La prose russe contemporaine
de Éléna Choubina, Collectif

critiqué par Dirlandaise, le 19 août 2010
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Voyage au coeur de l'âme russe contemporaine
Ce recueil est composé de vingt-et-une nouvelles d’auteurs russes contemporains spécialement choisis en raison de la qualité de leur écriture et de leurs thèmes. Certains furent des idoles littéraires des années soixante et soixante-dix alors que d’autres ont amorcé leur carrière dans les années quatre-vingt-dix. Apparaissent aussi des écrivains qui viennent tout juste d’entamer leur carrière. Je tire ces informations de la quatrième de couverture.

C’est un beau voyage au cœur de l’âme russe que nous offre cet ouvrage. Toutes les nouvelles sont de grande qualité mais elles ne m’ont pas particulièrement touchée sauf deux d’entre elles : il s’agit de « La gare de Kazan » d’Iouri Bouïda et de celle intitulée « Le pauvre cœur de Mania » d’Irina Polianskaïa.

Dans « La gare de Kazan » nous suivons un très vieil homme et son arrière-petit-fils lors de leurs pérégrinations dans le métro de Moscou. La mère est monoparentale et pour la soulager, le vieillard emmène l’enfant avec lui tous les jours dans de longues promenades qui les mènent bien souvent dans une sorte de bistrot mal famé, hanté par des gens sympathiques mais complètement déclassés socialement. Les derniers paragraphes de cette admirable nouvelle sont absolument magnifiques et m’ont émue profondément.

« Le pauvre cœur de Mania » raconte de quelle façon une jeune femme moscovite multiplie les amours de passage, pensant combler ce vide affreux qui la ronge et qui ne fait que s’aggraver de jour en jour. Cette nouvelle m’a particulièrement touchée.

Certains récits m’ont semblé plus faibles entre autres celui intitulé « Un tueur à gages un peu rêveur » d’Iouri Mamleïev qui manque de profondeur de même que celui intitulé « Un truc idiot » d’Alexandre Khourguine. Les deux nouvelles sont très divertissantes mais les thèmes ne sont pas à la hauteur de l’ensemble du recueil.

Dans l’ensemble, l’écriture est de grande qualité mais jamais je n’ai trouvé de passages méritant d’être retranscrits ou bien de belles phrases poétiques. Ce niveau n’est jamais atteint dans aucune de ces courtes histoires et j’en suis assez déçue. Mais peut-être suis-je trop exigeante ? Il est vrai qu’après avoir lu Viktor Pelevine, on le devient. Mes attentes étaient élevées d’où ma déception. Pour les thèmes, les relations familiales sont privilégiées et en particulier l’entraide intergénérationnelle. Je pense à « La gare de Kazan » mais aussi à « Dina » de Andreï Guélassimov dans laquelle une jeune femme rend visite quotidiennement à son vieux beau-père impotent. Les deux adoptent un ton bourru pour communiquer mais s’adorent malgré leur différence d’opinion sur quasiment tous les aspects de la vie.

Je voudrais aussi souligner la nouvelle intitulée « Inadéquat » de Vladimir Makanine qui raconte les frasques nocturnes d’un vieux monsieur qui n’arrive pas à trouver le sommeil les nuits de pleine lune et qui ressent une attirance presque incontrôlable pour sa charmante voisine. Très amusante.

Les thèmes récurrents sont le passage du temps, la famille, le vieillissement et bien sûr la mort. La politique est presque absente sauf dans « Materia. Récit sur l’incompréhensible » d’Evguéni Popov. Deux hommes dans la cinquantaine sont installés à un bar et discutent en attendant le retour de leurs femmes parties assister à un spectacle. La nouvelle « Tant que… » d’Assar Eppel ressort par son côté surréaliste, son humour et son sens de la dérision. Il s’agit de la vie étriquée d’un professeur de physique porté sur le bricolage.

J’aimerais commenter chacune d’entre elles mais je dois me limiter. Dommage. Je recommande ce recueil pour découvrir des auteurs de talent dont la plupart ont reçu le Booker Prize russe pour l’excellence de leur travail.