Aurélien, Clara, Mademoiselle et le lieutenant anglais
de Anne Hébert

critiqué par Saumar, le 11 juin 2010
(Montréal - 91 ans)


La note:  étoiles
La fin de l'innocence
C’est un récit bref, cruel, bouleversant, ça se passe au fin fond du Québec, au bord de la rivière Sainte Clotilde à Valcour. D’une écriture sublime, l’auteure donne une large place aux éléments de la nature. La structure érigée d’une manière délibérée raconte magnifiquement la mort de l’enfance d’une adolescente.

Chacun des quatre personnages a son rôle à jouer dans le drame. Aurélien, le père, dénué du nécessaire et de force morale perd la foi en enterrant sa femme morte en couches (1). Il soigne sa petite Clara comme il soigne ses champs (12). Que ce soit pour labourer ou faucher, il emmène la petite avec lui, l’étend à l’ombre des arbres. Tout se fait en silence (13) avec une ténacité sans faille et sans joie. À dix ans, sa fille Clara ne sait ni lire ni écrire. Elle s’exprime comme un enfant de trois ans. Avant toute parole, elle apprend, par imitation, la musicalité des chants d’oiseaux et des cris des animaux. Mademoiselle visite Aurélien à quelques reprises pour l’inciter à envoyer sa fille à l’école.

l’institutrice, Blandine Cramail, sait qu’elle doit mourir et livre son secret et tout ce qu’elle sait à Clara, le plus vite possible, avant de partir pour toujours : la logique, la poétique, lire et écrire se substitue à la morale. Mais rien qui peut aider Clara à établir des règles de conduite. Elle lui donne tout ce qu’elle possède en héritage (25). Même la flûte. Âgée de 19 ans, Blandine est emportée par la consomption. Pendant que les cloches sonnent le glas, Clara joue sur la flûte une musique si pure qu’Aurélien pleure (29).

Cette histoire, riche en métaphores et en émotion, m’a bouleversée. Clara, orpheline de mère, enfermée dans le mutisme de son père et les voix du petit village, s’ennuie. Comme passe-temps, par la fenêtre de sa chambre, elle surveille l’autre côté de la rivière. Puis, un jour, un drame, que je vous laisse découvrir, survient. C’est un tout petit récit prenant, qui se lit d’un trait. J’ai beaucoup apprécié le style soutenu de l’auteure, ainsi que l'intensité des personnages si bien campés.