40 écrivains parlent de la mort
de Marcel Bisiaux, Collectif, Catherine Jajolet

critiqué par Dirlandaise, le 3 février 2010
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Cette mort qui emporte tout...
Catherine Jajolet et Marcel Bisiaux ont rencontré et interrogé quarante écrivains sur le thème de la mort. Ils ont demandé à ces écrivains de parler de leur expérience de la mort, de la place qu’occupe la mort dans leur œuvre, de l’endroit où ils aimeraient être enterrés, de leurs différentes croyances au sujet de l’au-delà, du suicide, de l’euthanasie et enfin, de ce qu’ils feraient s’il ne leur restait que quinze minutes à vivre.

En lisant ce livre, j’ai réalisé à quel point beaucoup d’écrivains me sont inconnus. Ils sont européens pour la plupart et certains sont très âgés alors que d’autres le sont moins. Je trouve l’idée excellente et j’ai découvert des hommes et des femmes vraiment intéressants, certains sympathiques, d’autres moins mais tous extrêmement concernés par le sujet. Sauf peut-être Georges Cheimonas, un écrivain d’origine grecque, neuro-psychiatre qui a une approche de la mort totalement nihiliste car il ne veut rien en savoir et ne l’accepte tout simplement pas. Il est un de mes préférés dans le lot mais avant tout, il y a Gabriel Matzneff que je me suis empressée de lire en priorité et dont les écrits m’ont, comme prévu, enchantée. On a demandé à chaque écrivain de choisir un tableau ou une photographie qui illustre bien la mort pour eux. Monsieur Matzneff a choisi « La mort de Sardanapal » d’Eugène Delacroix. L’écrivain français Francois Coupry a choisi un dessin de l’album d’Hergé « Les sept boules de cristal » où on peut voir la momie Rascar Capac sur le point d’être frappée par la boule de feu dans le musée. J’ai trouvé cela très amusant et original mais il faut dire que le père de monsieur Coupry est archéologue. Patrice Delbourg a choisi quant à lui une photo d’un match de foot au stade du Heysel en Belgique où il y aurait eu des morts et des blessés. Certaines photos sont terribles, je pense à celle choisie par Nadine Diamant montrant un corps en décomposition. D’ailleurs, cette crainte de la décomposition du corps est revenue souvent dans les témoignages. Plusieurs ont aussi avancé l’idée que l’écriture permet d’accéder à l’immortalité.

J’ai bien aimé les réponses à la question à savoir ce que chacun ferait pendant leurs dernières quinze minutes. Beaucoup ont exprimé le souhait de se réfugier dans les bras de leurs proches alors que d’autres ont choisi d’écrire un mot d’adieu. C’est aussi mon choix d’ailleurs.

Chaque écrivain a droit à quelques pages suivies d’une bibliographie de leur œuvre. Le livre date de 1990 alors il faut le replacer dans son contexte. Parmi les écrivains interrogés, on peut retrouver outre monsieur Matzneff bien sûr dont la photo est tout simplement magnifique, Jacques Chessex, Benoîte Groulx, Edmond Jabès, Robert Sabatier, Henri Thomas, Jorge Amado, Paul Guimard, Albert Memmi et Maurice Roche.

En fin d’ouvrage, on peut retrouver une petite sélection de volumes sur le thème de la mort. J’ai adoré ce livre malgré la gravité du propos. Un ouvrage très riche humainement et spirituellement qui m’a fait découvrir beaucoup de gens de lettres qui méritent sans nul doute d’être lus et étudiés.

« Écrire, C’est tenter de survivre. C’est fixer ce qui est fugitif, c’est apporter une réponse à la décomposition, c’est s’opposer à l’oubli, aux traces qui s’effacent. Donner un témoignage de ce qui est et de ce qui a été. Vaincre la mort. Quand des textes écrits voilà des siècles nous émeuvent, font battre nos cœurs, à nous, hommes et femmes d’aujourd’hui, cela signifie que leurs auteurs ne sont pas morts, qu’ils ont triomphé de la mort. La résurrection et l’immortalité par l’œuvre d’art sont d’un autre ordre que celles que nous promettent le Christ et l’Église. Malgré tout, c’est une victoire. »

« J’ai beaucoup écrit sur le suicide. J’y ai beaucoup réfléchi. Si un jour je suis un vieillard malade, atteint d’infirmités sans remède, sans doute me donnerai-je la mort. C’est parce que nous avons la possibilité de nous suicider que nous sommes libres. Sans le suicide, la vie serait une prison infernale. Le suicide, c’est la clef des champs. »

Encore une fois, c’est vous Monsieur Matzneff qui avez le dernier mot.