Mistouk de Gérard Bouchard

Mistouk de Gérard Bouchard

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Saumar, le 2 novembre 2009 (Montréal, Inscrite le 15 août 2009, 91 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 261ème position).
Visites : 3 071 

Trop grand pour son village et pour son époque

L’auteur Gérard Tremblay raconte la vie quotidienne des habitants d’un petit village du Saguenay vers la fin du X!Xe. C’est surtout l’histoire du fils aîné, Méo, le géant, celui qui incarnait tous les espoirs. Il y a plein d’anecdotes empreintes d’ironie, d’humour et de situations cocasses chez ces pionniers et plein d’intrigues heureuses qui tournent à la tragédie. Ces gens sont fiers et courageux. Des descriptions (les Eaux-Belles (p.35) et des événements y sont longuement expliqués. Plusieurs lieux physiques et géographiques nous sont évoqués par Méo : la Nouvelle-Angleterre, les États-Unis et chez les Indiens nomades du Nord (La Source blanche). Trois grands thèmes en ressortent : la famille, l’amour et la religion. Le clergé obligeait les paroissiens à procréer, allant jusqu’à punir la continence (p.145). On y décèle quelques préjugés religieux.

Les similitudes entre Méo et sa sœur Matilde m’ont fascinée. D’abord, leur soif de liberté et l’intensité dans leurs passions respectives : pour Méo, c’est l’obsession de la découverte pour le continent et la nature. Son amour partagé entre Julie et Senelle, comme entre deux régions. Pour Matilde, c’est l’obsession de l’amour non partagé pour Moïse. Elle quitte le foyer, un beau matin, baluchon au dos pour rejoindre Moïse alors que la famille la pense chez sa marraine. On la retrouve trois jours après, dans une condition effroyable autant psychique que physique. Ensuite, les conflits qui ont altéré les relations père/fils et mère/fille : lorsque Méo annonce son départ pour les États-Unis, son père s’emporta. On comprend qu’entre le père et le fils, quelque chose se défaisait (p.323). Le lendemain, Méo était parti. Matilde a 16 ans, Marie, sa mère, lui parle d’entrer chez les religieuses en raison d’une promesse faite à sa naissance en échange de sa vie. Matilde ne l’entend pas ainsi et refuse. La relation entre la mère et la fille était brisée. Méo et Matilde ont tous les deux, une fragilité morale et un sentiment de culpabilité les accapare. Avec de tels conflits intérieurs, quel destin les attend? De quel côté basculeront-ils? Un bon moment de lecture que je recommande pour en découvrir le dénouement. Ce roman est bien écrit et se lit bien.

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L'Avortement d'un royaume annoncé

7 étoiles

Critique de Libris québécis (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans) - 22 février 2012

Le Saguenay est une région qui aspirait à devenir un royaume, dont Chicoutimi aurait été le Chicago du Nord. Cette utopie s'incarne à travers la population du village de Mistouk (aujourd’hui Saint-Cœur-de-Marie) et, en particulier, à travers la famille de Joseph Tremblay et, surtout, de son fils Méo, personnage démesuré, qui ne parvient pas à se situer dans les légendes de son royaume.

Comme une girouette, le vent le fait tourner vers le nord pour suivre les Montagnais à la chasse en hiver ou vers le sud pour parcourir les États-Unis d'est en ouest. Il est facile de voir à travers lui l'image d'un Québec en quête d'un pays qui veut s’affranchir. En s’arrêtant à tous les râteliers, il a couru à sa perte. Une mort qui enseigne que nous devenons « inmourables » seulement si nous adhérons à un idéal.

Idéal qui a réuni les pionniers au tournant du XXe siècle autour du curé et de quelques notables afin d’établir les bases d'une société fondant sa subsistance sur l'agriculture et la forêt. Comment se fait-il que le « royaume du Saguenay » ne soit devenu qu'une périphrase pour désigner une région située à quelque 300 km au nord de la ville de Québec? La faillite de ce projet libérateur trouve ses assises dans l'étroitesse de vue des élites, plus préoccupées de s'enrichir par le biais des entreprises vouées à la déforestation. Sans compter le clergé qui prônait une société presque théocratique au service d'une Église désireuse de se donner du standing en se faisant construire des presbytères pour rivaliser avec les beaux manoirs des spoliateurs de la région.

Cette œuvre sur l'identité québécoise, aussi pertinente soit-elle, est loin de satisfaire les normes de l'art romanesque. Même si le héros sert de fil conducteur à l'aventure saguenéenne, il reste que c'est très décousu. L'auteur a englobé toute la genèse d'un peuple en un seul roman qui ressemble à une chronique des nombreux faits et gestes qui ont mené à l'avortement d'un royaume annoncé. L'empressement du narrateur pour faire le tour du sujet atténue la saveur de ce roman d'époque qui se termine comme un polar.

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