La Femme de David
de Henri Troyat

critiqué par Hibou, le 5 septembre 2010
( - 49 ans)


La note:  étoiles
Belle peinture que ce roman
Ce livre est une fiction. A partir d’une douzaine de lettres retrouvées et de quelques notes et allusions banales de ses contemporains dans les mémoires, Henri Troyat brode une histoire ce qu’aura pu être la vie de la femme de Jean Louis David, peintre célèbre du siècle des lumières (1748 1825). Pour la première fois elle sort de l’ombre et est placée au pinacle de l’histoire. Car oui soutien invétéré de son mari, elle a bien participé à la gloire de celui-ci.

Le jeudi 16 mai 1782 Charlotte Pécoul épouse Louis David. Ils auront l’année suivante un premier fils suivi bientôt d’un deuxième et de jumelles quelques années plus tard. C’est un Louis David opiniâtre épris de gloire et d’honneurs, orgueilleux que nous fait vivre cette femme là sous nos yeux. Très vite le succès se fait sentir avec le serment des Horaces, Brutus, La mort de Socrate. Alors que la révolution gronde David devient un ardent défenseur de Robespierre et vote avec les jacobins la mort du roi. Charlotte, étrangement nommée Caroline par son mari, d’origine aristocratique ne peut approuver les idées révolutionnaires de son mari.

Car son mari ne vit pas retranché derrière son art mais est un politique forcené. Ils finissent par divorcer. Devant la menace d’exécution prononcée par l’assemblée, Caroline décide de monter à Paris avec ses enfants et d’user de son influence pour le libérer. On accepte pour des raisons de santé qu’il loge à Saint Ouen chez la sœur de cette dernière. Il peint alors les Sabines, qui auront le succès que l’on connait, pour célébrer la hardiesse dont elle a fait preuve à l’image de ces anciens romains dans l’antiquité.

Ils se marient une nouvelle fois. David soutient peu de temps après l’ascension de Bonaparte pour lequel il prendra le titre de peintre officiel à l’occasion de la réalisation du Sacre. Là encore sa femme supportant difficilement sa conception de la politique elle le soutiendra pourtant encore, mis à part le fait que voyant dans Bonaparte le seul pouvant rétablir l’ordre, elle se donne le devoir d’être fidèle jusqu’au bout à son mari. Toujours fier et têtu il n’acceptera pas la faveur de Louis XVIII qui lui permet de rester en France malgré l’excommunication de ceux accusés de régicide. Guindé dans son orgueil il exigera qu’on lui demande personnellement de revenir et finira par mourir à Bruxelles loin de sa femme


J’ai adoré ce livre. Hommage est rendu à celle qui a œuvré dans l’ombre de David.

A travers ses yeux à elle c’est un portrait inédit du célèbre peintre qui nous est donné à voir. Ce livre est magnifique. A l’image de cette peinture célèbre du sacre, c’est un tel foisonnement de couleurs, de luxe dans les détails, de raffinement dans les descriptions historiques légères et en même temps académique comme le pinceau du peintre qui dessine les contours de cette Joséphine recevant la couronne des mains de Napoléon. On se croit immergé alors dans cette immense toile que constituent les soubresauts politiques de la fin du XVIII. On vit la révolution, on vit l’empire, la restauration de la royauté. C’est un livre où pour nous mettre l’eau à la bouche sont évoqués les très célèbres toiles de David sur décor historique. Le tout est vivant et on ressent avec ses tripes l’orgueil, l’obstination et la grandeur de David, comme on ressent le malaise parfois caché, parfois ouvert mais toujours visible de Caroline devant son mari. Bref c’est presque une biographie historique de David vu pour la première fois avec les yeux de sa femme. Bref c’est à dévorer !
« La mouche du coche » 6 étoiles

« Je n'avais aucune influence sur sa pensée, mais je savais qu'il avait besoin de mon approbation. C'est une étrange sensation, pour une femme, que de se sentir à la fois indispensable et inutile. La Fontaine a eu tort de railler la mouche du coche. Sans être absolument nécessaire à la marche des chevaux, elle les amuse et les stimule dans leur effort. »
Quelques phrases qui résument parfaitement la place de cette épouse d'un grand peintre, dont la vie n'est effectivement guère passionnante si ce n'est qu'elle nous permet de faire plus ample connaissance avec un peintre classique célèbre et d'apprendre (en tout cas pour ma part) quel était son rôle pendant ces périodes de l'Histoire de France si agitées qu'ont été la Révolution, l'Empire et la Restauration.

Monsieur Troyat fait toujours preuve d'une grande érudition, son écriture est toujours aussi agréable, mais ce roman ne sera pas dans la liste de ses livres, parmi mes préférés; peut-être un petit manque de souffle ou de dynamisme.

Marvic - Normandie - 66 ans - 16 janvier 2011