L’essai d’Emmanuel Todd se lit avec intérêt et comporte cette qualité rare de stimuler la réflexion du lecteur. Pour ma part j’ai beaucoup aimé :
- le talent de pamphlétaire de Todd qui le place bien au-dessus du tout venant des commentateurs et autres intellectuels de service, comme en témoignent les pages délicieusement assassines de l’introduction consacrées à Sarkozy ;
- l’originalité de son analyse sur l’évolution de la société française qui, outre la profondeur historique, est riche des apports de plusieurs disciplines (anthropologie, démographie, économie, sociologie), rarement exploitées ensemble, et de la comparaison avec les autres sociétés, en particulier du monde anglo-saxon ;
- la volonté de l’auteur de respecter un minimum d’honnêteté intellectuelle, d’où l’emploi du conditionnel ( il serait absurde de conclure que…., il faudrait disposer d’études statistiques sur ce sujet ….) , même si cela peut aussi apparaître comme un moyen rhétorique.
Deux réserves tout de même qui tiennent aux limites de l’exercice :
-Todd s’en prend, à raison, aux déclinistes, à ceux qui confondent pause dans l’élévation du niveau et régression, mais deux de ses scénarios de sortie de crise (ethnicisation et fin du suffrage universel) ne sont pas à proprement parler d’un grand optimisme et s’apparentent à un déclin, pour ne pas dire plus, de notre modèle républicain ;
- le troisième scénario, le recours au protectionnisme au niveau européen, souffre quant à lui d’un défaut de réalisme : comment en effet convaincre l’Allemagne d’y avoir recours dans les domaines qui relèvent de la compétence de l’UE alors que sa croissance est quasi vertigineuse (3,6% en 2010 contre 1,5 % pour la France) et comment annoncer aux 151 partenaires de l’Union européenne et de la France à l’OMC la mise en place d’une politique protectionniste sans déclencher dans les minutes qui suivent une guerre commerciale ?
Montgomery - Auxerre - 53 ans - 7 mars 2011 |