Mémoire d'éléphant
de António Lobo Antunes

critiqué par Tistou, le 13 avril 2010
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Une journée dans la vie d’un psychiatre.
L’homme est plutôt perdu, à la dérive même. Il est psychiatre dans un hôpital psychiatrique, il vit séparé de sa femme tout en ayant conscience de toujours l’aimer. Il a connu l’état de guerre en Angola et ne parvient pas à oublier. Notre homme est très compliqué !

« … , et le remords de s’être esquivé un soir, la valise à la main, en descendant l’escalier de la maison où il avait habité durant si longtemps, prenant conscience, marche après marche, qu’il abandonnait beaucoup plus qu’une femme, deux enfants et un réseau compliqué de sentiments tempétueux mais agréables, patiemment mis de côté.
…/…
Les yeux désolés de sa femme le poursuivaient jusqu’au bas de l’escalier ; ils s’éloignaient l’un de l’autre comme ils s’étaient rapprochés, treize ans auparavant, au cours de l’un de ces mois d’août balnéaires faits d’aspirations confuses et de baisers inquiets, dans la même ardeur tourbillonnante d’un reflux de marée. »
On peut parler de voyage, sinon au bout de l’enfer, au moins en enfer, au cours de cette journée où l’état de confusion semble être la seule boussole de notre homme. Une journée probablement pas tout à fait ordinaire ? Une journée comme vous n’en souhaitez pas à coup sûr.
Il y a probablement du ressenti autobiographique dans tout cela vu la formation et l’ex-métier de psychiatre d’Antonio Lobo Antunes ainsi que sa participation à la guerre d’Angola.
Ca reste largement foutraque et pour tout dire j’ai eu du mal à m’accrocher en tant que lecteur. Ce n’est pourtant pas une coquille vide dont tout le sel aurait été extrait. Non, plutôt une coquille que je ne saurais ouvrir ! Et peut-être pleine de sel ? Le style aussi doit être pour quelque chose dans cet espèce de rejet dont je me sens faire preuve ; moins bizarre pourtant que dans « Dormir accompagné », moins bizarre mais pas davantage entrainant à mes yeux. C’est cela, Antonio Lobo Antunes ne parvient pas à m’entrainer avec lui !
un premier roman 10 étoiles

Ce premier roman est peut-être un fragment d'autobiographie (Lobo Antunes est lui-même médecin psychiatre et a connu une séparation douloureuse). Mais qu'importe. Il nous raconte des aspects de notre histoire d'humains. De nos désespérances où ni le savoir, ni les amis, ni les thérapies, ni les lieux aimés n'ont de pouvoir hormis le temps du deuil.
Il y a des accents céliniens dans ce langage souvent "médicalisé". Le docteur Destouches n'est pas loin dans le délabrement de l'hôpital psychiatrique, la souffrance et la misère des patients, dans les images sordides, ironiques, proches du mauvais goût. Ce livre sombre s'éclaire constamment de clichés et de phrases cocasses tels les éclats d'un phare sur la nuit d'une mer tempêtueuse. Cela rend la lecture aisée, parfois drôle dans cette histoire de naufrage qui se termine par une note d'espoir et de lumière.
Antonio Lobo Antunes est aujourd'hui un acteur majeur dans la littérature portugaise. Qui en aurait douté déjà dans ce premier roman.

Lectio - - 75 ans - 16 juin 2011