Les Puysatiers
de Jean Anglade

critiqué par CC.RIDER, le 20 août 2010
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Le plus long tunnel de France
Au fin fond du Cantal, vit la famille Codier dont l'ancêtre Pélage, voleur de grand chemin après avoir été soldat de la Grande Armée puis tanneur, finit pendu sur la grand place d'Aurillac. Il laissa trois enfants dont l'aîné, Jean-Marie, époux d'une fille d'instituteur, Félicie Pichon, mourut noyé très jeune. Félicie se remaria avec François Mavel, charretier de profession. Quelques années plus tard, les Ponts et Chaussés décident de creuser un tunnel sous la montagne du Lioran pour désenclaver le pays, assurer sa sécurité et le faire participer au décollage économique général du royaume. François et Géraud, son beau-fils sont engagés pour participer à ce percement, chantier titanesque pour l'époque. 1414 mètres dans la roche, le plus long tunnel de France. Quatre années de travaux, de 1839 à 1848 et tout au pic et à la pioche !
Un magnifique roman de terroir, à la fois historique et social, parfaitement documenté, dans lequel Jean Anglade parvient à faire revivre toute une petite société à travers cette famille attachante, patiente, travailleuse et économe comme l'étaient la plupart des Auvergnats de l'époque. Ces puysatiers, ce qui signifie « perceurs de puys » (du nom des sommets d'Auvergne), souffrirent les affres de l'enfer, asphyxiés par les fumées, victimes des éboulements, des inondations et des épidémies pour venir à bout de ce trou maudit qui se révéla d'un intérêt moyen à l'arrivée : les chevaux refusaient souvent de s'y engager, le chemin de fer ne passait pas et il fallut même percer un autre tunnel un peu plus bas. Inutile de rappeler la qualité du style de Jean Anglade, ce merveilleux conteur régional si prolifique.
Les fils du Puy. 7 étoiles

Jean Anglade nous conte avec beaucoup de simplicité mais justesse la vie de ses cantaliens. Ses hommes et femmes de peu. Il retrace l'histoire de l'un d'eux. Les deux premiers tiers du livre sont consacrés à l'histoire familiale, aux ancêtres. Un aïeul sabotier, puis ordonnance sous Napoléon, puis bandit de grand chemin, il finira pendu haut et court. La femme du bandit se remariera, et nous assistons à l'éducation de Géraud Codier, de son apprentissage de mazuquier dans les montagnes du Cantal. Enfin, troisième partie, le corps du livre qui donne le titre à l'ouvrage, le percement d'un tunnel dans le Puy de Masseboeuf. Anglade évoque les conditions de travail, y mêle histoire politique, mutinerie, on y découvre les premières formes de syndicat, les migrations de population alléchées par le travail. L'avancée du progrès dans cette fin du 18 ème tout cela mâtiné d'un brin d'amourette digne d'un roman à l'eau de rose.
Un livre qui nous parle des peines, des joies et des moeurs d'une France que l'on ne connait plus, la sécurité inexistante au travail, l'hygiène déplorable, les mariages arrangés et les habitudes paysannes. Bref un bon roman de terroir comme je les aime.
On sent que Anglade est bien documenté et qu'il connait bien la région dont il s'est fait au fil du temps un ambassadeur littéraire.

Hexagone - - 53 ans - 5 août 2011