Blanc
de Claude Louis-Combet

critiqué par Camarata, le 13 décembre 2009
( - 73 ans)


La note:  étoiles
Retrait
Un livre impressionnant dont la lecture vous embarque comme dans un long poème en prose, richesse et précision du vocabulaire, structure aérée et naturelle des phrases, rythme presque biologique du récit.

Un homme, à l’existence minimaliste et retirée du monde, voit progressivement les objets qui l’entourent se dématérialiser à commencer par un mur envahi par une tache blanche de non matière. Il a beau se jeter à corps perdu dans la traduction de la vie d’un saint le phénomène s’amplifie (pas étonnant).
Cela donne lieu à une recherche méthodique sur un processus de déréalisation de la matière et de l’esprit, de démission consentie de l’identité, qui permet l’émergence d’évidences écrasées d’ordinaire par la suprématie « totalitaire »de la réalité et de l’égo.

« Ce passé en singulière avance sur moi-même,….ou se formait une parole qui trouvait aujourd’hui son point d’achèvement ».

« Car ce que la chair voulait en sa creuse tendresse, ce qu’elle avait toujours voulu et attendu, c’était le dénouement des tensions, l’effacement des signes,….l’envasement parfaitement passif dans la torpeur d’avant l’histoire ».

Rien de morbide dans ce récit dont la conclusion pressentie avec inquiétude, la dissolution de la matière et de l’identité dans le vide, le néant de l’origine, et acceptée au final avec gratitude par le lecteur.
Ce récit, du manque de l’absence,du renoncement volontaire à soi même, crée un contraste puissant avec l’univers contemporain, saturé de matières, d’objets, de tentations et d’inflations identitaires .
Vertigineuse plongée dans le vide de soi...Un ébranlement: MAGISTRAL. 10 étoiles

Si ces dernières années, j'ai été, souvent, totalement foudroyée par certaines lectures, sans doute plus par le fond que par le brio stylistique des auteurs, après ce livre-ci, aucun mot, aucun superlatif ne pourra véritablement vous transmettre mon ressenti intime tant, progressivement, au fil des phrases, des pages, l'on en est étourdi(e), comme pétrifiée par une si irréelle perfection, un absolu qui paraît, pourtant, si improbable.

Que vous dire d'autre hormis vous énumérer une liste intégrale de synonymes?

Ce qui demeurera, pour moi, le plus remarquable est cette acceptation totale d'accompagner le narrateur, d'accepter avec lui "avec soulagement le parti de m'en- (nous)- tenir au rien et d'être moi-même quasiment rien.", "entier captif, voué à vivre ici en témoin de l'impensable, assistant, jour après jour, à la décomposition et à l'annihilation de mon univers matériel"..."évanescence interminable de la matière..."...et de plonger, alors, dans un irréel inouï, ou "je m'envasais dans la douce torpeur d'absence comme si j'étais moi-même quelque corps utérin, plus songé que vivant, plus obscur que toute chair et moins présent(e) à soi qu'à la nuit.".

Remarquable.

Un choc littéraire.

Provisette1 - - 12 ans - 6 juin 2014