François de Closet nous propose ici un ouvrage tout à fait passionnant consacré à la relation très particulière que les Français entretiennent avec leur orthographe. Pour cela il établit tout d’abord ce qui relève pour lui du culte dont l’orthographe ferait l’objet dans notre pays : sa place, démesurée, dans l’enseignement du français écrit, au détriment d’autres types d’apprentissage, comme la maîtrise de la rédaction; le poids social de la « faute », personnifié par cette épreuve incontournable qu’est la dictée ; enfin la réputation d’immuabilité de l’orthographe.
Pourtant, pour François de Closet, l’orthographe n’a pas de raison d’être à ce point sacralisé. Il rappelle ainsi qu’une partie du système orthographique n’est ni logique, ni cohérente (entraînant ainsi ce qu’il appelle les « fautes intelligentes »). De même il s’oppose au principe même d’une prétendue perfection esthétique de l’orthographe, qui ne traduirait en fait que l’accoutumance visuelle des mots que nous manipulons. La conclusion de l’auteur est sans appel : l’orthographe ne représente en aucun la nature profonde de notre langue. L’histoire de notre graphie est là pour le prouver largement. L’histoire du français, qui occupe un bon tiers du livre, nous fait en effet découvrir comment l’orthographe s’est fixée peu ou prou à la Renaissance, mais aussi comment elle n’a jamais cessé d’évoluer presque naturellement, la « faute » d’hier devenant parfois la justesse du lendemain, et cela malgré une farouche opposition à toutes les réformes globales esquissées depuis le XVIe.
« D’où vient la faute ? » s’interroge alors François de Closet : c’est sans doute la place horaire relative de l’orthographe à l’école, qui, s'étant régulièrement réduite depuis le début du XXe, ne permet plus à l’élève de maîtriser cette discipline. Pour le journaliste, une solution serait que l’école apprenne à tirer parti des correcteurs orthographiques. En apprenant à utiliser de façons intelligentes ces outils, ils pourraient permettre de nous réconcilier avec notre orthographe et notre langue.
J’ai personnellement dévoré cet ouvrage, illustré d’exemples savoureux concernant les règles parfois subtiles (ou tordues, selon son point de vue…) de notre étonnante orthographe. Si François de Closet se défend très clairement de revendiquer « la liberté de l’orthographe » on sent cependant bien dans ses propos, qui sont par ailleurs plutôt modérés, d’avoir quand même un peu plus d’affinité pour les « rénovateurs » que pour les « puristes ». Il faut noter aussi que, reconnaissant ses limites aussi bien concernant sa légitimité que sa compétence sur le sujet, François de Closet montre une grande humilité dans sa démarche. C’est la raison pour laquelle il a largement interrogé les linguistes les plus renommés du moment, tout en s’appuyant sur leurs travaux.
Même si la structuration de Zéro faute est effectivement parfois un peu confuse et que l’ouvrage passe sous silence la démotivation scolaire des élèves dans l’explication de la baisse du niveau orthographique, l’ouvrage de François de Closet, au style alerte, accompagné d’une riche bibliographie, s’avère une très bonne introduction à cette thématique et permet surtout de déculpabiliser ceux d’entre nous traumatisés par l’épreuve de la dictée !
Fanou03 - * - 49 ans - 1 septembre 2015 |