Enchaînés, tome 1 : Le Tentateur
de Joël Callède (Scénario), Gihef (Dessin), Marie Lefebvre (Couleurs)

critiqué par Dirlandaise, le 4 juillet 2010
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Enchaînés à leur malheur
Un vieil immeuble désaffecté la nuit. Une automobile noire se range à l’entrée et un homme étrange, vêtu d’un grand manteau noir également, en descend. Il porte une mallette. Il entre dans le bâtiment et se dirige vers une immense salle au milieu de laquelle se trouve une table. Il dépose sa mallette sur la table, sourit et repart les mains vides. Qui est cet homme et quelle est la signification de son geste ? Voilà le fondement de ce récit et le début d’un cauchemar pour quatre personnes : Rachel, Henry, Tobey et Moses. Quatre êtres humains qui se débattent chacun dans une vie vide de sens et remplie de problèmes de toutes sortes. Ce sont des perdants, des gens qui ne contrôlent plus leur destin, qui sont enchaînés à leur malheur, et qui subissent leur sort non pas avec résignation car ils continuent à espérer malgré le tragique de leur situation, mais avec colère et révolte. L’homme à la mallette viendra tout changer et chacun se verra confronté à un terrible choix : continuer leur vie grise et étriquée ou bien accéder à la richesse mais en laissant définitivement de côté leur morale et conscience.

Ah que j’aime ce genre de récit. Pourtant, c’est si cliché et les personnages sont tellement stéréotypés que cela pourrait être tout à fait indigeste mais j’ai marché à fond encore une fois malgré le manque d’originalité et les situations parfois assez prévisibles. Mais plus j’avance dans ma lecture plus cela se complique et plus j’aime. J’apprécie particulièrement le personnage de Henry, ce fonctionnaire insignifiant constamment humilié et raillé par son supérieur et qui est possédé par le démon du jeu. C’est si réaliste comme tableau, si humain. Car ce qui ressort de cette œuvre, c’est le côté triste et déprimant de la vie des gens ordinaires qui ne voient pas comment ils arriveront à améliorer leur funeste sort. Et l’occasion qui se présente à eux est si fantastique et ahurissante ! Mais leur conscience veille et chacun est aux prises avec la sienne. Ce thème a été déjà maintes et maintes fois utilisé dans la littérature et au cinéma mais ce genre d’histoire me captive complètement. Les dessins sont corrects sans plus. Ils rendent bien le côté torturé et tourmenté des protagonistes. Les visages sont expressifs, les environnements sont révélateurs du niveau de vie de chacun. C’est très américain comme atmosphère. Il y a un certain souci du détail qui n’est pas pour me déplaire. Les couleurs sont délavées, passées et souvent moches mais servent bien le côté sordide d’une grande ville comme Los Angeles. Dommage que les textes ne comportent pas plus de considérations philosophiques comme dans la série « Le Tueur ». Il me semble que le sujet s’y prête bien. Mais cela s’améliore dans le deuxième tome dont j’ai déjà lu près de la moitié.

Je peux déjà affirmer que c’est une excellente série malgré ses quelques faiblesses.