Les scandales littéraires
de Claire Julliard

critiqué par Numanuma, le 6 janvier 2010
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
La vie quotidienne des "gendelettres"
Avant toute chose, bonne année 2010, pleines de lectures et de découvertes. Voila pour les civilités d’usage.
L’ouvrage qui m’intéresse en ce début janvier est un précis des scandales littéraires paru chez Librio sous la plume de Claire Julliard, journaliste et écrivain.
Autant le dire tout de suite, je suis resté un peu sur ma faim mais c’est le principe du livre à trois euros qui veut ça, difficile, en 70 pages, d’être exhaustif. Cependant, l’ouvrage est de bonne facture et permet à nous autres scribouillards du Net, petits critiques passionnés et sûrement, auteurs frustrés, de nous situer dans la vie littéraire : notre place est celle du lecteur attentif, du chroniqueur anonyme, du témoin amusé parfois devant les incidents qui secouent de temps à autre la vie littéraire.
Au premier chapitre, peut-être le plus savoureux, l’auteur rappelle que les éditeurs, malgré le flair dont tous se targuent, sont souvent pris en défaut face à des écrivains ou des journalistes qui s’amusent à leur envoyer des œuvres d’auteurs connus, parfois considérés comme des classiques, en changeant le titre et les personnages. Le procédé peut paraître grossier mais fait pourtant mouche la plupart du temps. Ainsi, Han d’Islande, de Victor Hugo fût-il refusé par vingt éditeurs !!
Parfois, c’est un futur chef d’œuvre qui n’est pas reconnu : André Gide, alors directeur chez Gallimard, désemparé par la longueur inhabituelle des phrases qu’il avait sous les yeux, refuse le texte de Proust. C’est Grasset qui éditera la Recherche du temps perdu !
On voit tout de suite ce qu’il y a de trompeur dans le titre de ce petit livre, le terme de « scandales », s’il attire l’œil du lecteur, est à prendre au sens large et il s’agit plus de mettre en avant le mode de fonctionnement du monde littéraire. Et si scandale il y a, c’est de passer sous silence les procès intentés aux œuvres littéraires : rien sur ce point précis alors que les parutions de Madame Bovary, des Fleurs du Mal ou les rééditions des œuvres de Sade ont donné lieu à des condamnations !!
Par contre, il est salutaire de mettre en avant les arrangements véritablement scandaleux, pour le coup, entre les maisons d’éditions pour l’attribution des prix littéraires ! Parler de « galligrasseuil » n’est peut-être plus autant d’actualité, reste que Céline a été proprement, si je puis dire, spolié de son prix Goncourt, tout comme Boris Vian !
A côté de ça, les facéties des auteurs ne sont finalement que des moyens de se faire connaître, de créer le « buzz » médiatique, pour utiliser un terme moderne. Après tout, que Sartre refuse le Goncourt ne nuit pas à sa carrière, au contraire… Alexandre Dumas a des nègres, la belle histoire : ses négociations avec eux ont fait beaucoup pour son succès et sa postérité.
L’idéal reste le « bon client », celui qui arrive avec une odeur un peu sulfureuse en plus d’un talent réel ou supposé. Dans ce cas, c’est plus ce parfum un peu douteux qui retient l’attention, plus en tout cas que les écrits, qui n’arrivent que dans un second temps. Le meilleur exemple actuel est Michel Houellebecq, écrivain sulfureux aux déclarations toujours millimétrées, parfois limites et dont les œuvres sont toujours sujet à polémique, cette dernière étant en fin ce compte, l’arme ultime de l’éditeur, fût-il incapable de reconnaître un manuscrit trafiqué d’un prix Renaudot arrivé dans sa livraison mensuelle…