Quand la science s'intéresse au mystique

Comme indiqué dans la préface, ce livre a pour origine un séminaire sur le Bouddhisme Zen et la Psychanalyse, tenu à Cuernavaca, au Mexique. Une cinquantaine de psychologues et de psychiatres provenant du Mexique et des Etats-Unis ont assisté à ce séminaire en compagnie du professeur Daitsetz Teitaro Suzuki, un auteur reconnu de livres et d’essais sur le bouddhisme et sur le Zen. Il peut paraître étonnant que des psychiatres pour la plupart psychanalystes puissent s’intéresser à un système religieux mystique tel que le Bouddhisme Zen. Mais, toujours d’après la préface, la semaine passée avec le professeur Suzuki s’est avérée très stimulante et vivifiante pour la plupart d’entre eux.

Le livre est divisé en trois parties écrites chacune par trois auteurs différents. La première est signée par le professeur Suzuki et s’intitule « Le Bouddhisme Zen ». Le professeur commence par expliquer les différences fondamentales entre la pensée orientale et occidentale. Ensuite, il traite de l’inconscient et du concept du moi dans le Bouddhisme Zen. Viennent ensuite les thèmes du « koan » et des cinq degrés (go-i). Un texte très instructif qui explique les bases du Zen, ses buts principaux et les méthodes employées pour y parvenir.

La deuxième partie signée Erich Fromm, un psychanalyste humaniste américain d’origine juive allemande, est intitulée « Psychanalyse et Bouddhisme Zen ». Erich Fromm traite du rôle de la psychanalyse dans la crise spirituelle contemporaine, des valeurs et buts de la psychanalyse, de la nature du bien-être et du conscient, du refoulement et du dé-refoulement, des principes du Bouddhisme Zen et de l’illumination. Un texte d’une force incroyable qui m’a absolument bouleversée tellement il plonge au cœur même de l’humain et de son mystère.

La troisième partie est un texte de Richard de Martino ayant pour thème la condition humaine et le Bouddhisme Zen. Monsieur de Martino explique en quoi consiste le Conscience-Ego, le Soi-Ego et le but du koan afin de parvenir à l’illumination. Son texte est très détaillé et expose avec clarté la transformation subie par l’être humain qui parvient avec l’aide d’un maître Zen, à atteindre le but ultime du Zen soit l’illumination. C’est si beau à lire, si exaltant ! Cela nous fait prendre conscience qu’il ne suffit pas de venir au monde pour être un humain dans toute sa plénitude, il faut le devenir et pour cela, réussir à briser son ego d’homme social pour atteindre l’homme universel qui se cache en chacun de nous et accomplir l’existence humaine parfaite « au-delà de la contradiction existentielle du conscience-ego primitif ». Bien peu d’êtres humains y parviennent car l’effort demandé est trop grand mais il semble qu'une fois le processus accompli, le bien-être et la lucidité obtenus n’ont pas de prix et révèlent à l’homme le but suprême de son existence.

Certains choisissent de parcourir le monde extérieur mais il n’y a rien de plus beau, de plus exaltant à mon avis que de parcourir notre monde intérieur bien plus vaste, plus riche et plus beau que tout ce qui peut exister à l’extérieur de nous-même. De plus, ce monde est infini, il offre tant de défis et de chemins à explorer que se priver de cette joie, c'est s’égarer dans des passions compensatoires telles que l’avidité de gloire et de richesses terrestres bien vaines et tout à fait évanescentes qui ne font que mettre un baume temporaire sur le mal de vivre si répandu chez l’être humain. Et lorsqu’on décide d’explorer son monde intérieur, on ne peut que rencontrer sur notre route les deux disciplines si proches que sont la psychanalyse et le bouddhisme Zen. Ce livre expose très bien les différences entre ces deux disciplines mais aussi leurs affinités et leurs similitudes tout à fait étonnantes.

Certains passages sont si justes et vont tellement droit au cœur qu’ils m’ont tiré des larmes tellement je m’y suis reconnue dans toutes mes faiblesses et mes contradictions. Difficile mais fascinante lecture !

« La psychanalyse est l’expression caractéristique de la crise spirituelle que traverse l’homme occidental ainsi qu’une tentative d’y apporter une solution. » D.T. Suzuki

« Selon Freud, l’homme n’est qu’un mécanisme mis en branle par la libido avec comme principe régulateur le maintient de la libido au minimum de l’excitation. Il concevait l’homme comme un être fondamentalement égoïste, lié à ses semblables par la nécessité partagée de satisfaire des désirs instinctuels. Pour Freud, le plaisir était le relâchement de la tension et non l’expérience de la joie. Ce n’était pas l’homme total, mais le soi-intellect des philosophes des Lumières. L’amour fraternel était une exigence déraisonnable, contraire à la réalité, l’expérience mystique, une régression vers le narcissisme infantile. » D.T. Suzuki

« Le but du Zen est l’illumination : l’appréhension immédiate, instantanée (irréfléchie) de la réalité, appréhension sans contamination affective, sans intellectualisation et le réalisation du rapport entre moi et l’univers. Cette expérience nouvelle n’est que la répétition de l’appréhension du monde, préintellectuelle et immédiate, de l’enfant mais à un niveau supérieur : celui du plein développement de la raison, de l’objectivité, de l’individualité de l’homme. » Erich Fromm

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  Bouddhisme zen et psychanalyse [Texte imprimé] D. T. Suzuki, Erich Fromm, Richard De Martino traduit [de l'anglais] par Théo Léger

  de Fromm, Erich De Martino, Richard Suzuki, Daisetsu Léger, Théo (Traducteur)
  PUF / Quadrige. Grands textes
  ISBN : 9782130575948 ; 12,00 € ; 13/05/2009 ; 192 p. ; Broché

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