Prophétie
de C. J. Sansom

critiqué par Miss teigne, le 22 décembre 2009
( - 43 ans)


La note:  étoiles
Saint Jean la révèlera...
1543. Six ans après la dissolution des monastères et après que Cromwell ait été exécuté, Matthew Shardlake a quitté les rangs des Réformateurs rigoristes pour embrasser le métier d'avocat. Une affaire délicate lui est confiée : Adam Kite, passe son temps à prier et à haranguer les foules en leur criant de se repentir. Il doit à tout prix éviter au jeune homme l'exécution qui l'attend en ces temps de chasse aux papistes. Adam est enfermé à Bedlam et Shardlake doit trouver une solution pour ramener le jeune homme à la raison, avec l'aide de Guy, le moine "maure". Pendant ce temps, d'anciens réformateurs rigoristes dont les convictions ont tiédi sont sauvagement assassinés et leurs meurtres sont affreusement mis en scène. Le meilleur ami de Shardlake compte au nombre des victimes, il se met alors en quête du coupable avec ardeur, appuyé par des réformateurs convaincus.

Une chose est sûre, c'est que Sansom sait maintenir le suspens! Le coupable ne se dévoile vraiment qu'à la fin. Lorsqu'on réfléchit aux éléments qui permettraient de le démasquer, son identité devient une évidence… qui vous échappera peut-être tout le long de votre lecture. Outre l'enquête policière, il faut souligner la crédibilité du contexte historique, solidement documenté. Si l'auteur s'éloigne parfois des vérités historiques, il les rétablit par des notes en postface.

La prophétie constitue le quatrième tome d'une série ayant pour héros Matthew Shardlake. Nulle nécessité cependant de lire les tomes précédents pour y comprendre goutte. Ils peuvent en effet se lire indépendamment les uns des autres puisque Sansom développe une enquête par tome. Seuls évoluent la psychologie des personnages et le contexte historique mais cela ne posera problème qu'à un lecteur sourcilleux et désireux de respecter à tout prix l’ordre chronologique..
Le meilleur 10 étoiles

La lecture des cinq premiers volumes peut paraître vertigineuse (quatre à cinq mille pages !), mais elle fait aimer le héros et son entourage, de plus en plus attachants au fil de chaque histoire, leur évolution étant directement liée à la Réforme religieuse imposée par Henri VIII et dont les avatars ne font que renforcer leur scepticisme et, en définitive, leur humanisme. Chacun de ces romans est passionnant en soi, remarquablement écrit et parfaitement traduit, mais c'est cette évolution des personnages principaux, d'une grande justesse psychologique, qui donne sa cohérence à une fresque qui, sinon, risquerait d'être aussi décousue que les mariages et les influences contradictoires qui ponctuent les dernières années du règne ...
Pourtant, s'il fallait n'en lire qu'un, il me semble que ce serait ce "Prophétie", le quatrième, construit sur une trame empruntée à un passage de l'Apocalypse et mené avec une habileté qui en fait un thriller historique particulièrement captivant. Je l'ai dévoré, appréhendant chaque nouveau meurtre annoncé par la prophétie, et spéculant en vain sur la clé de l'énigme, qui, bien sûr, ne paraît évidente qu'au terme du livre.
Un sixième volume est annoncé : "Lamentation". Sera-t-il de la même veine ou d'une moindre rigueur, comme le volume intermédiaire, "Corruption", quelque peu feuilletonesque ? J'ai hâte, en tout cas, de connaître les nouvelles épreuves auxquelles sera soumise l'amitié touchante qui lie l'avocat bossu, ancien réformateur désormais désabusé, et ses compères, l'un juif et ex homme de main de Cromwell, l'autre maure et moine-médecin projeté dans la vie laïque.

Pique-la-lune - Dijon - 76 ans - 2 février 2016


Les ravages des rivalités religieuses ! 9 étoiles

Le XXIème siècle n'a rien inventé. L'Angleterre du XVI avec l'opportunisme de Henry VIII est un superbe exemple d'une communauté sciemment scindée entre deux fanatismes. Cet ouvrage, outre une recherche effrénée et bien menée, du "méchant", nous ouvre une approche fabuleuse du paysage anglais de cette époque : enjeux politiques, violences religieuses et concussions, Institutions judiciaires souvent entachées de prévarications, monde politique dangereux...
Et puis, le "petit peuple" : bourgeois, médecins approximatifs, petits artisans et commerçants, soldats, domestiques, mendiants, fous, prostituées.... Tout un monde réel qui tente d'exister.
Le héros est un bossu, victime lui même du regard sans complaisance de son époque sur son handicap, donc plus ouvert sur la douleur de l'autre (il n'a pas choisi d'être aigri).
Les livres de C J Sansom, avec ce même personnage, sont chacun une approche passionnante d'un être souffrant de sa différence, lucide, volontaire malgré ses peurs et oh combien attachant !
Dans ce livre, on vit les dernières années de Henry VIII, obèse, podagre, aux jambes pleines d'abcès, qui, après avoir enterré 5 femmes, fonce sur la sixième, qui hésite : étonnant, non ?
Du grand art !

DE GOUGE - Nantes - 68 ans - 11 décembre 2013


Shardlake face à l'Apocalypse 10 étoiles

Comme à son habitude, C.J Sansom nous happe et nous transporte dans l'Angleterre du XVI ème siècle, et plus précisément dans sa capitale, Londres, où déambulent et survivent mendiants, marchands en tout genre, bourgeois ainsi que soldats et puissants ecclésiastiques.

L'ambiance est parfaite, entre brouillard, froid, humidité et soleil, même s'il est rare, annonciateur de jours meilleurs en ce début de printemps.

Les rivalités entre les communautés religieuses qui ne s'épargnent rien, les complots entre les dirigeants, le regard inquisiteur de l'Eglise, tout comme les décisions du terrible roi Henri VIII, connu pour son intransigeance et sa cruauté, ne laissent que peu de répit aux habitants de Londres. Ainsi qu'à nous-mêmes d'ailleurs, transportés que nous sommes dans cette obscure période où se mêlent deux histoires assez sordides.
Même si l'une d'entre-elle traite d'une série de meurtres perpétrée par un tueur quasi possédé, sujet maintes fois abordé, elle n'en reste pas moins extrêmement intéressante et formidablement bien menée.

Quant à Matthew Shardlake, le héros récurrent de l'auteur, avocat de son état et atteint d'une difformité physique dont certains le raillent outrageusement, il campe un personnage intelligent, minutieux, faisant preuve d'une grande empathie et surtout très attachant.

Quant au fait de lire les romans dans l'ordre, je pense qu'il est malgré tout préférable de le respecter, les personnages évoluant au gré des histoires et les références passées parsemant le récit.

Ayor - - 52 ans - 21 août 2012