Monsieur Le Comte au pied de la lettre de Philippe Annocque
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Et si Monsieur le Comte...
Gouleyant à souhait, vif, à la saveur d'une pomme acidulée dans laquelle on espère rapidement croquer... voilà comment caractériser ce roman de Philippe Annocque, à l'écriture noble et racée dans le phrasé.
Autant le dire de suite, j'ai pris un énorme plaisir en dévorant ces pages.
Monsieur le Comte est un personnage tout bonnement formidable. Il travaille pour la Soverse, une société spécialisée dans les fenêtres cassées, les cuisines inondées, les serrures forcées... rien de très aristocrate dans tout ceci me direz-vous et pourtant ! Le contraste entre ce personnage si particulier et ses besognes quotidiennes est extraordinaire et complémentaire à la fois. L'auteur se joue d'ailleurs de tout ceci, en multipliant les digressions, les retours en arrière, les petits mots qui piquent, le tout sur un rythme frénétique qui rend ce récit trépidant décidément délicieux.
Monsieur le Comte travaille donc pour la Soverse qui le cantonne, au début du récit, dans une mission assez simple en apparence: déposer des cartons publicitaires dans les boîtes aux lettres. Pas super passionnant et pourtant, Monsieur le Comte place beaucoup de dévotion dans ce labeur, jusqu'au moment où toutes les boîtes semblent avoir été honorées et que, las!, il lui reste un 714e pli à distribuer. Un drame est en train de se préparer et pour parer à toute déconfiture, Monsieur le Comte se rend au jardin zoologique dans lequel, malchance, il se fait enfermer. Il se réfugie sur une statue de Charles Darwin afin d'échapper à trois alligators, puis arrive à prendre la poudre d'escampette. Débute alors une balade au zoo. Arrivé dans la salle des aquariums, Monsieur le Comte observe attentivement une murène qu'il jure être le portrait de sa grand-mère. L'aquarium se fissure, Monsieur le Comte devient secouriste, ce qui lui vaut de monter en grade et de devenir dépanneur. Déboucheur de W.C. dans un premier temps, chez une personne au visage malmené qui pourrait être...
Je ne vous en dis pas plus ! Sinon je déflore une bonne partie du récit et de sa magie.
Vraiment, ce roman est à lire et à relire, tant il est drôle et bien écrit. Philippe Annocque y déploie toutes les subtilités de la langue française, faisant danser rondement les mots, les secouant, leur donnant des allures rabelaisiennes qui épousent à la perfection son humour tranchant.
Un véritable régal de lecture, merci pour tout cela !
Les éditions
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Monsieur le comte au pied de la lettre [Texte imprimé], calembredaine héroïque Philippe Annocque
de Annocque, Philippe
Quidam éd. / Made in Europe (Meudon)
ISBN : 9782915018509 ; 9,55 € ; 07/10/2010 ; 98 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (5)
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Une drôle de lettre, un drôle de Comte !
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 25 novembre 2012
Il faut dire que Philippe Annocque se donne les moyens de perdre son lecteur. Le Comte n’est pas tout à fait ce qu’on pourrait penser et ses aventures sont pour le moins diverses, variées et saugrenues. Je n’exclus pas pour autant être passé à côté faute de …, faute d’avoir saisi un clin d’œil, faute de n’avoir su interpréter une allusion … Possible. Mais frustrant !
On retrouve les caractéristiques des écrits de Philippe Annocque ; une langue très riche, châtiée, mais qu’est-ce que la richesse lorsqu’elle n’est tournée que vers elle-même, pour elle-même ? C’est l’impression que j’aie eue ; une absence de propos palliée par une écriture forte et qu’on ne peut survoler. Mais là encore, absence de propos … je n’exclus pas que … (déjà dit)
« Où malencontreusement Monsieur Le Comte avait laissé s’aventurer sa main gauche et désoeuvrée. C’est donc au contact de la mollesse insistante de cette matière d’abord mystérieuse puis avec horreur identifiée que la débauche de ressentiments profonds et essentiels à l’égard du genre humain qui fournit sa matière non moins gommeuse aux précédents paragraphes fut, sous l’impulsion de la main ainsi souillée de Monsieur Le Comte, projetée outre-Atlantique. Quelle nation en effet, puisqu’il faut bien malgré la minceur de son histoire lui concéder ce nom, est la plus propre à alimenter la rancœur de deux Européens aigris, l’un par la douloureuse abstraction de sa figure, l’autre – aussi (l’ex-bibliothécaire au propre, Monsieur Le Comte au figuré) , quelle nation, disais-je, sinon celle qui dès sa naissance a prétendu faire du nom de son territoire un exemple involontairement ironique de solidarité pour le monde entier ? »
Dans un genre similaire, j’avais beaucoup plus apprécié « Circus », d’une auteure qui à ce jour n’a produit qu’un seul livre, Marie Bennett. Un monde imaginé là aussi. Enfin non, pas le monde qui est imaginé mais son fonctionnement. Le langage était moins puissant mais on était porté par un dessein, une histoire, à ne pas prendre au premier degré par ailleurs. C’est ce dessein là, cette histoire là, qui m’a manqué dans « Monsieur Le Comte au pied de la lettre ».
Vaineté des vanités
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 24 mars 2011
Un texte à l’usage de tous les enseignants pour étudier la ponctuation sous toutes ses formes, dans tous ses signes, et l’art de semer ceux-ci de la meilleure façon pour fluidifier la lecture. Mais aussi une étude sur la musique du texte avec des variations sur le br, br , …, sur le ca, ca, …, le ch, ch, …, et d’autres encore. En musicologie, on évoquerait peut-être une studieuse étude, ou peut-être une fantaisiste fantaisie, ou même une étude fantaisiste, ou, pourquoi pas, une fantaisie éducative mais, peu importe le flacon, c’est le contenu qui nous intéresse, le texte : de la littérature de haut vol, ciselée, façonnée, huilée, pesée, soupesée, repesée.
Et, pour ne pas perdre le fil de l’histoire, qui n’existe pas d’ailleurs, il faut suivre le fil de Philippe pour savoir ce qu’Annocque à derrière la nuque : une littérature qui laisse un peu de place entre les lignes pour imaginer un univers social cher à l’auteur et même, en lisant plus lentement, les fantasmes qu’il n’a pu contenir et qu’il espère nous faire partager au moins le temps de cette lecture.
Sur un ton plein d’ironie, de drôlerie, d’humour, l’auteur fait preuve d’une agile agilité, d’une imaginative imagination, d’une inventive inventivité, et d’autres choses encore comme ce jeu sur le sur le double, l’un et l’autre, l’un ou l’autre l’un sans l’autre, l’un avec l’autre, l’autre et l’un pour faire l’un d’avant.
J’ai pensé, évidemment, à Raymond Queneau, abusivement peut-être, et, j’en ai oublié de vous parler de l’histoire de Monsieur Le Comte, il doit livrer des publicités, déboucher des WC et puis…, et puis…, je ne sais plus et de toute façon ça n’a pas beaucoup d’importance puisque Monsieur Le Comte est tombé en abyme dans son histoire. Un véritable aveu de vaineté.
« L’écrit vain succède logiquement et historiquement au dit vain. »
Complètement Loufoque, avec un grand L.
Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 54 ans) - 24 décembre 2010
Il valdingue de sa bicyclette, mais dans la vie il se rétame pas mal non plus...alors il se dépatouille comme il peut (mais le peut-il?), au gré des évènements, en fonction des gens qu'il rencontre ou qui l'entourent (une mention spéciale à Madame Le Comte, qui mérite vraiment à être connue! Un vrai personnage...).
Tout est grave, finalement, derrière tous ces gadins, tous ces déboires, toute cette malchance, et surtout, cette solitude.
Mais il vaut mieux en rire.
Se jouer de tout ça.
C'est ce que fait l'auteur à merveille: il joue pas mal avec nous, lecteurs (en anticipant les paragraphes à venir, les pages à tourner et celles qu'il nous reste à lire...), mais surtout avec les mots, qu'il fait jongler avec brio (avec qui???).
Qui est sensible à la richesse de notre langue et ses subtilités, aux doubles, triples, quadruples sens que peuvent prendre un même mot, un bout de mot, un mot étêté ou raccourci, se régalera fatalement.
Difficile de rester impassible devant certains passages que j'ai trouvé jubilatoires.
Et comme c'est le livre qui par excellence ne se raconte pas mais se lit, alors du livre je vous livre ceci, petit passage canin qui m'a enchantée:
" Par ailleurs, il paraissait également naturel de tenir compte de la taille de ce dernier, et, comme naguère pour la vignette automobile, de définir des cylindrées: on ne pouvait pas décemment taxer au même tarif le colossal dogue allemand, véritable titan des molosses teutons, et le minuscule chie-ouah-ouah, tout petit bout de toutou-rat tout gris, au point qu'on le prendrait volontiers pour la déjection du précédent, lequel d'ailleurs à l'occasion renifle encore avec tendresse cette miniature excrémentale fidèle à son modèle ( et accessoirement à sa maîtresse, qui précisément le porte le plus souvent en accessoire, entre sa broche et son vison)."
Si vous voulez connaître la suite, vous savez ce qui vous reste à faire.
Un homme heureux ?
Critique de Pieronnelle (Dans le nord et le sud...Belgique/France, Inscrite le 7 mai 2010, 77 ans) - 30 novembre 2010
Une quête d'évasion et d'identité
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 6 novembre 2010
Cette farce absurde est empreinte d'un burlesque amer et assez triste. Beaucoup de sentiments mêlés se bousculent donc dans cette nouvelle au rythme endiablé.
L'auteur s'insurge contre l'idée de roman, style vampirique de la littérature, à l'instar des Etats-Unis pour le monde.
Le style est riche, sans être pédant ou ampoulé, et s'avère lourdement porteur d'allitérations, d'assonances, de phrases à rythmes internes et à longues énumérations, comme inspirées des exercices de style de Raymond Queneau. Tous ces rapprochements possibles rendraient l'étude de cette nouvelle fort à propos dans un programme de lectures scolaire, aux côtés de Mérimée, Ionesco et Molière.
J'ai passé un bon moment dans les transports nombreux de cette journée grâce à ce livre volontairement surprenant et désarçonnant.
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