Au bout du rouleau de Joseph Conrad

Au bout du rouleau de Joseph Conrad
( The end of the tether)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Voyages et aventures

Critiqué par BMR & MAM, le 21 janvier 2010 (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 534ème position).
Visites : 5 816 

C'est pas l'homme qui prend la mer ...

Joseph Conrad un polonais né en Ukraine qui vécu à Marseille et qui écrivait en anglais des histoires de mer. Un homme de voyage, citoyen du monde comme tous les marins, il en était un lui-même pour s'être engagé dans la marine marchande britannique.
Cet auteur mal connu aura vécu la charnière entre les deux siècles (il est mort en 1924) et il influencera les plus grands : Faulkner, Gide ou Malraux, pour ne citer qu'eux.

L'histoire d'un marin, bien sûr, un de ces grands capitaines de la marine marchande du XIX° siècle, souvent propriétaires de leurs propres navires, qui parcouraient les mers sur leurs grands clippers à la poursuite de la bonne fortune.
C'était avant que les vapeurs ne viennent bouleverser cette économie très particulière.

[...] On ne pouvait s'y tromper : un vapeur désarmé était chose morte ; un voilier semble en quelque sorte toujours prêt à reprendre vie au souffle des cieux incorruptibles ; mais un vapeur, pensait le capitaine Whalley, tous feux éteints, sans les chaudes bouffées qui de ses profondeurs montent à votre rencontre sur le pont, sans le sifflement de la vapeur, sans les bruits métalliques dans son sein, repose là, froid, immobile, sans pulsation, comme un cadavre.

Après la faillite d'une banque anglo-asiatique qui engloutira son capital, le capitaine Whalley se retrouve en mauvaise posture, incapable d'aider sa fille qui a besoin d'argent.
Le commandant réussit tout de même à racheter finalement un petit vapeur et se livre au cabotage le long des côtes, non loin de Singapour.
Malgré la malchance et l'adversité (difficile de vous en dire plus sans trop en dévoiler), il affronte la mer et son destin.
Profondément convaincu de la noblesse de son métier de marin et de sa grandeur d'homme, il fixe l'horizon, obstiné, obsédé par l'idée de transmettre à sa fille qui vit au loin, un peu du capital qu'il essaie de préserver en commandant son vapeur le long des côtes.
Une histoire nourrie de celle de Conrad lui-même, à cette même époque criblé de dettes, contraint d'arrêter la navigation ... et pressé par son éditeur d'écrire quelques nouvelles.
Un portrait d'homme (et de quelques autres qu'il croise sur sa route), d'une belle écriture classique, ample et riche, nourrie de détails, au parfum surrané de ce tout début de siècle.

[...] Il y avait eu un temps où les hommes comptaient.

Visiblement, Conrad était de ce temps là.

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Au bout du bout …

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 6 octobre 2017

Voyons ce que dit lui-même Joseph Conrad de cette nouvelle :

« « Au bout du rouleau » est un récit de la vie en mer d’un genre assez particulier, et voici ce que je puis en dire de plus intime : qu’ayant vécu cette vie pleinement, avec les hommes qui la vivent, avec les pensées et les sensations qui l’accompagnent, j’ai trouvé possible, sans la moindre appréhension, en toute sincérité de cœur et la conscience en paix, de concevoir l’existence de la personnalité du capitaine Whalley, et de relater de quelle manière il a fini. »

Le capitaine Whalley fut un marin novateur, ouvrant une nouvelle voie de navigation au large de l’Australie (qui porte d’ailleurs son nom), novateur et respecté. Quand commence la nouvelle il n’est plus tout jeune pour ne pas le dire autrement … En toute logique il devrait bénéficier d’une retraite méritée. Mais le capitaine Whalley, qui a accumulé certes des richesses, a tout perdu dans le krach de la banque où il avait placé ses économies. Et le capitaine Whalley a une fille chérie, qui n’a pas eu trop de chance dans la vie, qui s’est mariée en Australie et qui a accumulé les revers. Et notamment l’invalidité de son mari. Elle se retrouve à pourvoir aux besoins du ménage, a ouvert une pension de famille, difficilement, et pour ce faire a fait appel au capitaine, son père. Celui-ci s’est séparé de son dernier bateau pour envoyer l’argent à sa fille et a dû s’acoquiner avec un chef mécanicien qui s’est trouvé riche un moment et s’est acheté son propre bateau. Il a néanmoins besoin d’un capitaine pour le commander et c’est Whalley qui va jouer ce rôle dans une fin de carrière pitoyable.
Joseph Conrad manifestement sait de quoi il parle et on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a eu sinon un capitaine Whalley du moins un précurseur ayant livré la trame du récit.
Le tout se déroule du côté des côtes malaises. Le tout se déroule dans le confinement d’ego contradictoires sur quelques dizaines de m² de plancher de bois faisant du cabotage dans des conditions délicates … et le secret, bien gardé du capitaine Whalley, celui de l’envoi des ressources gagnées à sa fille. Le propriétaire du bateau, le chef mécanicien, lui est persuadé que le capitaine est riche – bien sûr, il ne dépense rien – et il compte bien le voir mettre la main au pot pour la rénovation du bateau qui s’impose de plus en plus …
Aventure marine, aventure humaine, on n’est jamais déçu avec Joseph Conrad !

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