Le sacré, cet obscur objet du désir ?
de Marie Balmary, Jalil Bennani, Collectif, Dany-Robert Dufour, Jean-Claude Guillebaud

critiqué par Dirlandaise, le 23 décembre 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Le sacré et la psychanalyse
Ce livre est un recueil de textes dits et débattus lors des Rencontres du Festival des musiques sacrées du monde tenu à Fès. Les auteurs sont pour la plupart psychanalystes, historiens et philosophes. Le thème central en est la place du sacré au sein de la psychanalyse. Certains des textes sont assez obscurs et difficiles d’accès alors que d’autres sont d’une belle limpidité et très enrichissants. Courts et plus longs, ils sont cependant tous assez intéressants et même parfois passionnants pour qui s’intéresse à la psychanalyse et surtout au génie que fut Sigmund Freud.

Voici mes deux textes préférés : celui de Georges Zimra, psychiatre et psychanalyste, intitulé « De l’illumination aux Lumières ». Il y est question bien sûr du siècle des Lumières et aussi principalement de l’œuvre de Spinoza et de Tsevi Sabbataï. Monsieur Zimra tente d’expliquer le phénomène du messianisme et je dois dire que ce texte m’a véritablement instruite autant que passionnée.

Le second texte qui m’a le plus intéressée est celui de monsieur Jean-Michel Hirt, psychanalyste et professeur de psychopathologie à l’université Paris-XIII, intitulé « La psychanalyse, entre athéisme freudien et écoute de l’événement intérieur du sujet ». Il est cependant assez ardu et n’est pas facilement accessible surtout à des gens qui n’ont jamais lu sur la psychanalyse et ne connaissent pas les termes associés à cette science. Ces gens auront bien du mal à démêler l’écheveau d’idées contenues dans ce texte mais l’effort est très gratifiant car il ouvre des portes sur la pensée musulmane et aussi sur le monde merveilleux du mysticisme et de sa littérature. Il y est question d’auteurs comme Joyce, Henry Corbin et maître Eckhart.

Autre texte intéressant : « Une voie royale pour l’exploration du sacré : la hilflosigkeit de Freud » par monsieur Dany-Robert Dufour, philosophe et professeur en sciences de l’éducation à l’université Paris-VIII. Pour résumer brièvement, il faut savoir que la hilflosigkeit est l’état de détresse, d’abandon, d’incapacité et d’impuissance dans lequel l’homme est plongé en venant au monde et en essayant d’y survivre. Le sacré constitue donc un remède à la néotonie, c’est-à-dire l’imperfection et l’inachèvement de l’être humain nouveau qui fait son entrée dans ce monde.

« Jung et la question du sacré » par Tsé Tardan-Masquelier, historienne des religions et enseignante à la Sorbonne, m’a paru assez fade et rempli d’évidences connues de tout un chacun. Rien de nouveau n’y est apporté.

Bref, ce sont de beaux textes enrichissants et qui font référence à des auteurs qu’il me tarde de découvrir. J’ai pris en note tous les livres cités donc beaucoup de plaisir de lecture en perspective sur un thème aussi vaste et intéressant qu’est la psychanalyse et le sacré.

« La force de la religion fut d’effacer la puissance de la raison pour sauvegarder l’empire de l’illusion. Pourquoi rechercher le progrès si la Providence est toute-puissante ? Pourquoi la volonté si la soumission est totale ? Pourquoi l’amour si la foi demeure ? La religion donc s’oppose à tout avancement, à tout progrès matériel, et pourtant c’est elle qui détient les ressorts secrets de l’âme humaine, c’est par elle qu’ils transitent et qu’ils manifestent la vérité de l’homme : son aliénation. » Georges Zimra

« En effet, l’infidélité du mystique procède de l’absence et des silences de Dieu, ainsi que des ambiguïtés de la transmission de sa Parole — du désir à l’œuvre en elle — dans les Livres qui en forment le recueil ; d’où aussi, tôt ou tard, l’irruption individuelle dans le champ de l’errance et de la nuit. Crier dans le désert ou désirer sans objet, c’est se situer au-delà de l’objet de la croyance, c’est faire appel à un nom autre que le nom de son père, mais celui de Dieu soit est indicible, soit ne désigne plus rien — le tombeau est vide —, soit ouvre sur l’absence. » Jean-Michel Hirt