Dans la ville des veuves intrépides
de James Cañón

critiqué par Jipé, le 17 février 2010
( - 86 ans)


La note:  étoiles
Ode aux femmes
Voici un premier roman d’un jeune Colombien qui s’inscrit avec bonheur et talent parmi les grands auteurs hispano-américains.
L’histoire se déroule en Colombie dans les dernières années du 20è siècle, aux temps les plus troubles des guérillas, et mêle réalisme et imaginaire. Tous les hommes, à l’exclusion du curé et d’un ado travesti disparaissent du village pour rejoindre la guérilla sous la contrainte. S’installe alors un gouvernement de veuves qui assument toutes les fonctions qu’occupaient leurs hommes. Et quand ceux survivants voudront quelques années plus tard rejoindre leurs foyers, ils seront priés de s’installer en dehors du village, assez loin pour que les veuves puissent continuer à vivre librement, mais suffisamment près pour qu’ils reprennent les tâches du quotidien qu’elles ne veulent plus assumer.
Bien entendu, derrière l’humour et le baroque avec lesquels est narrée cette histoire, se cache toute l’histoire violente et dramatique de tous ces pays d’Amérique latine où les hommes, souvent les plus pauvres et, pire, leurs enfants, ont été de force enrôlés dans des violences sans issue et où leurs épouses, leurs mères ont du, et su, les remplacer.
Un très beau livre, très « Garcia Marquez » mais aussi très « rabelaisien ».

James Cañon est né à Bogotá et y a vécu jusqu’à la fin de ses études universitaires, puis s’est installé aux Etats-Unis. Il écrit en anglais.
Et si on changeait enfin ? Les femmes au pouvoir ! 9 étoiles

On est en Colombie, dans les années 1990. Entre l'armée colombienne régulière, les guerilleros marxistes et les para-militaire d'extrême-droite, la vie n'est pas simple dans le village perdu de Mariquita. Au point que tous les hommes sont amenés à le quitter un jour. Sauf le curé (qui finira par être nommé procréateur unique, enthousiaste mais stérile), les enfants de moins de dix ans et un homosexuel.
Restent donc les femmes qui s'organisent, maladroitement au début (en singeant la société patriarcale) puis, au fur et à mesure, avec une créativité grandissante qui bouleversera profondément les structures sociales au point de créer une sorte de paradis terrestre profondément féminin.
Un roman cosmogonique donc, plein d'imagination, assez baroque, avec des personnages très attachants et bourré d'événements surprenants.
Et, bien sûr, c'est un moyen d'interroger – et même d'interpeller – notre organisation sociale actuelle, autoritaire, hiérarchisée, violente et imbécile. C'est certain que les fiertés viriloïdes en prennent un sacré coup. Je recommande la chose à toutes les lectrices (qui y trouveront confirmation de leur supériorité manifeste...) et à tous les lecteurs (qui auront une chance de réfléchir...).

Bolcho - Bruxelles - 76 ans - 23 août 2013