Requiem pour Yves Saint-Laurent de Laurence Benaïm

Requiem pour Yves Saint-Laurent de Laurence Benaïm

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Livrespourvous, le 6 mai 2010 (Inscrit le 6 mai 2010, 57 ans)
La note : 5 étoiles
Moyenne des notes : 6 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (50 853ème position).
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Requiem pour Yves Saint-Laurent

Un livre étrange, une confession sûrement, un constat surtout. Comme si la mort de Saint Laurent avait balayé ce qui fut la couture et l’idée même du chic.

Ce Requiem est à lire séance tenante car Laurence Benaïm décrit parfaitement ce monde de l’apparence.

Comme dans tous les mondes professionnels où il faut en être, il faut toucher les étoiles et tenter son barnum.
C’est finalement très méchant, tout est balayé vite, trop vite, happé par le renouvellement permanent de l’image.
C’est cynique parce que l’édifice, sorte de tour de Babel, ne repose sur rien.

Il y a l’ombre des amis de Saint Laurent, celle massive et destructrice de Pierre Bergé, qui n’a toujours pas compris que son vrai rôle dans la vie était celui de mentor et qui à présent tente de rallumer les feux de la rampe, en jouant la Veuve Joyeuse.

Ce monde de la mode est pathétique, on ressort de la lecture de ce Requiem, tétanisé par tout ce vide.

Et il reste l’œuvre d’Yves Saint Laurent qu’on espère, à la suite de Laurence Benaïm, impérissable.
Hélas, la postérité est taquine, rarement injuste.

En plus de ce Requiem, je vous recommande la très bonne biographie d’Yves Saint Laurent de Laurence Benaïm (Grasset). Vous découvrirez l’homme, le couturier et l’égnimatique.

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Mystique des parisiennes

7 étoiles

Critique de AmauryWatremez (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans) - 4 novembre 2011

« Sur le visages des hommes et des femmes, je vois Dieu. Si tu veux me revoir, cherche moi sous tes pas »

Walt Whitman

Une manière d'épitaphe pour Yves Saint Laurent prononcée par Catherine Deneuve à l'enterrement du couturier (pas de tiret entre le Saint et Laurent ainsi qu'il le rappelait souvent comme nous l'apprend Laurence Benaïm).

Au départ, la lecture de cet ouvrage peut agacer, par la description d'un milieu ultra-codé, très fermé et hyper-élitiste. On se sent exclu très vite. C'est aussi un milieu tombé en décadence, qui a perdu de sa splendeur et de sa grandeur passée. On songe à la scène de bal dans « le Bal des Vampires », des vieux beaux beaucoup plus disgracieux qu'au temps de leur splendeur, des belles de jour et de nuit ayant perdu toute idée réelle du chic, des dames pipi en vison, des fripées en mini-jupe en cuir, le festival de la ride et du repli caché, du double menton camouflé sous plusieurs couches de fond de teint. Ou l'excellente comédie noire des années 90, avec Meryl Streep, qui campera plus tard Anna Wintour, « La mort vous va si bien ». Pourquoi vouloir l'éternité du corps et du louque alors que comme dirait l'autre (Woody Allen) « l'Éternité c'est long, surtout vers la fin ».

Soyons clairs, certains me trouveront cruel, je le suis peut-être, mais la mode est un monde cruel. Et elle ne pardonne pas les faux-semblants et les trucages.

Le chic, l'élégance n'ont rien à voir avec le physique ni même l'âge, mais la faculté de porter telle ou telle chose et que cela aille sans que l'on se pose de questions. Il est des femmes qui seraient chic en sac à patates, dont le port et le maintien sont merveilleux en jean. C'est une question d'âme le chic, de belle âme, de passion et de coeur, pour les autres, il vaut mieux avoir fait de la danse classique plus jeune : on n'en dira jamais assez les bienfaits quant à la beauté des gestes féminins. Loulou de la Falaise est de ces femmes, muse du couturier, qui a ce chic ; ou Marie-France, en trichant un peu, qui partage beaucoup de choses dans son histoire avec Saint Laurent.

Le consumérisme y a comme partout tout envahi, y compris l'amour, les dames des défilés font une grande consommation de toy boys ou girls tant qu'elles en ont les moyens.

Le personnage était infiniment parisien, ce qui peut paraître étrange car il est né à Oran, en l'occurrence sur la frontière entre l'Europe et le Maghreb, l'Orient et le Ponant, le féminin et le masculin ; un petit garçon émotif et hyper-créatif, blessé par sa mère. D'elle il dira, « Parler d'elle c'est comme extraire de mon coeur une substance qui me fait mal », dans un entretien avec l'auteur de ce livre. Il a été grouillot chez Dior où il s'est vite fait remarquer par le patron descendu de son Olympe, Lagerfeld également a été de ces grouillots des maisons de couture et Jean-Paul Gauthier aussi. Non loin de là un autre futur grand couturier débutait lui aussi l'ascension de la montagne divine, à moins que ce ne soit un miroir aux alouettes. Les parisiennes ont leur Dieu, le style, leur déesse, la mode, et plusieurs prophètes dont Saint Laurent.

Les parisiennes ont leurs temples tout près de chez elle ce qui leur permet de pratiquer leur religion en toute sérénité, le shopping. Les parisiennes sont souvent des filles pressées, en mini-jupe pastel, en pantalon « Vichy », les cheveux dénoués, courts ou en catogan, elles courent dans toute la ville, ne s'arrêtant que pour un « Vittel menthe » à la terrasse d'un café de Montparnasse ou de la rue de Rivoli, fumant comme des militaires en permission sans pour autant sentir le tabac. Elles voudraient nous persuader également qu'elles n'utilisent jamais les lieux d'aisance, une princesse n'en ressentant jamais l'utilité réelle.

Il est charmant d'accompagner une parisienne dans cette occupation qui leur prend pourtant beaucoup de temps à toutes, de trois à quatre heures. Elles vous en seront gré car cela leur permet de dévaliser un peu plus les rayons des magasins, grands ou petits et de croire que le petit « 36 » qu'elles ont mis en haut de la pile leur va très bien. C'est comme un bain de féminité pour le porteur presque perdu dans les parfums qui se croisent, les gestes légers des jolies femmes au-dessus des étoffes, la douceur de celles-ci et leurs couleurs.

On retrouve cette sensualité diffuse, extrêmement féminine dans les marchés d'Orient, et parfois les mêmes senteurs, ce n'est pas une coïncidence, Yves Saint Laurent s'en souviendra plus tard en créant ses parfums : « Opium » et « Eau de Majorelle ». Cette ambiance, c'est ce qui permet de pardonner toute cette attente pour des chiffons, somme toute. Et les parisiennes sont souvent infiniment attirantes ce qui fait qu'on leur passe leurs caprices. Ce sont des petites filles qui font la moue, voire la lippe, quand elles n'obtiennent pas ce qu'elles veulent, des petites filles en jupe droite, petit pull léger avec un foulard imprimé à peine coloré et des escarpins qu'elles aimeraient toujours de chez Louboutin qui leurs donnent la cambrure que l'on apprécie quand on les prend par la taille, certes. Ils sont nombreux à avoir dessiné petit à petit son image, Givenchy, Chanel, Dior, et Saint Laurent.

« Je suis tombé amoureux de Paris » a de toutes façons dit l'ancien gamin d'Oran ce jour de janvier 2010 où il reçoit les insignes de chevalier des Arts et Lettres.

Cela lui permettait d'aimer toutes les parisiennes en même temps. Certains se sont choqués qu'il puisse être décoré pour son oeuvre, du fait de la futilité de la mode, de sa volatilité. Souvent, c'est ce que l'on reproche aux français à l'étranger, et de plus en plus chez eux, d'être futiles, d'accorder beaucoup trop d'importance à ce qu'ils mangent ou ce qu'ils boivent et aux vêtements des femmes, de faire des enjeux existentiels de ce qu'écrivent les écrivains, ce que filment les réalisateurs, quand d'autres voudraient que ces activités ne soient rien d'autres que bêtement fonctionnelles, performantes et hygiéniques. Et même Pierre Bergé se laisse aller à la polémique nauséeuse.

Avec Saint Laurent, c'est tout un monde qui disparaît, remplacé par une Cosmopolis sans âme, ni beauté, où les jolies filles ne sourient jamais et ressemblent dans les pages des magasines à des adolescentes névrosées à peine pubères, tandis que les femmes du couturier sont de vraies femmes.

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