Éboueur sur échafaud de Abdel-Hafed Benotman

Éboueur sur échafaud de Abdel-Hafed Benotman

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Dirlandaise, le 2 novembre 2009 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 742ème position).
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Au pire ? Tu finiras éboueur. Au mieux ? Sur l'échafaud ! (Papa)

Abdel Benotman nous raconte dans ce livre son enfance d’exilé algérien à Paris. Le père est un ouvrier du bâtiment illettré travaillant au noir les week-ends. C’est un homme dur, sévère, qui inflige de rudes corrections au petit Fafa, le petit dernier de la famille. Il y a aussi Nabila, la mère, dont la santé mentale chancelante est source d’angoisse pour ses enfants. Elle confond souvent ses enfants mâles avec son mari et les invite régulièrement à venir faire la sieste avec elle. C’est une femme soumise, exaltée, qui fait de fréquentes crises qui traumatisent ses enfants. Nono, le plus vieux rêve de faire du théâtre mais le père ne veut rien savoir de cette profession de pédé. Kim étudie de toutes ses forces pour devenir avocate et échapper à cet enfer familial. Nadou la plus jeune, pratique un passe-temps étrange, les tentatives de suicide. Les enfants de la famille Bounoura sont piégés dans cette famille de fous et chacun y va de fréquentes fugues. Dans cette ambiance familiale infernale, le petit Fafa grandit et s’endurcit. Il expérimente plein de choses rarement bonnes, souvent mauvaises : les coups du père, la folie de la mère, les railleries et le racisme des camarades d’école, les petits boulots répugnants, les fugues et les avances de riches homosexuels en chasse. Le petit Fafa survit grâce à sa ruse et à sa débrouillardise.

C’est une histoire absolument terrible et révoltante que celle de cet enfant aux prises avec un père violent qui le bat si fort qu’il en perd souvent conscience et gardera des séquelles physiques comme l’éclatement d’un tympan et des otites chroniques. La vie est dure pour ce petit bout d’homme et l’avenir ne s’annonce pas mieux. Comment ne pas aimer Abdel Benotman après avoir lu ce livre terrible ? Comment ne pas compatir avec cet écrivain dont l’enfance fut loin d’être idyllique ? Comment ne pas comprendre le chemin qu’il a choisi de prendre devenu adulte ?

En racontant son enfance et ses souffrances d’enfant, Abdel Benotman nous transporte dans une dure réalité, celle des familles algériennes dont l’intégration à la société parisienne est un défi quasi insurmontable et relève de l’utopie. La famille doit lutter pour survivre et les enfants grandissent dans un climat de haine et d’humiliations. De plus, l’extrême sévérité du père les oblige à mentir et à enfouir au plus profond d’eux-mêmes leurs espoirs et leurs aspirations au bonheur. Navrant et si triste. Mais monsieur Benotman réussit à nous décrire cet enfer en y mettant une touche d’humour et sans jamais adopter un ton misérabiliste. C’est une chronique savoureuse, certains passages sont d’une exquise drôlerie mais d’autres sont absolument terribles alors âmes sensibles s’abstenir. Je ne peux enlever d’étoiles à un tel témoignage.

« Chez les Bounoura il ne venait jamais personne et encore moins le soir. Si le père Noël avait existé, lui-même n’aurait pas osé mettre un pied dans cette famille tant on s’y sentait mal à l’aise, décalé, prêt à fuir. »

« Dénoncé, humilié, battu, abandonné des siens, les vrais siens à lui — les copains —, Fafa fut à jamais dégoûté de l’honnêteté. Il en voulait à la terre entière. »

« Pris entre deux violences, celle du dedans et celle du dehors, il forma en lui lentement, haineusement, huître inviolable, une perle noire. Perle prête à éclater le moment venu dans une violence que lui-même ne pourrait pas maîtriser. Faraht Bounoura avait la haine. La peur et le dégoût le recroquevillant autour de sa vie, il ne laissa plus rien passer comme émotion ou sentiment. »

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La famille Bounoura

9 étoiles

Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 9 mars 2010

Le mariage entre l’autobiographie et le style polar fonctionne à merveilles dans ce livre. L’humour noir fait grincer des dents. L’écriture est truculente et crue. L’auteur utilise judicieusement la troisième personne pour se donner une distance par rapport à son milieu. Ainsi, le ton reste toujours tragi-comique évitant l’auto-flagellation et les lamentations égoïstes.

Un livre dur certainement, magnifiquement lucide, un reflet puissant de la société actuelle.

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