Souvenirs de la cour d'assises
de André Gide

critiqué par Veneziano, le 25 juin 2010
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Juger et ses doutes
Contrairement à mes craintes tenant à l'auteur et ses lubies, ce témoignage m'est apparu sain par les interrogations et les doutes qu'il contient, sur l'absence de certitudes sur l'enquête, les difficultés des accusés à se défendre, le caractère aléatoire de la composition du jury et de sa dépendance envers le Président, de la crainte de commettre une erreur fâcheuse.

André Gide ne s'étend pas trop sur les descriptions des accusés et des crimes, bien qu'il livre, évidemment, certains détails glauques, sans en faire d'excessif étalage : ce petit ouvrage est bien conçu comme un compte rendu, sincère et honnête.
C'est intéressant. Les interrogations sont toujours actuelles et accessibles au grand public, du fait qu'il est justement citoyen ordinaire, et non juriste, ni psychiatre ou criminologue : la psychologie et la sociologie sont presque aussi importantes que le droit en Cour d'assises pour cette raison.
Un intéressant témoignage 6 étoiles

Pendant 15 jours Gide fut membre d'un jury en cours d'assise (en 1912).
Ce petit livre nous en livre son témoignage et, en conclusion, son analyse et ses suggestions pour améliorer le système existant.
Le document si lit facilement, bien que l'oeuvre soit - pour un écrivain comme Gide - particulièrement "peu" écrite.
A la multiplication des affaires, à peine survolées et à des réflexions non approfondies, le talent de l'auteur aurait pu substituer un grand roman sur ce thème (il y a matière) ou une analyse beaucoup plus étayée.
Reste que ces quelques pages ne sont pas dénuées d'intérêt.

Fredericpaul - Chereng - 63 ans - 18 février 2015


Un livre très instructif !!! 8 étoiles

André Gide est un écrivain dont certaines œuvres sont bien connues comme Les caves du Vatican ou Si le grain ne meurt, En 1947, il a été récompensé pour l’ensemble de son travail par un prix Nobel, distinction qui n’est certes pas toujours synonyme de qualité, mais qui fut en l’occurrence amplement mérité et justifié. Pour moi, par contre, le meilleur d’André Gide est ailleurs, il est dans son journal, il est dans ses articles sur des faits divers, il est dans son regard sur l’URSS, sur le Tchad, sur les assises… J’ai, par exemple, été passionné depuis longtemps par sa façon de raconter La séquestrée de Poitiers. C’est pour cela que j’ai immédiatement acheté ses Souvenirs de la cour d’assises, d’autant plus qu’il était édité dans la collection Folio 2 €…

Nous sommes à Rouen en 1912 et André Gide se retrouve dans un jury d’assises. Cela lui permet de pénétrer quelques affaires judiciaires, de voir le travail de la justice de l’intérieur, de comprendre les difficultés et les a priori des autres membres du jury, enfin, il mesure les motivations des coupables, à défaut de les comprendre entièrement. Il profite de cette expérience pour proposer quelques pistes de réforme pour les cours d’assises, avec prudence et avec un seul précepte en tête : Ne jugez point !

Certains pourraient être surpris de voir André Gide citer une phrase évangélique pour ouvrir son témoignage d’assises, mais pour ceux qui le connaissent un peu c’est plus que normal. André Gide est un écrivain qui a été pétri de christianisme de par son éducation et qui va toute sa vie être confronté à des tensions internes fortes, voire mortelles. Il voudrait à la fois s’affranchir de son éducation mais il demeure attaché viscéralement à cette foi familiale. Il souhaite respecter cette morale ancestrale et, en même temps, pouvoir vivre son homosexualité en paix. Enfin, son attirance bien réelle pour les jeunes hommes lui posera question jusqu’à la fin de sa vie sans l’empêcher pour autant de consommer périodiquement…

Dans ce recueil d’affaires judiciaires – on peut présenter ainsi ce petit ouvrage – on perçoit plusieurs tendances fortes de l’auteur. Tout d’abord, comme beaucoup de gens de son époque, André Gide crée un lien, même inconsciemment, entre pauvreté et crime. Comment une personne riche et cultivée pourrait bien commettre un crime ? C’est presque inconcevable ! Ensuite, on trouve l’idée que le crime est toujours le signe visible d’un responsable mauvais accompagné d’êtres plus faibles. Pour Gide, la justice devrait faire preuve de clairvoyance en ne punissant pas de la même façon les uns et les autres, et ce n’est pas toujours le cas, y compris quand il est membre du jury. Enfin, il constate que certains membres du jury sont très influençables par les juges. Il trouve que c’est dommageable pour qu’une véritable justice soit rendue. Il va même dans une affaire tenter d’aller plus loin dès le verdict donné en écrivant au juge pour tempérer un jugement rendu…

Oui, André Gide est attaché à la justice, celle avec un grand J, celle qui doit réconcilier les hommes entre eux, celle qui protège les victimes, condamne les criminels dangereux pour les autres, celle qui donne une seconde chance aux faibles, celle qui ne s’acharne pas sur les criminels-victimes… Oui, André Gide est idéaliste et humaniste, mais ce n’est pas grave, c’est grâce à ce genre d’utopie que l’on fait changer le monde et cela me rend l’auteur encore plus sympathique…

Voilà, un très bon petit ouvrage qui sera classé par les uns dans l’histoire, par d’autres dans la philosophie ou la sociologie, par moi en témoignage de ces années qui précèdent la Grande Guerre. C’est aussi un excellent document de travail pour mon cours sur la narration des faits divers…

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 11 mai 2013