Nous étions des hommes de Frederic Manning

Nous étions des hommes de Frederic Manning
( Her privates we)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Romans historiques

Critiqué par Patman, le 26 octobre 2009 (Paris, Inscrit le 5 septembre 2001, 62 ans)
La note : 10 étoiles
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Un très grand roman

La Somme, 1916. Bourne est un soldat pas tout à fait comme les autres, un drôle de coco comme dit l’adjudant. Enrôlé volontaire à plus de trente-cinq ans, il est de toute évidence un homme instruit et cultivé, maniant le français avec aisance, un « parfait gentleman » qui aurait pu sans honte rester planqué en Angleterre pendant que les plus jeunes allaient au casse-pipe. En plus, s’il râle comme n’importe quel troufion qui se respecte, Bourne reste toujours calme et placide au milieu de la tourmente, à tel point que le capitaine Malet le remarque parmi tous les hommes et se propose de lui faire passer un brevet d’officier. Pourtant le « private » (deuxième classe) Bourne ne veut pas quitter ses camarades. Il se sent bien parmi eux et n’a aucune envie de prendre la responsabilité de les envoyer se faire tuer au nom d’un idéal qu’il a de plus en plus de mal à cerner. Il a surtout deux grands copains dans sa section : le jeune Matlow et Shem, tant qu’ils seront avec lui, il restera un simple soldat.
Frederic Manning, un de ces écrivains qui serait resté à tout jamais obscur s’il n’avait vécu l’enfer en 1916. Né en 1882 en Australie, fils du Maire de Sidney, Manning vient s’installer à Londres en 1903 rêvant de devenir écrivain. Mais il ne rencontre qu’un succès mitigé même s’il est plus ou moins reconnu dans le petit monde littéraire londonien (surtout grâce à son amitié avec Ezra Pound). En octobre 1915, âgé de 33 ans et malgré une santé vacillante, il s’engage dans l’infanterie et, après avoir fait ses classes au Pays de Galles, est envoyé comme simple soldat sur le front de la Somme en août 1916. Il y passera 4 mois dans la boue et le sang. Il quitte le front pour passer son brevet d’officier qu’il obtiendra en 1917, mais dans le même temps il sombre dans l’alcoolisme. Il ne reviendra jamais sur le front et sera démobilisé pour raison de santé. En 1929, malade et affaibli, n’ayant pratiquement plus rien produit de valable jusque là, il cède à la demande de l’éditeur Peter Davies qui lui propose de raconter ses souvenirs de guerre (le genre est en vogue à l’époque). Au lieu de faire des mémoires, Frederic Manning écrit un petit roman, fortement autobiographique : « Her Privates We » signé par le pseudo « 2ème Classe 19022 ». Le langage est cru, vrai, le succès est immédiat. On crie au génie ou au scandale. Un récit sur la guerre vu par un sans grade qui souffre du froid, de la faim, de la misère en première ligne, ça interpelle. Les Anglais ont eux aussi maintenant leur Remarque, leur Barbusse ou Dorgelès. Mais dans la prude Albion, le langage trop coloré de Manning choque, et une seconde version plus soft signée Frederic Manning est publiée en 1930. L’auteur, malade, s’éteint le 22 février 1935.
Durant 70 ans, ce livre sombrera dans l’oubli, jusqu’à une réédition en 1999 en Angleterre préfacée par le grand William Boyd himself et une première édition française en 2002 chez Phebus.
Pour ceux (et ils sont nombreux) qui s’intéressent à la 1ère Guerre Mondiale, ce livre fait partie des incontournables. Un grand moment de lecture que je vous recommande chaudement.

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Les éditions

  • Nous étions des hommes [Texte imprimé], roman Frederic Manning trad. de l'anglais par Francis Grembert préf. de William Boyd
    de Manning, Frederic Boyd, William (Préfacier) Grembert, Francis (Traducteur)
    Phébus / D'aujourd'hui. Étranger (Paris).
    ISBN : 9782859408015 ; 20,30 € ; 15/03/2002 ; 337 p. ; Broché
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