Zéro faute : L'orthographe, une passion française
de François de Closets

critiqué par Ngc111, le 14 septembre 2010
( - 38 ans)


La note:  étoiles
Un manque d'unité dommageable
A l'heure d'Internet et de l'informatisation généralisée, l'écriture manuscrite se fait de plus en plus rare. François De Closets s'est donc penché sur le rapport entre les français et leur orthographe historiquement sacralisée. A juste titre ou non ?
On sent dans cet essai la frustration (légitime ?) de l'auteur quant à la place de l'orthographe dans la société française. Celle-ci est prépondérante, même par rapport à la richesse du vocabulaire par exemple. Il stigmatise aussi la culpabilité qu'entraîne la faute d'orthographe (et non l'erreur !).
De ce constat il milite alors pour une simplification mais sans destruction de l'orthographe française. Il s'appuie sur les incohérences, les absurdités qui peuplent notre façon d'écrire le français, exemples à l'appui. Ainsi l'étymologie et la phonétique se rencontrent ou s'évitent dans notre orthographe, défiant parfois la logique. L'on en vient même pour certains à justifier certaines écritures par la beauté de la langue !
Mais est-ce si dramatique et si injuste que cela ? Chacun aura son opinion. Reste que la complexité de notre orthographe ne saurait être une excuse suffisante devant la paresse et le manque de respect dont font preuve certaines personnes (d'ailleurs de tout âge, de toute classe sociale...).
On trouve aussi dans ce livre des rappels historiques sur les tentatives de réforme initiées au fil des siècles (notamment depuis la révolution française) qui montrent la difficulté d'une telle tâche et les évolutions des courants de pensée dans certains groupes (enseignants, écrivains...). La comparaison avec quelques-uns de nos voisins européens montrenun rapport à la langue écrite moins compliqué que le nôtre, à part peut-être pour les anglais.
Les derniers chapitres quant à eux proposent, au travers d'une brève analyse de l'écrit assisté d'un "correcticiel", une évolution pédagogique de l'enseignement de l'orthographe qui ne négligerait plus ces outils technologiques.

L'on comprend bien que l'orthographe est un sujet épineux qu'il est dangereux de vouloir aborder sur un ton péremptoire. Vouloir la simplifier, ou l'adapter aux évolutions technologiques de notre temps, c'est s'attirer la foudre de ceux qui sacralisent notre orthographe. François De Closets analyse bien le sujet mais radote un peu trop (sur les aberrations de notre orthographe notamment) et se perd un peu en voulant incorporer une mini histoire des tentatives de réforme de l'orthographe en France. De manière générale on a l'impression que l'auteur s'éparpille à vouloir être complet et survole finalement le sujet le plus actuel, à savoir l'orthographe d'aujourd'hui et son futur. "Zéro faute" n'est donc pas un mauvais livre, loin de là, mais il manque d'unité et provoque un relâchement dans l'intérêt du lecteur à certains endroits. Dommage car le sujet est intéressant et prête à débat.
De même on aimerait que l'auteur se place un peu plus du point de vue des "puristes" de l'orthographe, la raison de cet amour inconditionnel. Est-ce finalement l'imperfection qui crée cette passion ? Sans doute ! Mais creuser un peu plus le sujet aurait été une bonne idée.
Au final il en reste un livre frustrant, presque trop long de par ses redondances. Peut-être faut-il se tourner vers d'autres ouvrages pour approfondir ce vaste et bouillonnant sujet qu'est l'orthographe.
D’où vient la faute ? 7 étoiles

François de Closet nous propose ici un ouvrage tout à fait passionnant consacré à la relation très particulière que les Français entretiennent avec leur orthographe. Pour cela il établit tout d’abord ce qui relève pour lui du culte dont l’orthographe ferait l’objet dans notre pays : sa place, démesurée, dans l’enseignement du français écrit, au détriment d’autres types d’apprentissage, comme la maîtrise de la rédaction; le poids social de la « faute », personnifié par cette épreuve incontournable qu’est la dictée ; enfin la réputation d’immuabilité de l’orthographe.

Pourtant, pour François de Closet, l’orthographe n’a pas de raison d’être à ce point sacralisé. Il rappelle ainsi qu’une partie du système orthographique n’est ni logique, ni cohérente (entraînant ainsi ce qu’il appelle les « fautes intelligentes »). De même il s’oppose au principe même d’une prétendue perfection esthétique de l’orthographe, qui ne traduirait en fait que l’accoutumance visuelle des mots que nous manipulons. La conclusion de l’auteur est sans appel : l’orthographe ne représente en aucun la nature profonde de notre langue. L’histoire de notre graphie est là pour le prouver largement. L’histoire du français, qui occupe un bon tiers du livre, nous fait en effet découvrir comment l’orthographe s’est fixée peu ou prou à la Renaissance, mais aussi comment elle n’a jamais cessé d’évoluer presque naturellement, la « faute » d’hier devenant parfois la justesse du lendemain, et cela malgré une farouche opposition à toutes les réformes globales esquissées depuis le XVIe.

« D’où vient la faute ? » s’interroge alors François de Closet : c’est sans doute la place horaire relative de l’orthographe à l’école, qui, s'étant régulièrement réduite depuis le début du XXe, ne permet plus à l’élève de maîtriser cette discipline. Pour le journaliste, une solution serait que l’école apprenne à tirer parti des correcteurs orthographiques. En apprenant à utiliser de façons intelligentes ces outils, ils pourraient permettre de nous réconcilier avec notre orthographe et notre langue.

J’ai personnellement dévoré cet ouvrage, illustré d’exemples savoureux concernant les règles parfois subtiles (ou tordues, selon son point de vue…) de notre étonnante orthographe. Si François de Closet se défend très clairement de revendiquer « la liberté de l’orthographe » on sent cependant bien dans ses propos, qui sont par ailleurs plutôt modérés, d’avoir quand même un peu plus d’affinité pour les « rénovateurs » que pour les « puristes ». Il faut noter aussi que, reconnaissant ses limites aussi bien concernant sa légitimité que sa compétence sur le sujet, François de Closet montre une grande humilité dans sa démarche. C’est la raison pour laquelle il a largement interrogé les linguistes les plus renommés du moment, tout en s’appuyant sur leurs travaux.

Même si la structuration de Zéro faute est effectivement parfois un peu confuse et que l’ouvrage passe sous silence la démotivation scolaire des élèves dans l’explication de la baisse du niveau orthographique, l’ouvrage de François de Closet, au style alerte, accompagné d’une riche bibliographie, s’avère une très bonne introduction à cette thématique et permet surtout de déculpabiliser ceux d’entre nous traumatisés par l’épreuve de la dictée !

Fanou03 - * - 49 ans - 1 septembre 2015