Un Jour Sans
de Rémy Benjamin (Scénario), Pero (Dessin)

critiqué par Shelton, le 13 juin 2010
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Qui accepterait d'accompagner Roland ?
Tout commence en mars 1147 ! Enfin, peut-être, car c’était peut-être en 1148 ou quelque chose de ce genre là. D’ailleurs, la date est-elle importante ? Non, il s’agit de parler du destin de Rolland et le pauvre homme n’est pas à une année près… D’ailleurs, s’agit-il bien du destin de Rolland ? Il pourrait être question de Jacques, Baudouin ou Louis… ou de vous-même, pourquoi pas ?

Oui, Rémy Benjamin et Pero, nous entrainent dans une histoire atypique et d’une grande qualité. Au départ, le lecteur peut être déstabilisé par une écriture rude, brute, parfois agressive… Mais comment voulez-vous que celui qui part pour les croisades ait le temps et l’envie de s’exprimer en alexandrins ou en phrases ciselées aux petits ciseaux dorés. Il taille à l’épée et au pieux et au lecteur de s‘adapter et de chevaucher des journées entières pour aller délivrer Jérusalem !

On a bien compris que tout ne serait pas facile pour Rolland. Ce petit noble, doté d’un caractère de chien sauvage et rugueux, à la vue étroite, va apprendre, jour après jour, les réalités de la vie sans jamais les intégrer dans son comportement. Un pauvre type, un beauf, un gros con… Oui, ce sont bien les mots qui nous viennent à la tête, à la bouche, pour le décrire. Qu’il viole, qu’il tue, qu’il méprise, qu’il oublie, il n’a rien de l’humanité dont il se revendique parfois… Mais, serait-on tenté de dire, pouvait-on partir aux croisades avec douceur, humanité et gentillesse ? La question restera en suspens même si les auteurs nous présentent quelques croisés d’une autre trempe.

J’ai beaucoup apprécié la narration graphique utilisée dans ce récit. Au départ, parce que le lecteur ne peut que la comparer à d’autres, on la trouve trop statique, trop simple. Puis, parce que les auteurs réussissent à nous entrainer avec eux sur le chemin des croisades, on la trouve épique et efficace. Oui, nous ne sommes pas dans une bédé classique d’aventure ou d’humour, nous sommes dans l’épopée, dans le chant moyenâgeux, dans le destin humain qui s’étale devant nous dans toute sa grandeur, sa médiocrité aussi et son absurde, certainement.

Du coup, texte et dessin concourent à nous immerger dans un univers que nous ne connaissons pas du tous et qui, pourtant, par cette humanité ou déshumanité, nous rappelle une réalité que nous côtoyons bien souvent. D’ailleurs, plus je réfléchis, plus je me dis que je connais ce Roland. Oui, il est pleutre, faible, égoïste, menteur, intéressé et vaniteux comme…

L’objet de cette bande dessinée est aussi à mettre en valeur car les éditions Ankama nous proposent un album avec couverture cartonnée de belle tenue, dans un format plus petit que l’habituel, que l’on tient en main et que l’on a envie de garder dans sa bibliothèque… d’ailleurs, quand vous le terminerez, vous verrez, vous avez naturellement envie de reprendre la lecture une seconde fois… Mais je ne vous en dis pas plus…

Cette lecture fut pour moi une excellente découverte et un moment très agréable qui se sont prolongés par la rencontre avec les auteurs lors de l’escapade en bulles de Rully. Je garderai de tout cela un souvenir fort qui j’espère sera aussi partagé avec vous dès que vous aurez ouvert Un jour sans et que vous serez partis pour Jérusalem où nous retrouverons tous un de ces jours…