La Symphonie des nombres premiers de Marcus Du Sautoy

La Symphonie des nombres premiers de Marcus Du Sautoy
(The music of the primes)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Scientifiques

Critiqué par Kinbote, le 26 septembre 2010 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 101ème position).
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Gauss, Riemann, Hilbert et les autres

L’hypothèse de Riemann est un des 23 problèmes posés au début du siècle dernier par David Hilbert à n'avoir pas encore été entièrement résolu. Les nombres premiers (uniquement divisibles par 1 et par eux-mêmes) sont étudiés depuis des millénaires, Euclide a signalé qu’ils étaient une infinité. Ils sont les atomes de l’arithmétique : tous les autres nombres peuvent s’écrire sous la forme d’un produit de nombres premiers. La difficulté de leur étude est due au caractère aléatoire de leur distribution. On ne peut prévoir à partir d’une suite donnée de nombres premiers quel sera le suivant.

Riemann, en se basant sur les travaux d’un monstre des mathématiques, l’Allemand Carl Friedrich Gauss qui a fait intervenir les logarithmes dans son étude des nombres premiers, intégrera génialement les nombres imaginaires dans une fonction appelée la fonction zêta en posant que tous les zéros du paysage imaginaire obtenu se situent sur une même droite.
À partir de ceux, nombreux, qui tenteront de prouver l’hypothèse, Marcus du Sautoy nous fait voyager à travers des hauts lieux de l’activité mathématique depuis deux siècles: le Paris de l’après révolution française, la cité médiévale de Göttingen, les universités de Cambridge et Princeton, la France à nouveau avec le groupe de mathématiciens Bourbaki ou encore des sociétés qui ont favorisé la recherche en cryptographie (concernées par les nombres premiers) pour coder les transactions bancaires et commerciales sur le Net.

Il montre bien le travail des nombreux mathématiciens, jusqu’à aujourd’hui même, fait de ténacité, d’emprunts à d’autres domaines des mathématiques et aussi ponctué de lourdes déceptions dans un domaine où la solitude du chercheur le dispute à collaboration avec les mathématiciens du monde entier. Par des anecdotes bien choisies, il fait vivre chacun des acteurs de cette saga en même temps qu’il particularise de façon subtile leur contribution à l’avancée du problème en question.
Il paraît que l’auteur voulait écrire un roman sur ce thème, il use d’ailleurs de procédés de narration propres à soutenir l’attention de son lecteur. Un livre passionnant qui, donc, se lit comme un roman dont le personnage principal ne serait pas un être humain mais un sujet, complexe et mystérieux à souhait : l’ensemble infini des nombres premiers... qui n’a toujours pas délivré tous ses secrets. L’auteur a remarquablement appliqué l’esprit de cette citation de David Hilbert qu’il relève à un moment :« Les sciences mathématiques étant si vastes et si diverses, il est nécessaire de localiser leur culture, car toute activité humaine est liée à des lieux et des personnes. »

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Les éditions

  • La symphonie des nombres premiers [Texte imprimé] Marcus Du Sautoy traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Raymond Clarinard
    de Du Sautoy, Marcus Clarinard, Raymond (Traducteur)
    Points / Collection Points. Série Sciences
    ISBN : 9782757804292 ; 11,20 € ; 15/03/2007 ; 496 p. ; Poche
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Écrira-t-on un jour la symphonie ?

9 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 23 décembre 2020

C’est un livre étonnant, facile à lire et difficile à comprendre. Mais il est du genre qu’on ne lâche pas. Il s’agit d’une énigme : arrivera-t-on à percer le mystère des nombres premiers – ce mystère qui tracasse l’humanité depuis que l’homme a eu, un jour, l’idée de réfléchir. On a trouvé des traces sur des bâtons qui reprenaient les nombres premiers de 1 à 50 et qui dataient de plus de 8000 ans. C’était probablement des traces laissées par Neandertal l’ancêtre des Belges qui, comme chacun sait, était féru de mathématiques.

Le livre raconte l’histoire de ces recherches et, au fur et à mesure, il nous explique les découvertes. Malheureusement, même si l’auteur se veut très clair, ses explications dépassent parfois l’entendement du lecteur moyennement doué pour les maths ; personnellement, j’ai été souvent largué. Mais un des charmes du livre c’est qu’il a un côté historique qui est vraiment très amusant : chacun des chercheurs ayant percé une partie du mystère est remis dans son époque et a droit à une biographie brève mais toujours bien imagée.

Il faut dire que ces chercheurs sont toujours des personnages hors du commun. C’est très curieux. On se demande pourquoi ils passent toute leur vie à tenter de percer ce mystère proposé par la Nature (le grand N est de l’auteur) ce qui, finalement, ne servira à rien. Mais c’est un peu comme les poètes, eux aussi écrivent des choses qui finalement ne serviront à rien…

Certains chercheurs ont sombré dans la neurasthénie, faute d’avoir trouvé. Mais d’autres, beaucoup plus nombreux, se sont épanouis dans la recherche ; ils se souciaient peu du résultat, ils avaient compris que, dans la vie, c’est le chemin qui compte. C’est comme un pèlerinage à Compostelle : ce qui compte, c’est le pèlerinage, la route, ce n’est pas l’arrivée. C’est la même chose pour l’alpiniste ou le navigateur solitaire : c’est l’épreuve qui compte, ce n’est pas la réussite. Et, en fait, c’est toujours comme ça. Je ne sais plus qui disait : une chose terrible dans la vie, c’est de ne pas avoir atteint son but mais une chose est pire, c’est de l’avoir atteint. A méditer !

Les chercheurs mathématiciens sont comparables à des coureurs d’une course relais : ils font une partie du trajet et puis passent le témoin au suivant et ainsi jusqu’à la ligne d’arrivée. Sauf que pour les chercheurs cette ligne d’arrivée semble s’éloigner au fur et à mesure qu’ils s’en rapprochent.

Celui qui est arrivé le plus près de la solution, est un certain Riemann, au milieu du XIXème siècle. Ce Riemann a proposé une hypothèse qui est un vrai casse-tête ; il a imaginé de représenter les nombres premiers dans un paysage à 4 dimensions. La quatrième dimension étant des nombres imaginaires. Ce que j’ai compris c’est que les nombres premiers sont les points les plus bas du paysage, qu’on appelle les zéros, et qui seraient toujours sur une même ligne imaginaire qui part au nord vers l’infini.

Je suis loin d’être sûr d’avoir tout compris. Mais ce que j’ai compris c’est que cette hypothèse est une énigme : tous ceux qui ont cherché à la comprendre ont conclu qu’elle pourrait finir par foirer si, tout à coup, certains zéros sortaient de la ligne. Mais personne ne l’a jamais constaté et donc personne ne peut conclure que l’hypothèse est fausse. Mais ça ne veut pas dire qu’elle est juste.

Attention SPOILER : le mystère reste entier !
Alors je vous encourage à chercher : comme Saule l’a bien dit, celui qui percera le mystère des nombres premiers aura, outre son patronyme inscrit au patrimoine éternel de l’humanité, une plantureuse récompense en dollars. Mais il devra savoir à quoi il s’engage : le monde très sérieux des mathématiciens a prédit que celui qui trouvera aura la vie éternelle ; mais d’autres ont prédit qu’il tombera raide mort.

Une quête presque mystique

9 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 18 mai 2011

1,2,3,5,7,11,13,17,19,21,... Les nombres premiers sont les nombres divisibles uniquement par 1 et par eux-même. Ce sont les blocs principaux de la mathématique des nombres, puisque tout autre nombre peut être décomposé dans le produit de deux nombres premiers. Ces nombres fascinent les mathématiciens depuis toujours, car personne n'est parvenu à trouver la logique qui sous-tend la génération de ces nombres par la nature. Ainsi, on est incapable de prédire à quelle fréquence ils se suivent, ni de savoir combien de temps il faut attendre entre chaque nombre premier.

Mais est-ce qu'il y a une logique ? Les mathématiques, est-ce une vue de l'esprit ? Est-ce quelque chose qui existe indépendamment du réel ? Grâce à des mathématiciens de génie comme Gauss, on commence à percevoir une musique dans cette suite de nombres, une symphonie. Les mathématiciens savent que la nature aime trop la beauté, que derrière un chaos apparent il y a toujours une logique qui nous échappe.

En lisant l'histoire de ces grands mathématiciens, on pense à des mystiques, des gens qui vivent dans une autre réalité que la notre. La recherche initiée par la géniale intuition de Rieman se poursuit de génération en génération, à travers le monde, le pôle central se déplaçant de Gottigen à l'époque de Gauss, à Paris, puis à Princeton. C'est en Amérique aussi que trois mathématiciens ont inventé la clé de cryptage RSA, dont le principe repose sur une particularité connue depuis longtemps des nombres premiers : le fait que la décomposition d'un nombre très élevé en le produit des deux nombres premiers est excessivement difficile (nécessite une puissance de calcul énorme). L'algorithme de cryptage RSA assure la sécurité des transactions sur internet. Les études récentes trouvent des ponts entre les mathématiques pures, la physique (physique quantique), et la théorie du chaos.

Tout cela est passionnant. Mais par moment j'ai été largué, notamment à propos de cette fameuse hypothèse de Riemann, avec son paysage imaginaire et la fonction zeta, et les zéros qui s'alignent sur une droite : c'est un peu fâcheux, car c'est l'ossature de tout le livre. Ma compréhension de la physique quantique étant nulle, je n'ai eu qu'une vague idée de ce domaine et de ses implications sur la sécurisation des transactions sur internet. Mais que ça ne vous rebute pas : ce livre est écrit comme un roman. J'ai passé un excellent moment et j'ai appris plein de trucs à propos des maths. Et qui sait, dans une crise de mysticisme, je pourrais peut-être trouver la solution qui fait suer tant de mathématiciens depuis des siècles (il y a un prix très important à la clé).

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  Mathématiciens, pêcheurs de lune 21 Saint Jean-Baptiste 31 décembre 2020 @ 12:18

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