Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants
de Kenzaburō Ōe

critiqué par Catinus, le 23 octobre 2009
(Liège - 73 ans)


La note:  étoiles
Bambou
Durant la seconde guerre mondiale, au Japon, des enfants d’une maison de correction sont enfermés dans un village. Une épidémie surgit et les villageois s’enfuient. Seuls, ces gosses tentent de s’organiser.
Une prédilection que l’auteur semble porter pour les exclus, tel son autre roman plus connu : « gibier d’élevage « . L’écriture y est limpide, agréable. Pas moralisme non plus : ces enfants ne sont pas des anges et se jouent également des coups bas bien que l’on compatira tout de même avec le jeune narrateur. Si parabole il y a, que peut-on en déduire ? Que tout le monde défend ses plates-bandes, avec égoïsme et lâcheté s’il le faut. Ne sommes-nous pas dans la même barque, mais sauve qui peut… Et puis chacun son statut après tout …
Malaise 7 étoiles

Ce livre n’est pas vraiment celui qu’il faut choisir pour passer une après-midi d’été sur la plage ! Particulièrement noir : les enfants d’une maison de redressement, retenus dans un village désert abandonné par ses habitants en raison d’une épidémie de peste, on enterre, on déterre des cadavres contaminés. Les enfants vont s’organiser dans ce village, mais les habitants vont revenir.
Une lecture qui crée un malaise, et qui fait s’interroger sur la condition humaine, faite d’amour, de haine, d’égoïsme.
Un roman à lire, à condition d’être averti...

Bernard2 - DAX - 75 ans - 12 août 2022


Les laissés pour compte 8 étoiles

L'histoire, assez sombre a bien été résumée par les autres lecteurs. Faut-il voir une parabole dans ce roman ? Que retirer de ce récit qui met en scène des enfants abandonnés par des villageois haineux dans un village contaminé par une épidémie ?

Finalement la seule humanité dans le livre c'est entre les exclus qu'on la trouve, que ce soit l'amour fraternel du narrateur ou l'amour tout court avec une petite villageoise abandonnée. Le jeune Coréen aussi, l'étranger exclu par les villageois et qui se rapproche des enfants par solidarité. Et puis le soldat déserteur recherché par tout le monde et qui trouve refuge chez le Coréen et les enfants.

Un très beau livre sur l'enfance, sombre mais illuminé par des éclairs fugaces d'amour et de solidarité malgré la mort omniprésente qui frappe autour d'eux.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 4 janvier 2014


Faulkner revisité par Queffelec 9 étoiles

« Arrachez les bourgeons, … », c’est un peu « Le bruit et la fureur » de William Faulkner revisité par le Yann Queffelec des « Noces barbares » ! Même « terrain de jeu », même noirceur, même absence de perspective.
C’est la seconde guerre mondiale, nous sommes au Japon, qui va bientôt capituler. Le pays est en déconfiture, à l’instar de ce que décrit par exemple Céline dans « Rigodon » - des mouvements de population erratiques – et une troupe d’enfants d’une maison de correction est en mouvement, plutôt chassée de partout, en tout cas mal accueillie.
La petite troupe à laquelle appartient le narrateur est peu nombreuse, et son petit frère en fait partie. Au début de roman, ils échouent dans un village isolé montagnard japonais, plutôt isolé du fait des intempéries, livrés au bon vouloir du maire et de ses administrés puisque leur éducateur doit se joindre à des soldats qui recherchent un cadet déserteur. Ca va tout de suite être très noir puisque le lecteur comprendra très vite – le narrateur un peu moins vite du fait de son âge et de son faible niveau d’éducation – qu’ils se trouvent dans une zone où sévit une épidémie mortelle. On leur demande de suite de regrouper les animaux morts pour les enterrer, le tout dans un contexte d’un sordide achevé :

« Des chiens, des chats, des mulots, des chèvres et même des poulains : d’innombrables carcasses d’animaux étaient entassées formant un monticule et s’apprêtaient avec calme et impatience à se décomposer. Les bêtes avaient les mâchoires serrées, les yeux noyés et les membres crispés. Leur sang et leur peau inanimés s’étaient transformés en un mucus visqueux et rendaient collantes la bourbe et les herbes fanées et jaunies alentour. Seules leurs oreilles innombrables conservaient une curieuse vivacité et supportaient la décomposition qui s’abattait violemment sur elles.
…/…
A coups de houe, nous avons creusé la terre ocre où les herbes fanées et les feuilles mortes formaient une croûte. La surface était tendre et facile à bêcher. Dès qu’apparaissaient de grosses larves orange clair ou des grenouilles et des mulots en hibernation, nos houes tombaient avec exactitude sur eux pour les écraser. La brume dans laquelle la vallée était plongée se dissipait précipitamment. Mais maintenant la puanteur tenace des carcasses entassées remplissait l’atmosphère comme une nouvelle brume. »

Mais ça va rapidement devenir bien pire puisque la mort touchant des humains, les villageois vont fuir en laissant les enfants à leur triste sort. Le roman, c’est l’histoire de « l’organisation » qu’ils vont tant bien que mal mettre en place pour survivre, et des saloperies, il va leur en arriver quelques unes. En référence aux romans cités plus haut, on se doute bien que tout ceci ne peut finir bien. De fait …
Ca se lit d’une traite, plongeant dans l’ignominie toujours un peu plus à chaque page et il n’y a guère de possibilités de se tirer d’une telle situation. La plus simple, la plus courante, la mort … Mais Kenzaburo Ôé nous laisse imaginer notre fin.

Tistou - - 68 ans - 2 septembre 2012


L’exclusion 8 étoiles

C’est une fable sociale très dure que nous offre le lauréat du prix Nobel de 1994. Le thème de l’exclusion était déjà couvert par le fait qu’il s’agit d’enfants d’une maison de correction dont il est question, mais ôé le pousse encore plus loin en amenant son groupe dans un village aux prises avec une épidémie.

Les adultes abandonnent le village laissant derrière eux les enfants qui doivent survivre tant bien que mal. Une sentinelle s’assure que ces derniers ne puissent s’enfuir. Dans cette enclave, la faim est omniprésente, la mort rôde et tout n’est que saleté. Comme d’autres l’ont fait avant, l’auteur nous démontre crûment comment l’homme abuse des situations de pouvoir et devient bête lorsqu’il est confronté à ses peurs.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 28 janvier 2010