Des jours meilleurs qui tardent à venir...

Il s’agit d’un recueil de quatre nouvelles écrites par un écrivain considéré en Russie comme un classique vivant. Les quatre nouvelles comportent des thèmes différents ce qui fait tout l’intérêt de ce livre. La première dont le livre porte le titre a pour cadre la guerre dans le Caucase et c’est de loin ma préférée. Un soldat russe ayant fait prisonnier un jeune rebelle dans le forêt est subjugué par la féminine beauté du jeune homme et devient pour lui une sorte de protecteur. Il ne laisse personne l’approcher et c’est lui qui l’accompagnera lors de leur périple afin de rejoindre un poste de rebelles en vue d’un échange de prisonniers. Bref, il en est vaguement amoureux et il ne comprend pas bien cette attirance. C’est d’une beauté à couper le souffle et écrit de magistrale façon.

La deuxième nouvelle a aussi pour cadre la guerre mais cela se passe dans un camp de prisonniers qui ont trouvé une façon particulière de passer le temps et de s’occuper afin de ne pas sombrer dans le plus profond désespoir. C’est très dur et certaines scènes sont pénibles mais j’ai tout de même aimé car d’une profonde humanité. Cela m’a rappelé « Souvenirs de la maison des morts » de Dostoïevski.

Les deux dernières que je ne raconterai pas sont plus ternes et moins intéressantes. Il reste que c’est assez remarquable comme analyse du comportement humain. Il plane sur ces nouvelles une atmosphère désespérée, pessimiste et souvent lugubre. Les êtres qui peuplent ces histoires sont tous en questionnement sur leur propre destin, sur leurs difficultés et ils ne parviennent pas à trouver d’issue satisfaisante à leurs tourments et angoisses profondes. Ce sont des êtres ballottés par la vie, souvent à la dérive la plus complète et qui tentent de s’accrocher tant bien que mal à une bouée quelconque sans grand succès. Ils sont prisonniers de leurs désirs et de leurs frustrations. Leur exutoire est souvent la violence et la haine de l’autre. Ils espèrent des jours meilleurs qui tardent à venir. C’est touchant et si pathétique. Un auteur à approfondir pour ma part.

« C’est alors que le jeune homme, comme pour manifester son accord, inclina la tête vers la droite et la posa sur l’épaule de Roubakhine. Rien d’extraordinaire : les soldats dorment souvent ainsi, lors de haltes trop brèves, les uns contre les autres. Mais la chaleur de ce corps commença immédiatement à se diffuser, et un courant de sensualité coula (par vagues successives) de l’épaule du prisonnier vers celle de Roubakhine. Non, il se faisait des idées. Le gamin dormait. Le gamin dormait, tout simplement, se dit Roubakhine, tentant de se ressaisir. Mais aussitôt, il se figea, et tout son corps se durcit, tendu à l’extrême, si forte était la décharge de chaleur et de tendresse inattendue qui pénétrait en cet instant son épaule, son âme désarmée. »

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  Le prisonnier du Caucase [Texte imprimé], et autres nouvelles Vladimir Makanine trad. du russe par Christine Zeytounian-Beloüs

  de Makanin, Vladimir Semenovič Zeytounian-Beloüs, Christine (Traducteur)
  Gallimard / Du monde entier (Paris)
  ISBN : 9782070768851 ; 21,30 € ; 17/02/2005 ; 264 p. ; Broché

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