Philippe et les autres
de Cees Nooteboom

critiqué par Jules, le 31 juillet 2010
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Le voyage
Philippe est un jeune garçon né aux Pays-Bas dans une ville de province. Un jour, nous ne savons pas pourquoi, il débarque chez un vieil oncle avec une petite valise. L’oncle est un personnage âgé et pour le moins hors du commun. Il accueille son neveu pour un petit temps et tentera de lui faire partager son amour pour la musique.

Après quelques semaines le neveu quitte l’oncle en sachant qu’il ne reviendrait pas de si tôt.
Il mettra dix années à y revenir pour un autre séjour. Le clavecin est toujours là et l’oncle est de plus en plus vieux et il en joue de moins en moins.

Une envie « d’ailleurs » s’empare de Philippe et l’oncle comprend bien la chose. Il l’aidera en glissant un billet dans sa poche et voilà notre Philippe parti. Parti pour où, il n’en sait rien ! Tout ce qu’il cherche c’est de partir et de découvrir d’autres choses. Ses voyages se feront essentiellement à pieds, en stop, et dans les auberges de jeunesse. Parfois ce sera le hasard qui le guidera et parfois ce sera l’un ou l’autre personnage

Un de ces personnages lui fera rencontrer une jeune fille d’origine asiatique. Elle s’emparera de son esprit mais la perdra de vue. Il ne cessera de tenter de la retrouver en passant de pays en pays, de ville en ville.

« La Route » avant l’heure ?… Il y a de cela mais en beaucoup plus court et beaucoup plus poétique.

Dans son « Avant-Propos » l’auteur nous dit ne pas reconnaître ce livre « comme si celui-ci n’était pas réellement le sien. Il évitait de le lire comme on refuse parfois de regarder une vieille photo de soi, non par peur ou par peine mais simplement parce que le mystère du temps qui passe est désormais trop troublant. Le livre, comme la photo, éloignait le mélange à jamais perdu d’innocence impossible, de rêveries et de béatitude candide. »

Avec ce livre nous voyagerons des Pays-Bas à la Provence, de la Provence à Paris, Londres, Bruxelles, Luxembourg et les pays nordiques.

Il est très difficile à résumer vu toute l’importance de son aspect poétique.

Je lirai encore d’autres livres de cet auteur ! L'écriture est très belle même s'il convient d'avouer que certains passages sont difficiles à saisir. En effet, il n'est pas toujours très évident de savoir qui parle et qui répond...
Un roman fascinant d'un très grand auteur. 8 étoiles

Le roman débute par les visites que rend Philippe à son oncle Antonin Alexander, oncle quelque peu farfelu qui ne cesse de lui demander quel cadeau il lui apporte. De plus, il semble avoir un pied, si ce n'est les deux, dans l'imaginaire. Passionné de musique, il semble familier des plus grands musiciens dont certaines photographies sont exposées aux murs et demande à son neveu de "serrer" la main de ses grands artistes. Leurs après-midis mêlent la réalité et la présence fantômatiques de ces musiciens. Ce début reflète la totalité de l'oeuvre.

Tout comme Cees Nooteboom, Philippe va voyager à travers l'Europe, faire du stop, rencontrer de nombreuses personnes qui ont elles aussi un rapport étrange avec la réalité. Il dormira dans des auberges de jeunesse et cette errance le fera grandir. Il est un parfait réceptacle d'histoires qu'on ne cesse de lui raconter parfois contre son gré. Dans chaque pays, il fera des rencontres intéressantes. Maventer, l'une de ses rencontres, l'invite à retrouver une femme asiatique dont il sera sous le charme et qu'il ne cessera de chercher dans tout le roman.

Le lecteur épris de romans réalistes ferait mieux d'éviter ce texte désarçonnant. On en vient à douter de ce qui est raconté. On ne sait plus ce qui est de l'ordre des faits ou des rêves. Dans le roman figure un personnage qui semble mener une double vie dans son sommeil ... A partir du moment où un personnage raconte un épisode "vécu", l'on bascule dans des histoires assez déconcertantes qui peuvent perdre le lecteur, un peu comme Borgès dans ses nouvelles. De plus, l'écriture poétique de Nooteboom ne fait qu'apporter encore plus de mystère à ce roman. Toutes ces personnes qui se confient semblent des doubles de l'écrivain qui narre une histoire. La fiction alimente la réalité et inversement.

Le roman interroge le lecteur sur ce qu'est la vie :
"Encore que, pour s'en apercevoir, il faille avoir la conviction que ce monde-ci est le pire, le plus triste et le plus désespérant des mondes possibles, et de surcroît promis à sa perte, mais par là même étonnant et d'une douceur infinie."

"Et je m'avisai que nous aussi, nous étions étonnants et attendrissants, parce que fragiles, ébauches avortées de dieux, et tous perdus d'avance. Mais il nous restait le jeu, chaun pouvait jouer."

La folie des personnages, leur goût pour les rêves et l'imaginaire rappellent tout simplement le regard de l'enfant. Ce roman semble inviter le lecteur à conserver son esprit de jeunesse et à garder cette insouciance au quotidien, sans doute comme ce personnage féminin qui avoue jouer à la balle en cachette comme une enfant, peut-être est-ce l'un des secrets du bonheur ...

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 20 janvier 2012