégâts ....!
La forme du livre (lettres, interviews et échanges hors enregistrement) le rend particulièrement crédible et passionnant à lire : on accompagne la journaliste dans sa quête non offensive de vérité ! Sa presque tendresse envers Madeleine adoucit la cruauté du sujet traité.
On en sort attristé, c'est vrai !
Mais peut-on toujours se voiler la face ? Tout y est tellement réel que ça nous permet de ne pas juger avec les à priori de M et Mme tout le monde.
La complexité de l'être humain trouve toute sa place dans cet ouvrage !

Que ceux qui ont envie de s'ouvrir à ce qui dérange, en allant plus loin que ce que nous offre les média, lisent ce livre !
Ils en sortiront sonnés, mais OUVERTS !

Pro du social, je recommande plus que chaudement ce livre à ceux qui n'ont pas la chance (?) de côtoyer ce monde galvaudé par ceux qui nous informent ................

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