Charleston Sud
de Pat Conroy

critiqué par Alud, le 31 janvier 2010
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Le "Sud", matière romanesque.
Pourquoi mépriser le livre dont la pile, en bonne place dans les librairies, fait un peu d’ombre à des romans plus confidentiels. Pourquoi demanderait-on, aussi, à un auteur d’écrire ce qu’il ne peut écrire ?
Pat Conroy dans ce nouveau roman revient encore sur ce qui est l’essence de son inspiration, le « Sud », le « Sud » et son identité particulière, le « Sud » et cette folie à fleur de peau, générée par les strates successives de l’Histoire collective et des histoires individuelles.
Nous sommes dans un univers connu depuis « Le prince des marées » et « Beach Music", une saga familiale et amicale constituée de membres réunis malgré leur diversité sociale et raciale par un sentiment profond d’appartenance à leur région commune, la Caroline du sud..
Un peu moins complexe et riche que dans « Beach Music » (le plus intéressant), l’histoire est, ici, menée par Leo King, chroniqueur au « News and courier » qui raconte son adolescence en 1969 et cette amitié qui réunira des orphelins, des afro-américains et des « héritiers » des grandes familles de Charleston. Amitié convoquée, vingt ans plus tard, pour partir à la recherche d’un des leurs, Trevor, malade du sida, disparu en Californie.
Difficile de résumer une trame dont le romanesque et la démesure signent tous les romans de Pat Conroy. D’ailleurs, dès les premières phrases, le lecteur éprouve cette familiarité et sait implicitement ce qu’il est venu lire.
Personnages extrêmement vivants, entre complexité et caricature, situations extraordinaires et évocation magique de cette ville de Charleston font qu’on se laisse prendre encore au charme de l’écriture de l'auteur, même si, quelquefois, on se demande si on effleure pas le ridicule.
Un roman qui évoquerait, pour moi, par certains côtés « La Mousson » de Bromfield.

Peut-on reprocher à un roman un excès de romanesque ? « That is the question » ?


« Je porte la délicate beauté de Charleston pareille à une porcelaine, comme je le ferais du coquillage fermé d’un mollusque à corps mou. Mon âme a la forme d’une péninsule sous l’ardeur du soleil, gonflée par ses cours d’eau. Les marées hautes de la ville inondent chaque jour ma conscience, soumise aux caprices et aux harmonies des pleines lunes qui s’élèvent au dessus de l’Atlantique. »
Un peu déçue après "Beach Music" 6 étoiles

J'avais adoré le roman "Beach Music" et c'est donc avec beaucoup de joie que j'ai commencé la lecture de "Charleston Sud".
En 1969, à Charleston, les idées sont encore très peu évoluées. Toutes les populations minoritaires sont plutôt mal vues. Leo King est un jeune homme de 17 ans, qui a eu des soucis avec la justice. Il va rencontrer lors de l'été plusieurs jeunes de son âge : des "fils à papa" renvoyés de leur lycée à cause de la drogue, des orphelins, un jeune homme noir, fils de l'entraîneur et des faux jumeaux, dont la fille est un peu "fille facile" et le garçon homosexuel. Bref, plusieurs minorités se retrouvent réunies autour de Léo. Ils lieront tous amitié, au grand dam de la mère de Léo, directrice du lycée, qui voit d'un très mauvais oeil les nouvelles fréquentations de son fils.
On retrouve ensuite le groupe d'amis en 1989, à la recherche du frère jumeau disparu, atteint du SIDA. D'autres petites histoires qui ont trait aux personnages ponctueront tout le roman.
J'ai beaucoup moins apprécié ce roman que "Beach Music". En effet, j'ai trouvé que cela faisait trop cliché, tout ces jeunes issus de milieux très différents, amis envers et contre tout. L'histoire en elle-même est assez fade. Malgré cela, on ne s'ennuie pas à la lecture, mais j'attendais plus de ce roman.

PA57 - - 41 ans - 15 avril 2013


mais où est passé notre prince des marées? 3 étoiles

Charleston Sud de Pat Conroy

Où est passé notre prince des marées ?

Alors là notre Pat Conroy s’est surpassé !
Dans une histoire mince, très mince qui dure près de 800 pages, il nous dresse les portraits de plusieurs jeunes gens et jeunes filles dans les années 60 -C’est la première partie d’exposition-.
Nous les retrouvons ensuite en 1989. Et nous apprenons qui a épousé qui. Le métier de chacun. Grosse déception car nous ne savons pas le cheminement de chacun.
Puis nous retournons dans la période entre les deux où nous assistons à quelques scènes où l’auteur n’hésite pas en faire beaucoup, mais vraiment beaucoup. Comme par exemple un gros abruti de blanc, limite Ku Klux Klan, qui deviendra ami d’un couple de « nègres » et d’une « tapette » et que l’on verra plus tard pleurer comme une jeune pucelle romantique.
Mais comme il faut faire durer le livre encore quelques 400 pages, on va faire disparaître le génial homosexuel atteint bien évidemment du sida. Alors ses amis d’enfance (tous pour un, un pour tous) vont partir à sa recherche et le ramener dans la charmante ville de Charleston.
Il y aura le père de la splendide actrice, violeur de ses propres enfants, la mère atteinte de folie qui mord au sang et attaque tout ce qui se présente au couteau, la mère du narrateur, ancienne nonne, directrice de lycée et rigide comme une porte de prison, le frère, Steve, beau comme un dieu, doué et aimable, le frère qu’on voudrait tous avoir, qui se suicide. Tiens, au fait, on ne saura pas pourquoi… et puis ces situations excessives qui se dénouent à l’inverse de toute probabilité.
Comme le dit Alud c’est la démesure et on frôle le ridicule.
Du coup moi qui suis une véritable midinette et adore les romans pétris de bons sentiments, moi, je ne marche plus. J’ai besoin d’un minimum de vraisemblance pour adhérer à une histoire.

Qu’est ce qui a obligé Pat Conroy à écrire ce roman où, je pense, il s’est autant ennuyé que moi ?
Où est passé notre Prince des Marées ?

Lurette - - 85 ans - 17 septembre 2012


"Ce dont je me rend compte, c'est qu'on peut sortir indemme de tout, sauf d'une blessure à l'âme." 10 étoiles

Alud résume très bien le livre. Moi, je suis subjugué par tous les livres de Pat Conroy, et celui là ne déroge pas à la règle. Quand on rentre dans ce livre, il faut s’attendre à partir très loin. On s’envole dans les ruelles de Charleston, en Caroline du Sud, on s’envole dans une découverte de la nature humaine fabuleuse.
Les personnages nous émeuvent à chacune des pages, Pat Conroy parle de la souffrance comme aucun autre auteur ne peut le faire. Chacun des personnages est fait d’une histoire, comme nous tous, mais Conroy va chercher dans leurs histoires l’essence même de leur existence, la base de leur personnalité.
Les personnages sont différents en tous points, mais quelque chose vient les rassembler, une force incroyable, sublime. L’amour, un véritable amour, et une passion pour la vie qui n’a pas de limite.
Et 20 ans après l’année de leurs 17 ans, ils se réunissent pour retrouver leur ami, Trevor, perdu au fond de San Francisco, rongé par le sida. On y découvre la maladie, l’abandon de ses personnes.
« Aucun de nous n’a jamais rencontré un courage aussi indomptable, une intelligence aussi formidable, et autant de passion pour la vie, que lorsque nos vies ont croisé celle de ces hommes rongés par la maladie. »
On y découvre la souffrance sous des formes que nous n’avons pas conscience, nous découvrons une passion pour Dieu chez certains personnages, une passion pour tout.

Je n’aurais de mots pour parler de Pat Conroy, c’est une leçon de vie, une leçon pour la vie. Pour ma vie.

Toinou - - 32 ans - 20 avril 2010