Vineland
de Thomas Pynchon

critiqué par Bookivore, le 19 septembre 2010
(MENUCOURT - 42 ans)


La note:  étoiles
Un des joyaux de Pynchon
Aaah, Thomas Pynchon... Venant dernièrement de nous offrir son dernier (et huitième) opus, Pynchon est un des écrivains les plus talentueux, originaux, exigeants et secrets au monde. On ne connait que peu de photos de lui, principalement des photos datant d'avant ses débuts d'écrivain (avec "V" en 1963). Il ne donne jamais d'interviews, refuse toute publicité, toute promotion, et on l'imaginera donc difficilement chez Michel Field ou autre présentateur d'émission littéraire pour promouvoir ses oeuvres.
En 1990, il publie "Vineland", son premier roman en 17 ans (et "L'Arc-en-Ciel de la Gravité"), même si, entre temps, était paru un très bon recueil de nouvelles ("L'Homme qui apprenait lentement"). Long, mais pas son plus épais, "Vineland" est un livre magistral qui, malgré un début un peu étrange (comme pour tout Pynchon, il faut prendre son temps pour bien appréhender son style, souvent loufoque, ce mec a beau être très secret, mais il possède un sens de l'humour totalement givré), se pose là comme étant, avec "V" et "L'Arc-en-Ciel de la gravité", un des trois meilleurs romans de l'auteur.
Prairie, en 1984, a 14 ans. Elle vit dans le comté californien de Vineland avec son père, Zoyd Wheeler, un homme assez barré, fumeur de joints et amateur de coups d'éclats annuels assez barges : habillé en femme (malgré sa moustache à la Frank Zappa et un petit embonpoint), il se fracasse à travers des fenêtres, se défenestrant (sans bobos : rez-de-chaussée...) devant caméras, afin de passer à la TV, faire parler de lui, offrir à ce coin paumé un petit quart d'heure américain annuel.
Prairie, quant à elle, ne cesse de se demander où se trouve sa mère, Frenesi, que son père dit être en cavale, recherchée par le FBI pour des activités illégales et révolutionnaires, contre-culturelles, dans sa jeunesse. Prairie va, progressivement, remonter la filière pour tenter d'en savoir plus.
Ce qui permet à Pynchon, avec son style remarquable et un humour frappadingue, de proposer sa vision de l'Amérique des années 60 à 90. Un roman certes long (mais si vous avez lu "Contre-Jour", "Mason & Dixon" ou "L'Arc-en-Ciel de la Gravité" et tenu le coup, ces trois romans étant de purs pavés, alors la lecture de "Vineland" ne devrait pas vous poser de problème), mais franchement immense.
Immersion dans les sixties/seventies 10 étoiles

Avec Vineland, Pynchon nous offre une magnifique immersion dans le monde complètement déjanté de la Californie des années soixante au début des années 80, traversés par les mouvements de la contre-culture américaine : hippies, anarchistes, révolutionnaires, socialistes; et par les conservateurs répressionnistes. L'histoire, qu'on peut expliquer comme la recherche de Frenesi - une figure des mouvements révolutionnaires et socialistes, à la tête d'une équipe de cinéma qui se charge de filmer les évènements et les manifestations - par sa jeune fille de 14 ans, Prairie, est en réalité beaucoup plus complexe que cela, et pleine de digressions, de récits dans le récit, de retours en arrière, qui permettent de balayer un espace-temps assez large (de la Californie au Japon, de la révolte de l'université de Berkeley à Reagan...) et de rencontrer des personnages atypiques et caractéristiques des romans de Pynchon : loufoques mais aussi très travaillés, très marqués.
Tout cela est servi par une écriture somptueuse et décomplexée, qui peut passer de façon très subtile de considérations scientifiques ou métaphysiques à des dialogues drolatiques, de descriptions poétiques à des réflexions très crues voire vulgaires. Pynchon signe certainement avec ce livre une des plus grandes épopées romanesques.

OC- - - 28 ans - 16 août 2014