Lire Délire : Psychanalyse de la lecture
de Anne-Marie Picard

critiqué par Hibou, le 15 juin 2010
( - 49 ans)


La note:  étoiles
De-lire : ou la magie de la lecture
Quelles sont les processus à l’œuvre dans la lecture et par extension dans l’écriture ? Par quel phénomène le lecteur tire un gain de plaisir et accède alors à une autre dimension ? De quelles pulsions ces activités sont-elles la sublimation ? Anne Marie Picard enseignante en psychanalyse et littérature tente d’y apporter des éclairages nouveaux à l’appui de textes littéraires parfois célèbres. Il y est question d’imaginaire, de signifiant, de signifié, de langage et d’accès au symbolique. A la lumière des enfants non lecteurs, symptôme de la lecture, elle jette une lumière crue sur son phénomène. Il y a sans cesse confrontation entre la langue maternelle qui a la particularité d’être consubstantielle à la chose et qui de ce fait n’est pas encore parole et le langage de l’autre qui de signifiant en signifiant ne parviendra jamais à représenter le sujet puisqu’il s’annonce toujours comme apparaissant et disparaissant entre deux clignotements. De ce jeu, cet écart de soi à soi naitra la littérature et l’écriture. Semblable à la fidélité dogmatique du jeune enfant qui refuse de mettre en doute que les enfants viennent des cigognes pour ne pas déchoir leurs dieux, le lecteur finit pas abandonner cette possibilité et se demander s’il n’y a pas autre chose…C’est cette expérience que refait sans cesse le lecteur. Il y a dans la lecture un abandon aux mots de l’autre suivi d’un ressaisissement parfois fécond quand sous les mots de l’autre ce sont nos propres fantasmes et émotions que nous retrouvons. Freud en a fait l’idée maitresse de la création comme sublimation. Le créateur fait partager ses propres fantasmes en les déguisant ce qui permet à chacun d’avoir accès aux siens sans honte. L’écrivain est lui soumis dans un corps à corps avec l’objet avec lequel il aura à réaliser son incomplétude pour exister et faire trace.
Cet essai est fort intéressant. Il met en exergue ce fameux dé-lire de lire. Dans le délire il y a ce fantasme des écrivains qui convoquerait sous le mot la chose et retrouverait ainsi le paradis perdu. On en apprend un peu plus sur l’origine de la littérature, sa fonction, son mode d’être. Cependant ce livre est ardu à certains endroits pour un profane qui n’a jamais lu Barthes ou Lacan. . Il y est question de référence à certains enseignements de celui-ci et on se perd parfois dans l’analyse d’œuvres littéraire où un langage ésotérique et des néologismes sont mêmes employés pour exprimer la pensée de la philosophe au plus près. Il y est fait parfois usage d’une langue quelque peu obscure, qui aurait précisément pour finalité de s’adresser à une certaine catégorie de lecteurs et précisément pas les non lecteurs ! C’est dommage car j’aurais voulu pour mon compte un livre qui s’adresse un peu moins à des spécialistes. Il n'en demeure pas moins qu’il apporte un éclairage nouveau car si il a été écrit beaucoup de choses sur l’œuvre littéraire et la sublimation en revanche il manquait cette étude qui se situe au cœur de ce lieu où s’origine la rencontre de l’écrivain et du lecteur avec les mots.
Pourquoi 15% d'enfants sont-ils des non-lecteurs ? 6 étoiles

En commençant par nous présenter la métaphorisation alimentaire de la lecture (dévorer un livre...), l'auteure nous explique les enjeux inconscients de l'apprentissage de la lecture. Elle aborde l'illettrisme, les pathologies de la lecture comme un symptôme, un trouble de la sublimation.

Puis, à partir du livre « Autobiographie » de Jean-Paul Sartre, qui nous explique comment et pourquoi il est devenu lecteur puis écrivain, nous allons comprendre qu'il y a deux façons de lire: celle du grand-père (respect, précision, savoir) et celle de la mère (ludique, complice, qui transporte dans un autre univers).
Apprendre à lire, c'est renoncer à l'exclusivité du langage mère-enfant.

L'auteure aborde ensuite l'acte d'écriture. C'est à travers des extraits des oeuvres de Marie Redonnet, d'Anne Hébert, d'Hélène Cixous, et des citations de grands psychanalystes comme Freud ou Lacan que Anne-Marie Picard explique ce qui se joue dans l'écriture pour « dé-lire la nécessité de séparation ».

Un livre un peu difficile pour une néophyte comme moi, mais très instructif pour tous les parents et les enseignants d'enfants de 6 à 7 ans.

Marvic - Normandie - 66 ans - 28 août 2010