Journal intime
de Nathalie Rheims

critiqué par Dirlandaise, le 12 août 2010
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Noces de cendre
Une femme entretient une liaison avec un homme marié. Souffrant du peu de temps qu’il lui accorde et de la précarité de leur union, elle décide d’écrire son journal intime afin de ne pas sombrer dans le désespoir. Elle écrit, écrit et écrit encore en s’adressant à son bien-aimé, lui faisant de doux reproches, lui expliquant l’importance qu’il a prise dans sa vie, la façon dont il l’a éveillée à elle-même et surtout, les jours merveilleux qu’ils ont vécus ensemble, jours qu’elle redoute par-dessus tout de voir s’évanouir à jamais dans le néant d’une existence solitaire et absurde. Elle craint le couloir sinistre de l’absence, le défilement des jours et des nuits dans le silence et la douleur de ne plus le voir ni entendre les mots si tendres dont il a le secret et dont elle n’arrive plus à se passer.

Malheureusement la rupture tant appréhendée survient après deux ans, la laissant dévastée et au bord de l’abîme. La rédaction de son journal intime la sauve. Elle couche sur le papier sa peine et les cris qu’elle retient. Mais jamais elle ne nommera l’homme de sa vie. Peu importe, je sais bien qui c’est… Je le reconnais dans sa manière d’agir, dans ses manies et surtout, dans le fait qu’il écrit lui-même son journal intime depuis de nombreuses années. Comment rester indifférente à un si beau texte, si profond, douloureux et vrai.

J’ai été littéralement bouleversée par ces pages déchirantes, pleines d’émotions et de souffrance. Car la douleur de la rupture est exprimée avec beaucoup de justesse et de sincérité. Quand on aime avec autant de fougue, comment se passer d’un être qui était toute notre vie et dont le départ signe presque la fin de notre existence, le début de notre nuit. Il faut avoir vécu cela pour bien comprendre et apprécier ce texte admirable.

J’ai enlevé la moitié d’une étoile pour le ton un peu larmoyant qui m’a légèrement lassée à quelques reprises mais si peu vu la qualité de l’œuvre et la justesse des sentiments décris. J’ai apprécié les références littéraires entre autres « Sous le soleil de Satan » de Bernanos, « Cahier vert » de Maurice de Guérin et « Les baromètres de l’âme » de Pierre Pachet.

« « Un jour, mon prince viendra », chante-t-on aux petites filles. Leur dit-on qu’il vient des ténèbres, qu’il ne nous emporte pas sur son cheval blanc, qu’il n’apparaît que la nuit, dans l’obscurité, se faufilant le long des murs, se retournant sans cesse de peur d’être vu ? Sauront-elles qu’il peut dire des phrases blessantes, qu’il n’a d’autre royaume que celui du néant ? »

« Je t’affronte aujourd’hui, à travers cette histoire. J’écris ce journal intime, lueur dans la nuit, éclairant des instants de ma vie, des choses enfuies que j’épingle à ces lignes. Des fragments de ce que nous avons été. Avant que tes cahiers se consument et retournent au néant, je publie les bancs de nos noces de cendre. »