Le silence de la pluie
de Luiz Alfredo Garcia-Roza

critiqué par BMR & MAM, le 22 février 2010
(Paris - 64 ans)


La note:  étoiles
L'homme de Rio
Nous voici aujourd'hui partis pour Rio, avec Le silence de la pluie du brésilien Luiz Alfredo Garcia-Roza.
Au début, on se croirait dans un polar américain, mais d'Amérique du Nord : argent, revolver, femme fatale, escroquerie à la prime d'assurance, ...
Et il faut plusieurs chapitres avant que la chaleur et la sensualité du sud viennent colorer les rues de Rio et les pages de ce bouquin.

[...] Dans les films américains, les policiers n'étaient pas aussi désemparés. Le médecin légiste dévoile pratiquement le crime à l'inspecteur, celui-ci n'a qu'à faire une poursuite spectaculaire dans les rues de New-York, San Francisco ou Los Angeles. Au cas où le légiste échouerait, il y a toujours la possibilité d'envoyer au FBI un cheveu trouvé sur le lieu du crime et le lendemain nous savons même de quelle équipe de football son propriétaire est supporter. Ici dans cet agréable tiers-monde, le rapport du légiste indiquait rarement si la victime était morte par balle ou par empoisonnement.

Le héros de Garcia-Roza est un flic plutôt sympa : il traîne un nom de philosophe (Espinosa), fréquente les bouquinistes chez qui il achète des Joseph Conrad (page 156), empile ses bouquins sans étagères pour que la femme de ménage puisse balayer son salon, ... et évite soigneusement de faire confiance à ses propres collègues.
Le montage de l'intrigue est bien vu : d'entrée de jeu le lecteur en sait plus que l'inspecteur lui-même pour qui tout parait trop simple dans cet assassinat que nous savons être un suicide.
Un inspecteur qui passe son temps à élucubrer des scénarios plus ou moins vraisemblables et à échafauder des hypothèses qu'il démonte aussitôt.

[...] J'étais en train de devenir confus. C'est incroyable la capacité que j'ai à m'égarer.

Pour un peu on aimerait bien qu'Espinosa continue à tourner en rond dans les rues de sa ville et les méandres de son enquête, histoire de prolonger le plaisir de la balade.

[...] Le délai que le commissaire principal m'avait donné pour me charger de l'affaire et présenter un rapport pour le moins éclairant était sur le point d'expirer et, malgré le fait que la situation originelle avait été augmentée d'une mort supplémentaire et d'une disparition et que l'arme du crime avait été retrouvée, je ne considérais pas que j'avais fait un progrès significatif dans l'élucidation de la mort de Ricardo Carvalho.

Un polar original et bien mené, une promenade pas toujours paisible mais toujours agréable dans les rues et les bars de Rio, ... que demander de plus ?
On a même droit en prime à un dénouement très (comment dire sans trop en dévoiler ?) très plaisant où l'assassin reçoit un châtiment qu'il ne méritait pas (ce doit être ça qu'on appelle un happy end dans le sud).

Last call : le commandant Garcia-Roza prie les lecteurs du vol Actes-Sud 288 pour Rio de bien vouloir embarquer sans tarder, décollage imminent !
rose, avec épines... 10 étoiles

Dès la première page, le lecteur sait comment s'est déroulée la mort de Ricardo Vasconcelos: il s'est suicidé avec son revolver dans un parking de Rio de Janeiro. On l'a retrouvé mort à son volant, mais l'arme a disparu, ainsi que son attaché-case et son portefeuille. Un peu plus tard le lecteur sera tenu au courant de ce qui s'est passé par la suite. En fait, on sait tout de suite que tout tourne autour de Rose, la secrétaire de Ricardo, et accessoirement sa maîtresse, qui va sérieusement brouiller les pistes. Curieusement, l'inspecteur Espinosa, chargé de l'enquête, qui n'a malheureusement pas lu un traitre mot du roman de Luiz Alfredo Garcia-Roza, va imaginer des pistes toutes plus tordues les unes que les autres, sans imaginer une seule seconde que son client a pu se donner la mort lui-même: l'arme a disparu, l'argent aussi, alors... Heureusement il va se rattraper par la suite, car il n'est pas si bête que ça, et en tout cas il est sacrément entêté. La construction de ce polar brésilien est assez originale, puisque l'on sait tout avant le principal intéressé, l'enquêteur: l'intérêt réside donc dans la façon dont il va s'empêtrer dans un réseau de fausses pistes, pour finalement s'en sortir avec des méthodes bien à lui, qui reposent en grande partie sur le hasard et la chasse aux faux-semblants. On est à Rio, bien loin des déductions tranquilles d'un Hercule Poirot ou d'un Maigret, mais ça fonctionne à merveille...

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 3 décembre 2011