Je serais plutôt d'avis de remercier Dimitri Nabokov d'avoir accepté de publier "Laura". Il s'agit là bien sûr à peine d'une ébauche de roman, nous n'en sommes encore qu'aux préliminaires même si on pressent que toute l'histoire est déjà dans la tête de l'auteur. Il est probable aussi que ce roman n'aurait pas atteint le génie de Lolita, le souffle d'Ada ou même pour remonter plus loin le talent de "Le Don". Cependant, malgré ces réserves, je considère que sur deux points, cette publication est une réussite.
D'abord, le lecteur a le privilège de pénétrer le processus artistique d'un grand écrivain et cela reste un plaisir rare. La méthode de création par fiches est propre à Nabokov et le choix de publier le texte original sous forme de fac-similés de ces fiches nous permet de visualiser, de donner réalité à ce qui jusqu'à présent n'était mentionné que dans les ouvrages critiques. Ce plaisir n’est d’ailleurs pas réservé aux seuls spécialistes et autres exégètes de Nabokov, il est celui de tous les « bons lecteurs » (au sens nabokovien du terme).
La deuxième raison est qu'en dépit de l'état embryonnaire du texte, la magie fonctionne, l’imagination flambe en lisant la prose du maître et nous sommes plongés encore une fois au cœur même de l’aventure poétique.
Ce protoroman est injugeable. Les 5 étoiles que je lui vote, juge de ma lecture et non pas de l'hypothétique valeur-en-soi d'un texte en éternel devenir.
Un mot sur la traduction de Maurice Couturier : elle est précise, sérieuse mais aussi vivante qu'une planche d'anatomie. Je ne sais pourquoi, malgré toute sa bonne volonté universitaire, j'ai toujours le sentiment qu'il manque le souffle de la vie aux phrases de ce monsieur.
Serguei - - 50 ans - 1 décembre 2010 |