De la guerre comme politique étrangère
de Noam Chomsky

critiqué par Bolcho, le 4 septembre 2010
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
L’Empire attaque
Quelques textes sulfureux de Noam Chomsky sur les Etats-Unis. Rassurez-vous, il ne parle pas de grammaire générative, ouf.
On est sans conteste (et sans surprise) face à un penseur qui donne dans l’antiaméricanisme, mais pas du tout primaire : il argumente, il informe, il cite une foule d’exemples. Le titre de l’ouvrage résume forcément très bien le contenu des différents articles et conférences. C'est facile à lire, acerbe, polémique et très instructif.

Quelques exemples pour allécher ceux que cette approche intéresse.
Chomsky considère que la guerre du Vietnam est une victoire américaine, et il explique pourquoi. Mais je ne résiste pas à l’envie de vous citer le président Carter, en 1977, qui estima publiquement que les États-Unis n'avaient aucune dette particulière envers le Vietnam puisque la « destruction avait été mutuelle ». Non, Boston ne fumait pas encore sous les bombes vietnamiennes. Ce qui est significatif, c'est que ce commentaire n'a pas fait l'objet de commentaires dans la presse américaine.

Au-delà des nombreux exemples d’interventions américaines dans le monde, afin de sauvegarder leurs intérêts économiques, il y a une constante sur laquelle Chomsky revient longuement : leur mépris pour les traités internationaux.

Dean Acheson, conseiller de Kennedy, justifia le blocus de Cuba en 1962 en disant que dans les cas où “la puissance, la position et le prestige” de la nation était en cause, on ne pouvait pas recourir à une “solution légale”.

Yougoslavie 1999. Lors des discussions au Conseil de Sécurité, à propos d’un éventuel usage de la force, Washington avait refusé l’usage du terme “autoriser” et n’avait permis que celui d’ “approuver”. L’administration Clinton “ne démordait pas de sa position consistant à affirmer que l’OTAN devait pouvoir agir indépendamment des Nations unies”.
On dit souvent que, concernant le Kosovo, on ne pouvait pas rester là à assister aux crimes. Chomsky répond :
“Supposez que vous assistiez à un crime dans la rue et que vous estimiez qu’il vous est impossible de ne pas intervenir. Vous prenez un fusil-mitrailleur et tuez tous ceux qui sont là : le criminel, la victime et les passants. Devons-nous admettre que c’est là une solution rationnelle et morale ?”


Chomsky : “En ce qui concerne la ratification ou la signature de conventions internationales ayant trait aux droits de l’homme, les Etats-Unis réalisent l’un des pires palmarès du monde. Exemple, le cas de la convention sur les droits de l’enfant, ratifiée par tous les pays du monde sauf deux : les Etats-Unis et la Somalie” (ce texte est de 1999).
“En fait, au sens strict, les Etats-Unis n’ont jamais signé de conventions, et, lorsqu’ils l’ont fait, ce qui est très rare, ils imposent systématiquement une clause de réserve dont les termes exacts sont : ‘Ne peut s’appliquer aux Etats-Unis’.”
La convention sur le génocide, par exemple, porte la mention “Ne s’applique pas aux Etats-Unis sans l’accord des Etats-Unis”. Accord jamais donné évidemment. C’est comme ça que des plaintes pour génocide n’ont tout simplement pas été recevables puisque les Etats-Unis n’ont pas donné leur accord. Pratique, non ?

Le conseiller juridique du Département d’Etat déclare : “Les membres des Nations unies ne sont pas capables de comprendre nos motivations et s’opposent régulièrement à nos propositions concernant les questions cruciales dans le domaine international. C’est pourquoi nous nous réservons le droit de décider des situations pour lesquelles les règles de la Cour s’appliquent et n’acceptons aucun ordre de la Cour sur les questions qui concernent au premier chef les affaires des Etats-Unis telles que les Etats-Unis les ont eux-mêmes définies”.
En occurrence, le problème concernant les affaires “internes” des Etats-Unis, c’était la guerre menée contre le Nicaragua que la Cour internationale venait de qualifier d’usage illégal de la force...

Je vais me permettre de vous en dire un peu plus en discussion liée, rien que pour les contempteurs de l’Empire bien sûr.