A la recherche du temps perdu, tome 5 : La Prisonnière
de Marcel Proust

critiqué par Ngc111, le 25 juin 2010
( - 38 ans)


La note:  étoiles
Axé sur la jalousie
Avant toute chose je tiens à préciser que l'édition mise en avant pour cette critique regroupe l'ensemble des tomes d' "A la recherche du temps perdu". Ce cinquième tome nommé "La Prisonnière" n'est donc pas constitué de 2408 pages mais plutôt de 306 pages.

Pour en revenir au livre lui-même il s'agit d'un tome axé principalement sur la jalousie. Le narrateur fait venir Albertine à Paris et tente à tout prix de lui éviter toute tentation qui pourrait entraîner la perte pour le narrateur de sa dulcinée. Quelles tentations ?
Le jeune homme pense qu'Albertine est une Gomorrhéenne, qu'elle aime les femmes. Il suppute alors des relations avec la sadique Mlle Vinteuil, avec son amie Andrée ; il surveille du coin de l'œil les regards d'Albertine envers la gente féminine ; il interroge cocher et personnes ayant aperçu la jeune fille.

C'est de là que vient le titre de ce volume, la prisonnière, comme le confesse le narrateur, finalement tortionnaire de sa propre personne autant que de sa jeune amie. Mais cette prisonnière est déroutante, elle aime, elle pardonne. Elle est surtout docile, peu contrariante et ne cesse de répéter son bonheur de vivre à Paris avec lui. Bien sûr tout n'est pas rose et certaines colères, certains mensonges plus ou moins avérés ne cessent de semer le doute et la confusion dans l'esprit du narrateur.
Alors il alterne périodes de besoin (on désire ce que l'on risque de perdre) et volonté d'abandon (il est plusieurs fois sur le fil... la quitter ou non ?). Mais il l'aime malgré tout, la regarde dormir avec passion et tendresse, regrette les plaisirs charnels lorsqu'elle boude.

Hormis cela on a droit à de biens beaux moments de littérature sur la musique, sur les rêves, sur les marchands écumant les rues tôt le matin, sur les salons, sur d'autres écrivains (Stendhal, Dostoïevski, Tolstoï...). On retrouve toujours une succession de mots qui ne s'enchaînent jamais aussi bien que sous la plume de Marcel Proust. Bien entendu cela reste toujours aussi exigeant, cela requiert du temps et de la concentration mais le plaisir est toujours au rendez-vous.

Personnellement je ne placerai pas ce tome comme l'un des meilleurs mais l'écart est mince entre de tels récits. D'ailleurs cette édition les regroupe tous les sept car il faut avouer qu'ils ne sont guère dissociables !
Albertine ou la jalousie 8 étoiles

Cet opus présente en effet l'arrivée d'Albertine à Paris, de la description de son rapport avec Marcel, le narrateur, qui craint qu'elle succombe aux tentations de séduction. L'auteur reprend avec finesse son goût pour l'analyse psychologique et les descriptions, comme le thème de la jalousie, Swann ayant mal vécu les va-et-vient amoureux d'Odette de Crécy. Il en ressort un état d'esprit général sur la sociologie parisienne, sur une conception de l'amour, sur le fonctionnement général de cet écrivain, même s'il simule ses préférences, d'où l'intérêt d'une lecture croisée avec l'opus précédent de la Recherche.
Les personnages récurrents reviennent, tout comme les intrigues qu'ils génèrent, le poids des souvenirs, l'importance de la musique conservant leur importance. J'aime toujours autant.

Veneziano - Paris - 47 ans - 5 septembre 2019