Mémoires de Marc-Antoine Muret
de Gérard Oberlé

critiqué par Jefopera, le 6 janvier 2010
(Paris - 60 ans)


La note:  étoiles
Un portrait jubilatoire
"Longtemps, j'ai pensé que la volupté était l'assaisonnement qu'un dieu sage et généreux dispensait aux hommes pour améliorer une vie qui, sans elle, serait fade et ennuyeuse... Toute ma vie, j'ai chéri la liberté, les livres, la musique, la table, le vin et les beaux lurons. A cinquante-huit ans, mon lot de délices et de peines n'est que la récompense ou la rançon de mes convictions et de mes penchants".

Le ton est donné.

Personnage hors du commun que ce Marc-Antoine Muret (1526-1585), professeur érudit de latin et poète dans cette langue, ami de Ronsard et maître de Montaigne.

Un contemporain, sans doute jaloux, écrit de lui : "Pour un penchant contre nature, Muret fût condamné à Paris, brûlé en effigie à Toulouse, chassé de Venise. Pour le même penchant, Rome lui accorda la citoyenneté". La Cour Pontificale était à l'époque bien large d'esprit....

Encore mieux que Françoise Chandernagor avec Madame de Maintenon, Oberlé s'identifie avec un grand brio au personnage tout à fait historique dont il écrit les mémoires, "dans le style de l'époque", avec autant de virtuosité que d'érudition.

On y rit déjà beaucoup, plaisir que nous offre si rarement la production littéraire actuelle. On y rit surtout intelligemment, en s'instruisant, tant abondent traits d'esprit, aphorismes, mots rares et expressions oubliées. Quelques savoureux portraits sont inoubliables, notamment celui du poète Etienne Jodelle.

Avec une érudition revigorante et joyeuse, Oberlé épice en effet copieusement le récit mouvementé et truculent de la vie de Muret, ses aventures, ses rencontres et ses voyages, de Poitiers à Rome, en passant par Bordeaux, Paris et Venise. C'est d'ailleurs dans cette ville que se termine la narration, et là, on reste un peu sur sa faim... Monsieur Oberlé nous préparerait-il un second volume ?

On finit en tout cas par s'attacher à ce personnage paradoxal, aussi raffiné dans ses goûts littéraires que trivial dans ses appétits, humaniste de grande classe, si moderne et à bien des égards si proche de nous.
Riche et savoureux 8 étoiles

J'ai eu grand plaisir à la lecture de ce roman de Gérard Oberlé. Il est bien spécifié qu'il s'agit d'un roman et non de la biographie de Marc Antoine Muret, poète, professeur,prêtre du 16 ème siècle.
L'auteur est latiniste. Sa bibliographie l'atteste. Il serait également musicologue et gourmet! Que des qualités!
Son héros, professeur vagabondant et surtout esprit libre, rencontre Montaigne, Jodelle, Du Bellay, Ronsard. Il est amoureux des livres (comme tous les cliens) : je cite : "Livres, épis délicieux, gonflés de grains que les mains apostoliques seules doivent broyer pour être offerts en nourriture délicieuse aux âmes faméliques".
Il préfère "les beaux lurons" aux jolies femmes. L'Italie de la Renaissance sera donc son refuge.

C'est principalement la langue utilisée par l'auteur qui est riche de mots et proverbes anciens , comme par exemple :

"Les voluptueux à table tiennent souvent de la bête au lit" (jusqu'à un certain âge).
"Qui aura goûté chapon lundi, voudra jarret mardi et gigot mercredi".

----des mots , pour lesquels j'ai consulté le Littré , comme ;

affriandé : rendu friand, alléché
à la billebaude : terme familier pour confusion, désordre
mugueter : courtiser, rechercher, désirer obtenir
caquetoire : chaise basse à dos très élevé et sans bras. Nommée maintenant causeuse.
coqueluchon : fam. capuchon, coqueluchon de moine ou de fou du roi.

Gérard Oberlé est aussi farceur . Il insère des noms de viticulteurs actuels dans une liste de producteurs de vins français du 16ème!

Que du plaisir de qualité.

Donatien - vilvorde - 81 ans - 28 janvier 2010